« Les assureurs ont la capacité de servir les taux qu’ils veulent »
L’analyse et les projections de Cyrille Chartier-kastler, fondateur de Goodvalueformoney, l’un des spécialistes reconnus du secteur, sur le rendement des fonds en euros.
Quel bilan peut-on tirer des premières annonces des assureurs ?
La baisse des taux de rendement est moindre que ce que l’on aurait pu anticiper. Sur la base du référentiel de France Assureurs, l’atterrissage devrait se situer autour de 1,20 à 1,25% contre 1,30% en 2020, net de frais et avant prélèvements sociaux et fiscaux. Sur la base du périmètre des fonds euros classiques des contrats d’assurance vie individuels (hors contrats retraite), analysé par Goodvalueformoney, le taux de rendement devrait s’établir à 1% environ, contre 1,08% en 2020.
Comment expliquer cette résistance ?
C’est la traduction de deux phénomènes. Le premier tient aux bonnes performances des marchés actions en 2021 qui ont permis aux compagnies de matérialiser d’importantes plus-values. C’est d’ailleurs ce qui a permis aux fonds euros dynamiques et aux fonds eurocroissance de bien se comporter. En second lieu, nous assistons à une perception très contrastée des économistes des groupes d’assurance sur les perspectives de hausse des taux d’intérêt. Certains estiment qu’un cycle de hausse s’est enclenché, conduisant leurs compagnies à cesser de baisser les taux servis aux assurés, avant d’accompagner une remontée progressive.
Cette analyse fait-elle consensus ?
Tous les économistes n’ont pas cette lecture de la situation. Une part significative des compagnies continue de penser que l’environnement de taux reste extrêmement bas et que le scénario central reste celui d’une légère érosion des taux servis au fil des ans. C’est difficile de leur donner tort, avec un OAT 10 ans à 0,30%.
À quelle tendance faut-il s’attendre pour 2022 ?
Il semble que nous nous approchons de l’atteinte d’un point bas sur les taux servis. Face à la remontée du taux du Livret A et au contexte inflationniste, les compagnies ont fait le choix de ne pas trop abaisser leurs taux ou de les stabiliser pour ne pas effrayer les épargnants. Cela dit, l’exercice des prévisions est devenu très difficile. On peut tabler, pour l’instant, sur une stabilisation des taux servis en 2022, tout en sachant que compte tenu de leurs réserves, à travers la provision pour participation aux bénéfices et les plus-values latentes, les compagnies disposent de marges de manoeuvre telles qu’elles sont en capacité de servir les taux qu’elles veulent.
Comment l’épargnant peut-il manoeuvrer dans ces conditions ?
Le niveau extrêmement haut des marchés actions n’est pas propice à un accroissement de l’exposition sur ce type d’actif. Maintenir une proportion significative de son contrat sur le fonds en euros, de l’ordre de 60%, n’est pas la panacée mais constitue une solution de repli en attendant de retrouver des points d’entrée plus accessibles. Aussi, le relèvement du taux du Livret A à 1% est une invitation à saturer ce type de compte : ce taux de rémunération est une aubaine, puisqu’il fait bien mieux que le fonds euros de bon nombre de contrats, le tout sans frais sur versements ni fiscalité et avec une disponibilité du capital immédiate.
« Face à la remontée du taux du Livret A et au contexte inflationniste, les compagnies ont fait le choix de ne pas trop abaisser leurs taux ou de les stabiliser pour ne pas effrayer les épargnants ».