BOURSE
LE CAC 40 À 6.000 POINTS, ET MAINTENANT ?
De nombreux spécialistes avaient anticipé un retour du CAC 40 dans la zone des 6.000 points en début d’année. Nous y sommes déjà. De quoi sera fait le reste de l’année ? Y a-t-il encore des opportunités à saisir ? Retour sur le premier trimestre et les perspectives sur les marchés actions.
« Les périodes de hausse des taux longs ne sont nécessairement synonymes de purge pour les indices boursiers ».
De nombreux spécialistes avaient anticipé un retour du CAC 40 dans la zone des 6.000 points en début d’année. Nous y sommes déjà. De quoi sera fait le reste de l’année ? Y a-t-il encore des opportunités à saisir ? Retour sur le premier trimestre et les perspectives sur les marchés actions.
La remontada des cours de Bourse engagée au printemps 2020 s’est poursuivie à un rythme effréné au premier trimestre 2021. Le signe d’un optimisme retrouvé quant aux perspectives de normalisation de l’économie, bien aidé par les campagnes de vaccination qui s’intensifient dans les pays développés, Grande-bretagne et Étatsunis en tête. À tel point que le CAC 40 a fini par gommer ses pertes nées de la chute-éclair des cours entre la fin février et le début du mois de mars de l’an passé.
RATTRAPAGE ÉCLAIR
« Nous n’avions jamais assisté à une crise de cette puissance, dont l’impact sur les marchés s’est résorbé aussi rapidement, relève Nicolas Chéron, stratégiste chez Zonebourse.com. Pour les actions américaines, la crise de 1929 a été effacée en 15 ans et demi, l’éclatement de la bulle Internet en 7 ans et demi, la crise financière de 2007 en un peu plus de 5 ans ». Les superlatifs manquent, tant la période est hors normes, par sa rapidité et sa violence. « Depuis mars dernier, l’état fédéral américain et les banques centrales injectent respectivement 837 millions et 1 milliard de dollars toutes les heures, compte Nicolas Chéron. Au total, plus de 15.000 milliards de dollars ont été injectés pour amortir le choc économique provoqué par la crise, soit 15% du PIB mondial ».
Les banques centrales vont-elles rester aussi accommodantes à l’avenir ? Certains opérateurs se sont mis à en douter à partir du mois de février, marqué par l’amorce d’une remontée rapide des taux longs américains, le rendement des bons du Trésor à 10 ans américain atteignant 1,52%, puis 1,72% fin mars.
HAUSSE DES TAUX ET DES ACTIONS : PAS D’INCOMPATIBILITÉ
Les craintes liées à cette pentification de la courbe des taux et à une remontée de l’inflation ont freiné la marche en avant des marchés actions, sans pour autant les déstabiliser. Force est de constater que les périodes de hausse des taux longs ne sont nécessairement synonymes de purge pour les indices boursiers. C’est même plutôt le contraire. « Sur 16 phases de hausse significative des rendements obligataires depuis l’après-guerre, les marchés actions ont monté à 13 reprises », se remémore Jeanmarie Mercadal, directeur général délégué D’OFI AM
en charge des gestions, dans une note parue le 11 mars dernier. « Les seules exceptions sont 1987, 1994 et 2018 : à chaque fois, les marchés avaient été surpris par des décisions inattendues de la Réserve Fédérale », relève-t-il. Pour l’heure, un maintien par la Fed des politiques de taux courts et d’achats massifs d’actifs jusqu’en 2023 est le scénario privilégié par de nombreux stratégistes.
De ce côté-ci de l’atlantique, pas question non plus de remonter les taux d’intérêt, ce qui permet aux agents économiques d’accéder au crédit à bas coût pour alimenter la reprise, et aux États de faire face au service de leur dette. « Le taux des obligations d’état allemandes est maintenu artificiellement bas par la BCE, c’est autant de carburant pour les actions », nalyse Alexandre Baradez, responsable des analyses marchés D'IG France.
ROTATION SECTORIELLE
La remontée des rendements obligataires a surtout fait le lit d’une rotation sectorielle, initiée en novembre dernier, au détriment des valeurs de croissance, technologiques d’abord, au profit des valeurs plus cycliques et « value » (décotées par rapport à leurs fondamentaux, Ndlr). Valeurs financières, pétrole et gaz, tourisme et loisirs, constructeurs automobiles européens, le rallye des titres cycliques et value s’est opéré sans trop de discernement. « C’est parti vite et fort : la remontée a concerné indistinctement la plupart des valeurs, y compris celles dont les fondamentaux ne le justifient pas vraiment, ce qui plaide pour une consolidation, estime Alexandre Baradez. Mais il est fort probable que le marché ne rendra pas tous ses gains ».
Reste-t-il encore des opportunités d’investissement alors que la valorisation de la quasi-totalité des secteurs a rattrapé son retard, voire bénéficié d’anticipations sur la réouverture de l’économie ? Comme toujours, une sélection de titres de qualité et porteurs s’impose. Mais un peu plus qu’à l’accoutumée.
REPRISE DÉJÀ DANS LES COURS
Les valorisations actuelles laissent, en effet, peu de place aux déceptions. « Les bonnes nouvelles passent parfois inaperçues, les mauvaises provoquent une sanction immédiate. Les sociétés annonçant des comptes 2020 conformes aux attentes, mais des prévisions de résultats revues en baisse, ont pu l’expérimenter, observe Nicolas Chéron. Cela laisse entendre que les meilleures anticipations sont déjà intégrées dans les cours. On ne trouve plus de poche véritablement décotée ».
Un consensus semble se dégager sur le constat que le rebond de la croissance mondiale en 2021 est déjà bien valorisé par le marché. Les indices Dax, S&P 500 et Nasdaq 100 évoluent tous largement au-dessus de leurs niveaux pré-crise. C'est aussi le cas pour le CAC 40 dividendes réinvestis, dans des proportions plus modestes.
« On peut s’attendre à une latéralisation pendant plusieurs mois, à un couloir de consolidation, en particulier pour les valeurs technologiques qui devraient continuer à subir les effets de la rotation sectorielle, mais dans des proportions moindres qu’au premier trimestre, estime Alexandre Baradez. Les secteurs qui ont le plus profité de la rotation ne pourront pas continuer sur le même rythme, une respiration apparaît même nécessaire avant de repartir à la hausse. Le CAC 40 pourrait très bien retomber autour des 5.500 points avant que le brouillard sur le timing et la vigueur de la reprise ne se dissipe ».
« Je verrais bien un canal horizontal oscillant entre 10% au-dessus et en-dessous des niveaux actuels. Je vois mal le marché se crasher, mais s’il cède un peu de terrain, des points d’entrée plus intéressants se feront jour. Si à l’inverse les cours montent trop rapidement, le plafond de verre sera atteint. Les marchés sont allés un peu vite en besogne, ce qui n’est pas illogique », justifie Nicolas Chéron.
« Les excès engendrent souvent des excès alors que nous sommes en phase de sortie de crise. Je pense que l’euphorie a pris le pas sur l’espoir. N’oublions pas que la capitalisation boursière mondiale dépasse les 100.000 milliards de dollars ; elle est donc supérieure au PIB mondial, une première depuis la grande crise financière de 2007-2008 », analyse-t-il. Et d’ajouter : « Il faut ajouter les deux trimestres à venir de croissance exceptionnelle seront passagers, après le trou d’air de l’an passé qui minore les bases de comparaison. Dès le quatrième trimestre, ce rattrapage s’atténuera ».
DICHOTOMIE EUROPE - ÉTATS-UNIS
Pour Nicolas Chéron, le découplage des perspectives de reprises de part et d’autre de l’atlantique auquel on assiste, est à prendre sérieusement en compte. « En seulement quatre trimestres, le PIB américain aura franchi son niveau pré-covid. On peut même s’attendre à ce que, dès 2022, les Étatsunis dépassent le rythme de croissance auxquels ils pouvaient prétendre avant la survenue de la crise sanitaire. L’europe mettra peut-être un an et demi pour rétablir ses niveaux d’activité antérieurs, et ne retrouvera peut-être jamais sa courbe de création de richesses d’avant. Or les marché actions sont censés refléter les anticipations de croissance et de retour à un certain niveau de profits des entreprises cotées ».
Au contraire, Alexandre Baradez pense qu’une fois que la certitude d’une réouverture des économies du Vieux Continent sera acquise, plus rien ne s’opposera à chercher de nouveaux records pour les indices boursiers européens en 2022, pour au moins trois raisons. La première tient à la politique monétaire de la BCE, qu’il anticipe « plus accommodante que la Fed » en raison du retard pris dans la vaccination et dans l’atteindre des niveaux de PIB pré-crise, par rapport aux États-unis. La seconde est liée à la composition des indices CAC 40 ou le DAX, plus sensibles à la reprise du fait d’une forte composante de valeurs cycliques en leur sein.
Dernier argument, graphique celui-ci. « L’indice Eurostoxx50 hors dividende se retrouve, pour la quatrième fois depuis 2015, dans la zone de prix actuelle après des creux qu’il est parvenu à combler. Toute cassure de cette zone de résistance ouvrira la voie à la recherche des sommets de 2007, qui se situent 20% plus haut ».■