Midi Olympique

Elie Cester s’en est allé

DÉCÈS ELIE CESTER FUT UN FORMIDABLE DEUXIÈME LIGNE DES ANNÉES 60 ET 70, PEUT-ÊTRE PAS SUFFISAMME­NT CÉLÉBRÉ À SA JUSTE VALEUR DANS LES ANNÉES QUI SUIVIRENT. QU’IL REÇOIVE ICI L’HOMMAGE MÉRITÉ AVEC, ENTRE AUTRES, SON GRAND CHELEM ET SA VICTOIRE HISTORIQUE C

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Àchaque joueur son fragment d’histoire qui, spontanéme­nt, resurgit. Celui d’Elie Cester était déjà en couleur et date du début des années 70. Le XV de France avait battu les All Blacks pour la deuxième fois de son histoire après dix-neuf ans de disette. Mais si le succès de 1954 avait été très chanceux, en février 1973, les Tricolores avaient vraiment bousculé les maîtres du rugby mondial. La télévision ne subissait plus l’événement mais savait depuis peu le magnifier. Elle avait su filmer en gros plan la sortie des vestiaires de ces Vikings moustachus, ébouriffés, ou le visage cerclés de favoris. Le crâne dégarni d’Elie Cester le faisait paraître plus vieux que les autres mais il n’avait que 30 ans. Walter Spanghéro dit souvent que la paire que Cester formait ce jour-là avec Alain Estève fut la deuxième ligne la plus efficace de l’histoire du XV de France. Et nous parlons bien ici de rugby pur. Son mètre quatre-vingt-douze et les 105-108 kg de ses débuts en faisaient un colosse mais le gabarit naturel ne faisait pas tout même à l’époque.

DE L’ISLE-JOURDAIN À VALENCE EN PASSANT PAR LE TOEC

Elie Cester était un joueur formidable, bien d’avantage qu’un avant de devoir, un cliché dans lequel l’imperfecti­on des mémoires aurait tendance à l’enfermer. Certes, il poussait comme un boeuf en mêlée, il savait se sacrifier dans les tâches obscures mais il sautait en touche courte mais il était aussi capable de porter le ballon et même d’accélérer le tempo quand le jeu l’exigeait. « Avec Valence, nous avons vécu des saisons où il a terminé meilleur marqueur d’essais. À trois ou quatre mètres de la ligne, il était « inarrêtabl­e »… » explique Jean-Claude Ferrer son ancien coéquipier à Valence. Du pachyderme, il avait tout de même un attribut, la mémoire : « Il se souvenait de tout, aussi bien des compositio­ns d’équipes, des péripéties des matchs que de leurs résultats. »

Mais Elie Cester était un pur produit de ce SudOuest rural qui servait de pépinière au rugby français. Il était d’origine italienne comme son nom ne l’indiquait pas forcément et il avait débuté à L’Isle-Jourdain dans le Gers. Puis il avait mis le cap vers Toulouse, pas au Stade toulou- sain, mais au Toec du président Aybram qui lui offrit le statut d’employé municipal. Puis en 1970, il traversa la France d’ouest en est pour se retrouver à Valence, dans la Drôme, en échange d’une vraie promotion sociale (la gérance d’un café qu’il appellerai­t le Twickenham). À bien y réfléchir, on se dit qu’il ne laissa pas une trace à la hauteur de son mérite, malgré ses 35 sélections. Il n’était pas un fort en gueule, il s’exprimait d’un timbre paisible et doux. Médiatique­ment, il paya aussi le fait de n’avoir jamais joué dans un club très souverain. Avec le Toec, il ne dépassa pas le stade des huitièmes de finale du championna­t de France (en 1966), malgré une discrète victoire en challenge de l’Espérance en 1968 ; avecValenc­e, il joua quand même une demi-finale (en 1978, à 37 ans). « J’ai connu d’autres internatio­naux qui s’accordaien­t du repos quand ils revenaient en club. Lui, jamais, il était toujours à 100 %. Heureuseme­nt car il fallait bien ça pour amener une équipe somme toute moyenne en demie », reprend Jean-Claude Ferrer. Ce n’était pas un distribute­ur mais sa bravoure lui assurait un respect presque sans faille : « Je me souviens quand même d’un match à Lavelanet où, d’entrée de jeu, il avait pris des coups. Il avait reçu quarante-huit points de suture au visage mais il avait continué à jouer ! Quand je vois les gars d’aujourd’hui sortir pour un saignement de nez… »

En 1984, à 41 ans, il jouait encore une finale nationale d’Honneur avec Saint-Vallier contre Saverdun mais à l’heure de lui dire adieu, l’envie nous prend de citer comme son plus bel exploit le grand chelem 1968. Outre la performanc­e elle-même, il réussit à jouer les quatre matchs malgré les palinodies des sélectionn­eurs qui avaient bouleversé l’équipe au milieu de la compétitio­n.

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 ?? Photo archives ?? Elie Cester, ici à gauche, sous le maillot de Valence, face à Dax et Jean-Pierre Bastiat (4) fut l’un des meilleurs deuxième ligne de l’histoire du rugby français. La paire qu’il composait avec Alain Estève en équipe de France était incomparab­le.
Photo archives Elie Cester, ici à gauche, sous le maillot de Valence, face à Dax et Jean-Pierre Bastiat (4) fut l’un des meilleurs deuxième ligne de l’histoire du rugby français. La paire qu’il composait avec Alain Estève en équipe de France était incomparab­le.

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