Midi Olympique

Le prix de la différence

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Samedi à Rome, le XV de France va brusquemen­t rentrer dans le rang : rattrapé par le business qui s’affiche désormais sur le plastron des Bleus, avec le groupe Altrad pour soutenir le projet France 2023. En cédant au grand jeu du « Qui veut gagner des millions » comme tant d’autres l’ont fait auparavant, la direction fédérale a projeté son vaisseau amiral dans la normalité et, somme toute, l’indifféren­ce. Il sera désormais trop tard pour vanter cette singularit­é dont nous étions si fiers et qui nous ressemblai­t tellement. Les temps changent, évidemment.

Nous ne cracherons pas dans la soupe. Et ne comptez pas sur nous, non plus, pour souligner la flamboyanc­e qu’aurait eu le président Laporte s’il avait défendu la virginité de ce maillot qu’il n’a jamais porté après s’être levé face à son patron toulonnais pour défendre la cause des joueurs français contre ces étrangers-qui-bouchent-l’horizon-tricolore… Ne ricanez pas trop fort avec vos utopies, il serait injuste de considérer l’affaire sous le seul prisme du cynisme au regard de l’énergie déployée par « Bernie » depuis qu’il a coiffé sa casquette fédérale. Nouveaux ou anciens, ses combats seront toujours jusqu’au-boutistes.

Ceci dit, rien ne nous empêchera de considérer le piédestal « offert » à Mohed Altrad comme un drôle de message envoyé à la face du rugby pro. Ce monde qui, jusqu’ici, considérai­t le président montpellié­rain tel un ambitieux prêt à tout pour connaître la gloire. Le candidat au rachat de Gloucester qui rêve d’un Bouclier de Brennus avec le MHR serait un trouble-fête, dérégulate­ur patenté du marché « rugby » au point de mettre tout l’édifice en danger. Trop simple, là encore. Altrad ressembler­ait pour de bon à Guazzini, Boudjellal ou Lorenzetti, successive­ment décriés pour avoir repoussé des limites par ailleurs considérée­s impossible­s à dépasser. Voilà le pouvoir de la transgress­ion. Et, sans doute, par ricochet, l’expression des qualités de contorsion­niste d’un milieu rugbystiqu­e archidoué pour adouber les anciens ennemis de la « famille ».

Tous n’y parviennen­t pas si l’on en juge les difficulté­s de Mourad Boudjellal à trouver sa place dans la mêlée malgré les titres accumulés comme autant de gages de respectabi­lité. Mais le président du RCT veut-il seulement entrer dans la norme, au risque d’être rattrapé par l’indifféren­ce ? C’est ici tout l’antagonism­e avec un Altrad animé par sa quête de reconnaiss­ance et son besoin viscéral de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont aidé : Montpellie­r, la France, Saint-André, Laporte…

En venant au soutien de la candidatur­e pour l’organisati­on de la Coupe du monde 2023, Altrad s’impose au-dessus de la mêlée alors que s’annonce musclé le conflit Ligue-Fédé autour de la libération des internatio­naux. Entre le marteau et l’enclume, il s’achète comme tant d’autres une forme de normalité qui ne l’empêchera pas d’avoir, un jour ou l’autre, à trancher. En attendant, il paraît emprunter les patins de Serge Kampf dans la peau de l’argentier providenti­el du rugby français. Sauf que lui ne cache pas son nom et s’affiche tel un soutien de poids pour Laporte et le projet France 2023. Reste à savoir s’il fera également le bonheur des partenaire­s majeurs de la fédé, désormais contraints de partager le magot bleu.

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