ÉPARGNE SALARIALE DÉBLOCAGE EXCEPTIONNEL, MODE D’EMPLOI
Instauré par la loi pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août dernier, un déblocage de l’épargne salariale par anticipation est possible jusqu’à la fin de l’année. Qui est concerné et pour quel montant, exceptions, démarches… L’essentiel sur le dispositif destiné à stimuler la consommation des ménages.
Instauré par la loi pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août dernier, un déblocage de l’épargne salariale par anticipation est possible jusqu’à la fin de l’année. Qui est concerné et pour quel montant, exceptions, démarches… L’essentiel sur le dispositif destiné à stimuler la consommation des ménages.
L’épargne salariale constitue une part significative du patrimoine financier de très nombreux Français. Profitant du versement des primes d’intéressement et/ou de participation de leur employeur, souvent complétées par des versements complémentaires (appelés abondement) les bénéficiaires de ces dispositifs perçoivent en moyenne plus de 2.000 euros par an à ce titre chaque année, dans les entreprises comptant au moins 10 salariés, d’après la Dares (institut statistique rattaché au ministère du Travail). Mais cette épargne est en principe bloquée pendant au moins cinq ans dans le cadre des plans d’épargne entreprise (PEE) et assimilés, ou jusqu’à l’âge de la retraite en cas d’affectation à un plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco ou Percol).
POURQUOI CE DÉBLOCAGE ?
Pour conforter le pouvoir d’achat des ménages et soutenir la consommation dans un contexte d’inflation inédite depuis plusieurs décennies, alors que la TVA constitue la principale recette du budget de l’état français, le gouvernement est parvenu à faire voter cet été une mesure visant à donner accès à cette épargne immobilisée, en vue d’une utilisation immédiate pour l’achat de biens et services. En effet, l’article 5 de la loi de mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août dernier, offre aux bénéficiaires d’un dispositif d’intéressement et de participation, la possibilité de débloquer exceptionnellement tout ou partie des avoirs bloqués.
POUR QUI ?
Tout salarié ou ancien salarié bénéficiaire d’un plan d’épargne d’entreprise (PEE), d’un plan d’épargne groupe (PEG) ou d’un plan d’épargne interentreprises (PEI) a droit à ce déblocage exceptionnel, sans être contraint d’attendre l’arrivée au terme du délai d’indisponibilité habituel. En France, la Dares dénombrait 4,17 millions de salariés dans les entreprises de 10 salariés ou plus, ayant épargné sur un PEE en 2020. De même, au sein des entreprises de moins de 250 salariés, les travailleurs non-salariés sont éligibles au dispositif de déblocage, à savoir les chefs d’entreprise, les gérants, mais aussi les présidents, les directeurs généraux et les membres du directoire, selon le type de gouvernance en vigueur dans l’entreprise. Sont aussi visés les conjoints ou partenaires de Pacs des chefs d’entreprise, s’ils ont le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé
L’ÉPARGNE RETRAITE D’ENTREPRISE EST-ELLE CONCERNÉE ?
Les sommes investies dans un Perco, dans un plan d’épargne retraite d’entreprise collectif ou dans un plan d’épargne retraite obligatoire (Pero) demeurent bloquées jusqu’au terme initialement prévu, l’article 5 de la loi ayant mis ces dispositifs hors du champ du déblocage. Ce n’est pas vraiment surprenant, dans la mesure où le développement de l’épargne retraite au travers du PER est l’un des dossiers suivis de près par le ministre de l’économie Bruno Le Maire, depuis l’entrée en vigueur de la loi Pacte en 2019.
QUELLES SOMMES PEUT-ON RETIRER ?
Toute somme investie avant le 1er janvier 2022 dans un PEE peut en principe être débloquée, dans la mesure où elle provient de la participation et/ou de l’intéressement ainsi que des éventuels suppléments de la participation et/ou d’intéressement. Par conséquent, les primes perçues cette année au titre de la participation ou de l’intéressement ne sont pas concernées par la mesure.
Le ministère du Travail précise que l’abondement associé à la participation ou à l’intéressement est également éligible au déblocage. Le montant total des sommes pouvant être débloquées dans le cadre de ce dispositif est limité à 10.000 euros par bénéficiaire, net de prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement de solidarité, soit un taux de 17,2%) sur les plus-values éventuelles. En 2020, toujours d’après la même source, on comptait 4,9 millions de bénéficiaires d’une prime de participation et 4,4 millions d’une prime d’intéressement, dans les entreprises de 10 salariés ou plus. Parmi ceux-ci, tous ne disposent pas nécessairement d’un PEE ou n’ont pas forcément choisi de bloquer les sommes perçues sur un tel plan.
LES VERSEMENTS VOLONTAIRES SONT-ILS VISÉS ?
La quote-part des PEE et plans assimilés alimentée par des versements volontaires du salarié ne peut être débloquée, de même que l’abondement qui s’y rattache. Même chose pour les sommes issues de versements unilatéraux de l’employeur, hors intéressement, participation et abondement : elles ne sont pas éligibles au déblocage exceptionnel.
TOUTE L’ÉPARGNE LOGÉE DANS PEE PEUT-ELLE ÊTRE DÉBLOQUÉE ?
Cela dépend de la composition du plan. Les capitaux investis dans des fonds solidaires, dont une part est affectée au financement de l’économie sociale et solidaire, ne sont pas déblocables. Pour le reste, tous les fonds, quel que soit leur support sous-jacent (actions, obligations, monétaire,
immobilier, diversifiés) entrent dans le champ du déblocage. Un cas particulier est prévu en cas d’investissement direct ou indirect en titres de l’entreprise (voir ci-dessous).
L’ACCORD DE L’EMPLOYEUR EST-IL REQUIS ?
Le déblocage peut être soumis au préalable à la conclusion d’un accord d’entreprise. Dans certaines circonstances, un accord est systématiquement requis, tel que le prévoit la loi. C’est le cas lorsque les avoirs sont investis en titres de l’entreprise ou du groupe, dans un fonds d’actionnariat salarié ou une Sicav d’actionnariat salarié. L’accord en question peut alors prévoir un montant maximum à débloquer inférieur au plafond légal de 10.000 euros.
JUSQU’À QUAND PEUT-ON DEMANDER UN RETRAIT ?
La demande de déblocage peut être formulée jusqu’au 31 décembre 2022 à 23h59. L’administration accorde une tolérance aux déblocages de fonds intervenant dans le courant du mois de janvier 2023 « lorsqu’une demande est formulée à la fin de l’année 2022 ».
LES SOMMES SONT-ELLES DÉBLOQUÉES AUTOMATIQUEMENT ?
Non, le salarié voulant libérer son épargne salariale doit en faire la demande. Celle-ci s’effectue soit auprès de son employeur, soit auprès de l’organisme gestionnaire, sur papier libre ou en ligne, lorsqu’un espace de consultation et de gestion du compte est mis à disposition. La demande doit être faite en une seule fois.
LES SOMMES RETIRÉES SONT-ELLES IMPOSABLES ?
Les sommes débloquées sont totalement exonérées d’impôt sur le revenu, qu’elles soient directement issues des dispositifs d’épargne salariale ou des gains générés par les placements effectués dans le cadre du PEE. Seuls les prélèvements sociaux s’appliquent sur les gains.
DES FRAIS PEUVENT-ILS S’APPLIQUER ?
Les teneurs de compte d’épargne salariale peuvent facturer des frais au bénéficiaire demandeur d’un déblocage exceptionnel, dont la tarification varie d’un opérateur à l’autre et selon le support utilisé (espace en ligne ou par courrier). Le montant correspondant, généralement compris entre 10 et 20 euros, vient alors en déduction des sommes retirées. Cependant, l’employeur peut prendre à sa charge le coût occasionné.
PEUT-ON UTILISER LIBREMENT LES CAPITAUX DÉBLOQUÉS ?
Les sommes retirées doivent servir à « financer l'achat d'un ou de plusieurs biens ou la fourniture d'une ou de plusieurs prestations de services », comme le prévoit expressément le texte de loi. La rédaction du texte exclut donc tout autre usage que la consommation immédiate. Il n’est donc pas question de réaffecter les sommes ainsi retirées vers un placement financier ou immobilier, ni pour solder un prêt. Le paiement des impôts locaux, de l’impôt sur le revenu ou sur la fortune immobilière (IFI) n’est pas non plus autorisé. Dans une note parue sur son site Internet, le ministère du Travail précise en revanche que le règlement des frais de scolarité est accepté.
DOIT-ON JUSTIFIER LES DÉPENSES EFFECTUÉES ?
La loi n’exige aucune justification des dépenses au moment du dépôt de la demande de déblocage. Cependant, il est nécessaire de conserver les justificatifs d’achat permettant d’attester l’usage des sommes débloquées pour être en mesure de les présenter à l’administration fiscale en cas de contrôle. Le délai de conservation conseillé est de trois ans, correspondant au délai dont dispose l’administration fiscale pour effectuer un contrôle.