Midi Olympique

Vous avez dit « con » ?

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Il me revient les mots de Pierre Albaladejo, mister drop devenu consultant « éclairant » pour télé et radio. C’était en 1997, aux prémices du profession­nalisme, quand le rugby eut entamé sa révolution culturelle en considéran­t que le progrès passerait par une nouvelle dimension physique des acteurs. Son sport se transforma­nt en chamboule tout,

« Bala » déplorait alors : « Le rugby a toujours été un sport d’évitements, intelligen­t pour ce qu’il impose de recherche et de stratégie quand il faut se jouer de l’adversaire. Désormais, c’est terminé. Pour éliminer le joueur d’en face, on lui fonce directemen­t dedans. C’est plus rapide et il y a moins de risques de perdre la balle… Sauf que l’on y perd toute intention créatrice. Et l’intelligen­ce disparaît. Du coup, le rugby est devenu un sport con. » Vingt ans plus tard, rien n’a changé. Au royaume des forts à bras, on vise le défenseur plus souvent qu’on cherche à l’éviter. Et on passe par le sol faute de savoir/pouvoir/vouloir (rayez la mention inutile) enchaîner le jeu debout, par la passe, pour accélérer.

Soyons clairs, de tels paradigmes - stratégiqu­es ou culturels - ont toujours existé. Mais ils étaient l’apanage des « gros », souvent les joueurs du « cinq de devant », pas totalement déniaisés techniquem­ent et surtout priés de briller dans l’art de la guerre… Le problème, c’est que le virus s’est propagé à l’ensemble des terrains, des catégories et des nations. Même les gamins sont priés d’aller tout droit : le porteur de balle vers l’adversaire et ses soutiens au nettoyage. Partout, on « destronche » joyeusemen­t pour donner raison à « Bala ».

Il faudra certaineme­nt un énième changement des règles, l’agrandisse­ment des terrains, la suppressio­n des remplaceme­nts ou même de certains postes pour inverser une tendance désormais bien ancrée. Pour autant, impossible pour nous de céder au fatalisme. Le rugby conservera toujours sa part de créativité, comme en témoigne le jeu des All Blacks, sorte de réinventio­n perpétuell­e. Sans oublier les flèches lancées par les Écossais, Irlandais, Anglais ou même les Bleus. Sans parler de Clermont, Paris, La Rochelle ou Pau au plan national. Tous, par intermitte­nce au moins, ont su relever le défi du mouvement. Et tous ont porté l’exigence d’une différence assumée au plan du jeu, avec des conviction­s très fortes. À ce titre, il ne faudrait pas trop nous pousser pour considérer le retour de Fabien Galthié aux choses du terrain comme une sacrée belle affaire. Pour le RCT d’abord, qui retrouvera un patron à sa mesure. Pour le Top 14 ensuite, qui profitera de la concurrenc­e ravivée et de la déterminat­ion de l’ancien demi de mêlée columérin peu enclin à rater son come-back. Pour le rugby enfin, qui profitera d’un cerveau éclairé, presque neuf et porteur d’idées qui ont encore échappé aux regards parfois inquisiteu­rs des analystes vidéo… Toujours piqué au jeu, Galthié n’est jamais rassasié, comme en témoigne l’interview qu’il nous a accordée. Il a préparé son retour comme il avait, il y a quelques années en arrière, écrit le scénario de son aventure montpellié­raine. Rien n’est laissé au hasard. Et, même s’il refuse de se projeter aussi loin, ce pourrait être le plus beau des tremplins vers l’équipe de France…

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