IMPÔTS LOCAUX
LE GRAND CHAMBARDEMENT
Suppression de la taxe d’habitation sur la résidence principale, transfert de la part départementale de la taxe foncière aux communes, mécanismes de compensation mis en place par l’état… La réforme de la fiscalité locale entre pleinement en application cette année. Et le pouvoir de fixation de taux des maires reposera désormais essentiellement sur la taxe foncière.
C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. La suppression de la taxe d’habitation, mesure-phare de la campagne d’emmanuel Macron qui a contribué à son élection en 2017, a conduit le législateur à remettre à plat la fiscalité locale dans son ensemble. Il n’avait pas le choix : il était indispensable de compenser la disparition d’un impôt rapportant quelque 24 milliards d’euros par an aux collectivités ! C’est donc tout un schéma de financement qu’il a fallu repenser pour contrebalancer les pertes de recettes induites pour les communes et ne pas déséquilibrer des budgets souvent mis à mal par la crise sanitaire. Triste hasard du calendrier. Le tout sans augmenter la pression fiscale, pour ne pas donner l’impression d’un jeu de bonneteau et éviter de froisser le contribuable-électeur à l’approche du prochain scrutin présidentiel.
Cette refonte, qui entre en vigueur à compter de cette année, a concerné aussi bien les collectivités territoriales (communes, départements, régions) que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), appellation qui regroupe les syndicats de communes, les communautés urbaines, les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les syndicats d’agglomération nouvelle et les métropoles.
NATIONALISATION DE LA TAXE D’HABITATION
En revanche, certaines taxes annexes à la taxe d’habitation ne sont pas concernées par cette nationalisation. C’est le cas de la part de taxe d’habitation principale dévolue aux syndicats de communes et de la taxe Gemapi (servant à financer la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations). Même chose pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et la taxe d’habitation sur les logements vacants, dont
les recettes restent dans l’escarcelle des communes et des intercommunalités. La taxe sur les logements vacants (TLV) demeure, quant à elle, affectée à l’agence nationale de l’habitat (Anah).
LA TAXE FONCIÈRE AUX COMMUNES
Les communes, et plus globalement l’échelon communal (EPCI inclus, appelé « bloc communal » par les spécialistes des finances locales), bénéficient de plusieurs mécanismes compensatoires, en contrepartie de la perte totale en 2021 du produit de THRP, du fait de sa suppression. Le principal prévoit le transfert intégral de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes, soit plus de 14 milliards d’euros. Cette fraction de taxe foncière n’apparaîtra plus dans les avis d’imposition de cette année. Après la suppression de la part régionale de la taxe foncière en 2011, et donc celle redevant aux départements cette année, la taxe foncière devient un impôt entièrement communal.
Les maires conservent la main sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les deux taxes foncières. Ce qui fait dire à Yann Le Meur, président de président de Ressources Consultants Finances et enseignant à la faculté des sciences économiques de Rennes I, qu’il « leur reste une autonomie fiscale non négligeable ». À elle seule, la taxe foncière sur les propriétés bâties représente une manne de plus de 35 milliards d’euros annuels, soit près de la moitié du produit de l’impôt sur le revenu.
Les EPCI à fiscalité propre bénéficient quant à eux, en compensation de la suppression de la THRP, d’une fraction de TVA (taxe sur la valeur ajoutée), pour un montant de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Le bloc communal s’est également vu affecter : - une part des frais de gestion auparavant perçus par l’état lors du recouvrement des deux taxes foncières (bâti et terrains) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE)
- la taxe sur les surfaces commerciales (qui abondait auparavant le budget de l’état)
- la taxe additionnelle à la taxe foncière sur le non bâti - l’intégralité de recettes de la CFE et une petite majorité (53%) de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
PERTE DE L’AUTONOMIE FISCALE DES DÉPARTEMENTS
Depuis cette année, les exécutifs départementaux ne sont plus libres de lever des impôts auprès des ménages, du fait transfert intégral de la part départementale de taxe foncière aux communes. Leur budget se voit accorder une fraction de TVA en compensation dès cette année. Les départements se retrouvent privés de tous les impôts
« Les maires conservent la main sur la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les deux taxes foncières ».
directs historiques dont ils détenaient un pouvoir de fixation de taux : taxe d’habitation et CFE (transférées au bloc communal en 2011), et maintenant taxe foncière.
Lot de consolation, les départements bénéficient d’une fraction des frais de gestion auparavant perçus par l’état au titre du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, y compris sur la part d’impôt foncier revenant à la commune et aux intercommunalités. Ils conservent par ailleurs une part minoritaire, mais non négligeable (47%), de CVAE. Enfin, les régions, qui se voient retirer leur part de CVAE et des frais de gestion de taxe d’habitation, se voient attribuer une dotation de l’état. La fraction de TVA attribuée aux EPCI à fiscalité propre, aux départements et aux collectivités à statut particulier (Ville de Paris, métropole de Lyon) évoluera chaque année en fonction de la variation de cet impôt national. « Le législateur a, en outre, prévu une clause garantissant aux affectataires de cette fraction de TVA que son montant ne pourra jamais être inférieur à celui versé en 2021 », peut-on lire dans le dernier rapport de l’observatoire des finances et de la gestion publique locales, publié en juillet dernier. Espérons que cette disposition ne trouve jamais motif à s’appliquer.