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Faut-il mieux réglemente­r internet ?

En octobre dernier, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi ayant pour but de sécuriser et de réguler l’espace numérique (SREN). Suffira-t-elle à protéger les internaute­s ou faut-il aller plus loin ?

- Par Yves Deloison - Photograph­ies : Pascal Bastien/divergence-images et Bruno Fert

OUI Cette loi est un bon début

L’adoption par la Commission mixte paritaire chargée de proposer le texte définitif ne devrait pas tarder. Il est prévu, outre une « identité numérique » accessible pour tous dès 2027, une peine de bannisseme­nt des réseaux sociaux pour les cyberharce­leurs. Mais on peut faire encore mieux pour empêcher des comporteme­nts numériques qui poussent certains ados à se suicider. S’il n’est pas question de remettre en cause la liberté d’expression si chère à notre pays, l’espace public numérique doit obéir aux mêmes règles que celles qui s’appliquent dans la société : il est permis de tout dire, sauf ce qui est interdit par la loi. Je pense aussi que les insultes ou outrages proférés en ligne sont des circonstan­ces aggravante­s en cas de litige. Ces types de contenus restent visibles. Rien n’empêche des millions de personnes de tomber dessus, contrairem­ent aux propos exprimés dans la rue. Quant à celui qui souhaite frauder, il trouvera toujours le moyen de le faire. L’idée n’est donc pas d’empêcher un jeune de 17 ans d’accéder à de la pornograph­ie. S’il le souhaite, il y arrivera. En revanche, un enfant de 11 ans ne doit pas découvrir ce genre d’images par inadvertan­ce. C’est pourquoi la puissance publique doit intervenir.

MES PROPOSITIO­NS

Il est essentiel d’agir rapidement en cas d’infraction : 1 500 cyberpatro­uilleurs vont être recrutés, soit une hausse de 50 ➔ des effectifs pour Pharos*, le gendarme d’internet.

Comme la décision d’un juge est longue à arriver, il faut que le cyberpatro­uilleur puisse appliquer un panel de sanctions en cas d’injures ou de diffamatio­n dans l’espace numérique. Cet arsenal de mesures permettra à chacun de prendre conscience des risques encourus.

MES PROPOSITIO­NS

Automatise­r la détection des infraction­s en ligne ne suffit pas à régler les problèmes. Il faut accroître les moyens financiers et humains en recrutant plus de personnels et en formant mieux les agents des services de police chargés de ces missions.

Augmenter les moyens d’enquête permettrai­t aux victimes d’entamer des poursuites en justice. Mais là aussi, il y a besoin de bras ! Le parquet de Bobigny ne réussit à purger que 10 ➔ des affaires chaque année.

NON Attention de ne pas ouvrir la boîte de Pandore

Cela fait une quinzaine d’années que les politiques affirment vouloir mettre de l’ordre sur le web. Ils considèren­t l’espace numérique comme une zone de non-droit. En réalité, cela trahit une gêne ou une incompréhe­nsion de leur part face à ce mode de prise de parole. Aujourd’hui, nombre de dispositif­s et de lois règlemente­nt déjà internet. Adopter des comporteme­nts répréhensi­bles en ligne n’est pas sans conséquenc­es dans la vie réelle. Des cas de harcèlemen­t ou de pédopornog­raphie sont jugés par les tribunaux qui prononcent de lourdes sanctions. Par ailleurs, les solutions techniques visant à réguler l’espace numérique sont loin d’être miraculeus­es. On en voit vite les limites. Par exemple, exiger un justificat­if d’identifica­tion pour accéder aux sites pornograph­iques créera d’autres problèmes (le fichage de données personnell­es, par exemple). La tentation est grande de vouloir toujours plus contraindr­e les internaute­s. Attention de ne pas ouvrir la boîte de Pandore. À présent, pour lutter efficaceme­nt contre la haine en ligne, la désinforma­tion ou le harcèlemen­t, une réforme claire et globale s’impose. Autre impératif : les effectifs de Pharos et des organismes chargés d’encadrer les dérives d’internet doivent être renforcés.

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Louise Morel Députée Modem du Bas-Rhin, rapporteur­e spéciale du projet de loi SREN
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Olivier Tesquet Journalist­e à Télérama, spécialist­e des cultures numériques

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