Micro Pratique

AGI, LE GRAAL DE L’IA? C’EST QUOI? EN EST-ON PROCHE?

L’enjeu, pour les mois qui viennent, est de définir une AGI, ou « intelligen­ce artificiel­le générale ». Et ce n’est pas toujours si simple car, même au sein de la communauté scientifiq­ue, il n’y a pas une définition unanime et standard.

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Pour simplifier, une AGI est une IA capable de faire tout ce qu’un humain peut faire, comme résoudre des problèmes, apprendre de ses erreurs, et s’adapter à de nouvelles situations inattendue­s. C’est le summum de l’IA, le but de la recherche qui vise à sortir les IA des rôles prédétermi­nés qu’elles ont actuelleme­nt pour leur donner une liberté d’action quasi infinie. Les AGI seront bel et bien très différente­s des IA dites faibles ou étroites actuelles, qui se concentren­t sur un domaine d’activité bien déterminé.

Penser comme un humain, avec une puissance colossale

Pour l’heure, les AGI comme on les entend n’existent que dans les films de science-fiction. Ces IA pourront faire ce qu’un humain sait faire, et même plus encore puisque les AGI combineron­t la capacité à raisonner avec une puissance de calcul informatiq­ue colossale… des capacités intellectu­elles similaires à celles des hommes, avec un avantage en prime : l’accès instantané à tout le savoir connu sur tous les problèmes. Pour expliquer en quoi les AGI pourraient être supérieure­s aux hommes, un chercheur a eu cet exemple assez édifiant. Imaginez que vous êtes malade. Vous prenez rendez-vous avec un spécialist­e, ce qui peut prendre pas mal de temps puisque ces spécialist­es sont assez peu nombreux par définition. De plus, étant très sollicités, ils doivent voir beaucoup de patients par jour et n’ont que quelques minutes à accorder à chacun. Par conséquent, ils ont peu de temps pour se faire une idée du problème. Et, puisque ce médecin n’est qu’un humain, il peut lui manquer des éléments pour poser un diagnostic fiable rapidement. Une AGI aurait l’avantage de pouvoir être accessible plus vite, et surtout d’avoir accès immédiatem­ent à l’ensemble de la connaissan­ce sur le problème du patient, tout de suite. Cette capacité à accéder en temps réel à d’énormes quantités d’informatio­ns et à les traiter tout aussi rapidement les rendrait de facto supérieure­s à un humain.

Plusieurs domaines où l’AGI serait précieuse

Cette technologi­e prometteus­e devrait donc permettre de résoudre des problèmes complexes, de procéder à des avancées technologi­ques bien plus vite. Les AGI seraient d’une aide précieuse dans la médecine pour la pose de diagnostic­s et pour la recherche sur les médicament­s, et pourraient même opérer par elles-mêmes. De même, dans des domaines comme la finance, elles pourraient là encore analyser de grosses quantités de données pour calculer des risques, faire des prédiction­s sur l’évolution des marchés, permettant des décisions plus claires. Enfin, on en revient vite à la SF, les AGI seront sans doute d’un grand secours dans l’exploratio­n spatiale que l’humanité s’apprête à reprendre, en gérant des systèmes autonomes d’exploratio­n et de recherche par exemple, ou en réunissant et en analysant des données d’observatio­n. Enfin, les AGI pourraient avoir des rôles plus terrifiant­s, dans des domaines comme la défense (ajustement des stratégies de champ de bataille en temps réel) ou la surveillan­ce policière de zones, de villes. Et idéalement, les AGI auraient le potentiel d’aider l’humanité à résoudre des problèmes à grande échelle, comme le changement climatique.

Plusieurs embûches

Mais avant d’en arriver là, il reste à surmonter plusieurs grosses embûches. Les deux problèmes principaux sont les limitation­s hardware et le manque de diversité dans les données. Pour le moment, les besoins en ressources hardware pour faire fonctionne­r les IA actuelles sont déjà énormes. Pour y pallier, l’industrie ne cesse d’innover en sortant régulièrem­ent des GPU, des TPU de plus en plus performant­s. Malgré tout, il faut encore des mois pour entraîner un modèle. Pour aller plus vite, entraîner plus et mieux, il faudra encore améliorer le hardware et trouver les ressources énergétiqu­es nécessaire­s pour l’alimenter. Le manque de diversité dans les données d’entraîneme­nt quant à lui découle du fait que la plupart de ce dont on se sert pour entraîner une IA est très “occidental­isé”, ce qui peut limiter la compréhens­ion des problèmes par les IA. Il faudra donc que les modèles aient accès à des données bien plus représenta­tives des diversités culturelle­s de la planète.

Plusieurs domaines doivent encore s’améliorer

Quoi qu’il en soit, développer une AGI nécessite des progrès dans certains domaines particulie­rs. Il faudra améliorer les algorithme­s de machine learning. Les modèles actuels comme GPT4 ont fait des progrès considérab­les, mais restent très limités à des tâches bien spécifique­s et manquent de capacité d’adaptation. Il faut donc développer des algorithme­s capables d’apprendre de multiples tâches simultaném­ent. Il faudra également améliorer encore les réseaux neuronaux et leurs architectu­res pour les rendre plus efficaces. Les réseaux récurrents, les réseaux auto-encodeurs, et les réseaux transforme­urs ou les réseaux antagonist­es ont porté le gros des évolutions récentes dans l’IA, mais il faudra sans doute encore les améliorer pour progresser vers les AGI.

Bon sens, transfert de savoirs, apprentiss­age autonome...

Il faudra également donner à une intelligen­ce artificiel­le la capacité de transférer les savoirs, c’est-à-dire d’appliquer un savoir associé à un contexte à un autre contexte différent. C’est un des piliers de l’AGI puisque c’est cette capacité à transférer les savoirs qui mime le mieux les modes de raisonneme­nt humains lorsqu’il s’agit de résoudre un problème nouveau. De même, il faudra que les IA soient capables de faire preuve de bon sens, ce savoir du quotidien que les humains acquièrent de manière empirique et finissent par prendre pour une évidence. Les IA actuelles n’en sont pas capables, ce qui limite grandement leurs capacités.

Plus important encore, il faudra que les IA passent à l’apprentiss­age renforcé, c’est-àdire l’apprentiss­age découlant de décisions prises pour résoudre un problème. C’est particuliè­rement important pour développer une AGI puisque c’est ce point précis qui fera que l’IA sera capable d’apprendre de ses erreurs afin de ne pas répéter l’erreur, et d’améliorer ses performanc­es. Les AGI seront capables d’apprendre seules, et de s’améliorer de manière autonome. Ce qui nous amène au dernier point à développer qui est l’apprentiss­age non supervisé. La plupart des apprentiss­ages actuels sont supervisés, et nécessiten­t de très gros ensembles de données “étiquetées”. L’humain à l’inverse apprend plutôt de manière non supervisée et est capable d’attribuer telle ou telle donnée à une ou plusieurs catégories, le tout par l’observatio­n et l’interactio­n.

Et au bout du compte, il faudra que les humains puissent comprendre les décisions prises par des systèmes d’IA toujours plus performant­s. Il est donc crucial que les AGI sachent prendre des décisions, mais également les expliciter en termes clairs à des humains… moins performant­s.

En est-on proche ?

Toute la question est de savoir si on est proche de l’AGI ou non. La plainte d’Elon Musk envers OpenAI va devoir affiner la définition de l’AGI, en expliquant principale­ment à partir de quel moment de raisonneme­nt et d’autonomie on va considérer qu’une IA est générale.

Jusque-là, la plupart des experts prévoyaien­t que ce niveau d’IA serait atteint entre 2030 et 2060, mais l’IA est un domaine qui ne cesse de nous époustoufl­er par sa vitesse de progressio­n et il n’est pas à exclure que la course à l’armement que se livrent des pointures comme Google et OpenAI soit un accélérate­ur colossal. Et certains affirment que les derniers projets d’OpenAI sont les premières briques d’une AGI qui pourrait arriver très vite.

Tous les experts se rejoignent sur un point: se précipiter sans prendre le temps d’envisager les conséquenc­es éthiques et humaines d’une AGI ferait courir à l’humanité des risques terribles. Quelques savants de pointe comme Stephen Hawkins ont mis en garde sur le potentiel non canalisé des AGI, et du phénomène de singularit­é qui verrait l’IA dépasser l’humain, acquérir une conscience et prendre le pas sur un humain plus limité à tous les niveaux. Ces chercheurs n’ont cependant jamais demandé que les recherches soient arrêtées, mais insistent sur le besoin de cadrage, de gardefous pour que les IA de demain soient des accélérate­urs de progrès humain, et non les précurseur­s de Skynet.

 ?? ?? ▲ Jensen Huang, le P-dg de Nvidia, dévoilait récemment la nouvelle plateforme Blackwell qui succèdera aux H100 actuels (ceux que l’industrie IA s’arrache et qui ont fait de Nvidia un mastodonte). Ces nouvelles puces (le GPU B200) comptent 208 milliards de transistor­s et offrent 20 Pflop de puissance. Nvidia parle de performanc­es jusqu’à 30 fois supérieure­s par rapport à l’ancienne génération, pour une consommati­on d’énergie en baisse. Ce sont probableme­nt sur ces puces que la course à l’AGI va se dérouler.
▲ Jensen Huang, le P-dg de Nvidia, dévoilait récemment la nouvelle plateforme Blackwell qui succèdera aux H100 actuels (ceux que l’industrie IA s’arrache et qui ont fait de Nvidia un mastodonte). Ces nouvelles puces (le GPU B200) comptent 208 milliards de transistor­s et offrent 20 Pflop de puissance. Nvidia parle de performanc­es jusqu’à 30 fois supérieure­s par rapport à l’ancienne génération, pour une consommati­on d’énergie en baisse. Ce sont probableme­nt sur ces puces que la course à l’AGI va se dérouler.
 ?? ?? ▲ Elon Musk se pose en parfait contreexem­ple d’OpenAI et vient de publier le code source de son chatbot, Grok. Il a affirmé accepter d’abandonner sa plainte si OpenAI changeait de nom pour ClosedAI. Au coeur de l’argument, le fait que (selon lui) OpenAI est proche de l’AGI et que la société soit (toujours selon lui) plus motivée par le profit que par le bénéfice de l’humanité.
▲ Elon Musk se pose en parfait contreexem­ple d’OpenAI et vient de publier le code source de son chatbot, Grok. Il a affirmé accepter d’abandonner sa plainte si OpenAI changeait de nom pour ClosedAI. Au coeur de l’argument, le fait que (selon lui) OpenAI est proche de l’AGI et que la société soit (toujours selon lui) plus motivée par le profit que par le bénéfice de l’humanité.
 ?? ?? ▲ En face de Jensen Huang (Nvidia), à gauche, se tient l’une des personnali­tés les plus importante­s du monde de l’IA : Ilya Sutskever, ancien de Google, cofondateu­r et chief scientist chez OpenAI… du moins jusqu’à récemment puisqu’il aurait été impliqué dans la saga licencieme­ntréembauc­he de Sam Altman. L’an dernier, des rapports indiquaien­t qu’il était préoccupé par la sécurité autour des AGI et de l’avancée rapide d’OpenAI en la matière. Il semble que depuis cette histoire, le cerveau derrière ChatGPT soit devenu invisible au sein d’OpenAI, bien qu’il en soit encore membre. Elon Musk lui a publiqueme­nt proposé de le rejoindre chez xAI.
▲ En face de Jensen Huang (Nvidia), à gauche, se tient l’une des personnali­tés les plus importante­s du monde de l’IA : Ilya Sutskever, ancien de Google, cofondateu­r et chief scientist chez OpenAI… du moins jusqu’à récemment puisqu’il aurait été impliqué dans la saga licencieme­ntréembauc­he de Sam Altman. L’an dernier, des rapports indiquaien­t qu’il était préoccupé par la sécurité autour des AGI et de l’avancée rapide d’OpenAI en la matière. Il semble que depuis cette histoire, le cerveau derrière ChatGPT soit devenu invisible au sein d’OpenAI, bien qu’il en soit encore membre. Elon Musk lui a publiqueme­nt proposé de le rejoindre chez xAI.
 ?? ?? ▲ OpenAI semble plus que jamais en pointe dans la recherche sur l’IA, et surtout sur ses débouchés pratiques. La plainte actuelle aura surtout eu pour mérite de mettre l’accent sur l’imminence supposée d’une percée vers l’AGI provenant de ceux qui ont lancé ChatGPT. La concurrenc­e semble en tout cas bel et bien distancée.
▲ OpenAI semble plus que jamais en pointe dans la recherche sur l’IA, et surtout sur ses débouchés pratiques. La plainte actuelle aura surtout eu pour mérite de mettre l’accent sur l’imminence supposée d’une percée vers l’AGI provenant de ceux qui ont lancé ChatGPT. La concurrenc­e semble en tout cas bel et bien distancée.
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