Bordeaux, un staff réaménagé
BORDEAUX-BÈGLES LE CLUB TRAVERSE UNE PÉRIODE PARTICULIÈREMENT DÉLICATE. DEPUIS QUINZE JOURS, LE MANAGEUR A TENTÉ DES COUPS DE POKER POUR RELANCER UN GROUPE QUI SEMBLAIT PARTIR À VAU L’EAU.
Dégringolade ou descente aux enfers ? L’UBB a préparé ce match contre Grenoble dans un climat d’une lourdeur inédite depuis la montée de 2011. Entraînements barricadés (à l’exception de celui de mercredi), interlocuteurs habituellement diserts devenus laconiques et même muets. Le naufrage du Stade Jean-Bouin face au Stade français a encore épaissi l’atmosphère qui règne sur le stade André-Moga. Un témoin nous a parlé de la tristesse du président dans les vestiaires parisiens. On sait aussi que Raphaël Ibanez a piqué une colère terrible à la mi-temps, les yeux dans les yeux avec ses hommes. Au retour à Bordeaux, à 1 h 30, les joueurs ont eu droit à une longue séance vidéo sur le thème de la fierté et du combat perdu. Il pensait que le premier symptôme d’un redressement passerait par la solidité défensive. Mais avec trois essais encaissés dans les 25 premières minutes…
Les Bordelais sont sur une série de sept matchs sans victoire en Top 14. Le 19 novembre après leur succès contre La Rochelle, ils étaient deuxièmes. Ils sont désormais onzièmes. Comme pour ajouter à ce contexte crépusculaire, on apprenait que Ian Madigan avait signé à Bristol pour la saison prochaine. Dans ce contexte, les expressions les plus galvaudées prennent tout leur sens : « L’heure est grave ! » ; « La patrie en danger ». Autant de slogans qui commencent à danser en lettres de feu devant les yeux des supporteurs ahuris. Pour la première fois, les Bordelais regardent derrière eux au classement. Ils ont encore douze points d’avance sur Grenoble, mais le programme à venir (Toulon, Toulouse à domicile ; Bayonne, Brive, le Racing, La Rochelle à l’extérieur) n’est fait pour rassurer personne.
UN « BRAINSTORMING » ET DES MODIFICATIONS
Des choses se sont passées en interne depuis la défaite face à Castres. Les joueurs ont fait remonter leurs doléances. Raphaël Ibanez et Laurent Marti ont validé une sorte de coup de poker managérial. Des discussions très sérieuses parfois vives ont animé toutes les parties : joueurs et staff et membres du staff entre eux ; président et joueurs, inquiets sur le recrutement et les départs de Ashley-Cooper et de Madigan. Ibanez a échangé avec ses joueurs séparés en deux groupes (avants et trois quarts) à huis clos pendant deux heures quinze et sans les deux entraîneurs. Une chose est sûre, de ce « brainstorming » où des questions de confiance ont été posées : des modifications ont été apportées. Le manageur a pris des décisions difficiles pour lui vis-à-vis de ses adjoints Brunel et Ntamack, au nom de l’intérêt général. Entre les deux anciens joueurs du XV de France, on se doute que ce ne fut pas simple. Voilà pourquoi la conquête a été confiée à deux joueurs Tom Palmer (touche) et Jean-Baptiste Poux (mêlée), pour redresser la barre dans ces secteurs en pente douce depuis quelques mois. Jacques Brunel a pris la responsabilité du mouvement général. Émile Ntamack est resté plus en retrait lors des dernières séances. Louis-Benoit Madaule a retrouvé les galons de capitaine, lui qui jouait moins cette saison et qui a déjà signé à Toulouse pour l’an prochain. Les joueurs ont été clairement responsabilisés. À la question : « Y a-t-il eu une cassure entre le staff et les joueurs », Clément Maynadier a répondu après un léger blanc : « Ce n’est pas à moi de le dire. Laurent Marti et Raphaël Ibanez viendront parler s’ils doivent le faire. Pour moi, le staff est toujours en place… »
Petite lueur d’espoir dans cette lourde atmosphère, le talonneur international a aussi expliqué : « Nous sommes tous conscients de la situation du club. Contre Grenoble, ce sera un match à huit points. Il nous faut retrouver la solidarité qui s’est étiolée depuis novembre, à cause de plein de choses… Depuis lundi, il y a eu une prise de conscience collective de notre situation. » Sur le nouveau fonctionnement, il a ajouté : « Oui, tout ça a remis de l’élan, des sourires sont réapparus, les choses sont plus cadrées, plus ordonnées. Il y a plus de rythme dans les séances. Raphaël Ibanez a fait ses choix, pour nous sortir d’une certaine routine. J’ai l’impression que ces choix sont en train de porter. »
Le pouvoir et leur avenir est désormais entre les mains des joueurs (en plus, le manageur sera avec France Télévisions samedi). Et l’on saura bientôt si les atouts balancés par Raphaël Ibanez sont les bons dans la partie de poker qui se joue en ce moment. Son avenir et celui du club en sont forcément les enjeux.