Midi Olympique

TROIS RAISONS D’ALLER AU STADE

LES BORDELAIS PEUVENT ENCORE SE QUALIFIER MÊME S’ILS NE SONT PLUS MAÎTRES DE LEUR DESTIN. ILS VIVRONT LEUR « DER » À DOMICILE AU MATMUT STADIUM, UN GRAND VAISSEAU À DOUBLE TRANCHANT.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Ily a plein de raisons de se rendre au stade Matmut Atlantique de Bordeaux Lac, samedi soir, pour voir Bordeaux - Toulon. La première, parce que l’UBB peut encore se qualifier pour les phases finales du Top 14. Les Bordelais ne sont pas les mieux placés mais la victoire à Brive a rebattu les cartes. Avec deux victoires contre Toulon et contre le Racing, Bordeaux aurait encore une chance de terminer sixième. Les Bordelais pourraient aussi terminer septièmes et avoir le droit de jouer les barrages européens.

La deuxième, la réception de Toulon et ses vedettes constitue toujours un événement en soi. Elle coïncidera avec la conclusion d’une saison régulière mouvementé­e, bien commencée sous l’autorité de Raphaël Ibanez et finalement pas si mal terminée sous l’autorité de Jacques Brunel. Entre-temps, il y eut ce terrible trou d’air, entre le 19 novembre et le 11 mars. Une victoire contre Toulon ressembler­ait à un exorcisme magistral. La troisième raison est plus terre à terre. Le fait de jouer à Bordeaux-Lac n’est pas forcément un cadeau pour le club girondin. Avec ses 42 000 places, il n’est pas facile à remplir. Mardi, la barre des 20 000 places vendues avait été franchie et les dirigeants de l’UBB croisaient les doigts pour que le rythme s’accélère en fin de semaine pour se rapprocher du seuil des 30 000 spectateur­s.

Tout le paradoxe est là, accueillir entre 20 000 et 30 000 personnes pour un match de Top 14, c’est déjà une performanc­e. Peu de clubs français y parviennen­t. Mais dans une arène aussi imposante que le Matmut Altantique une affluence de 25 000 spectateur­s laisse pas mal de sièges vides, ce qui donne toujours des images décevantes et finit par produire une forme de sinistrose. Avec la même affluence, le stade Chaban-Delmas donne une impression d’abondance. La saison passée, la même affiche avait marqué les grands débuts du club à Bordeaux-Lac et 38 000 personnes avaient répondu présent un dimanche après-midi de février. Cette affluence n’a plus été approchée par les quatre rendez-vous suivants (Racing et Stade français en 15-16, Clermont et Toulouse cette saison). Il y avait 25 000 personnes le 29 janvier contre les Auvergnats et 26 000 contre les Toulousain­s le 25 mars. LE SEUIL DES 30 000 SPECTATEUR­S Les performanc­es restent plus qu’en enviables dans l’absolu mais elles se télescopen­t avec les contrainte­s du fonctionne­ment de l’enceinte. Car l’utilisatio­n trois fois par an du Matmut Stadium imposée à l’UBB par la municipali­té n’est pas gratuite. Le stade a été conçu selon un partenaria­t public-privé entre la mairie et le groupe Vinci-Fayat, aussi bien pour la constructi­on que pour l’exploitati­on. La municipali­té doit verser un loyer de six millions d’euros par an pendant trente ans au constructe­ur. Elle demande donc l’aide d’un club de rugby qu’elle a soutenu clairement lors de son ascension. On peut justement parler de « renvoi d’ascenseur » dans ce cas.

L’UBB n’a jamais officielle­ment donné le montant du « loyer » dont elle doit s’acquitter quand elle vient sur les bords du lac. Mais on sait que les Girondins de Bordeaux paient 3,8 millions d’euros pour une saison à 19 matchs de championna­t. Si on rapporte ça au match par match on arrive à une facture de plus de 200000 euros par match pour les rugbymen (le chiffre de 270 000 euros circule souvent à propos de l’UBB). En termes de loyer, un match à Chaban-Delmas coûte environ dix fois moins cher qu’un match au Matmut. À ce tarif-là, on estime qu’il faut atteindre la barre des 30 000 spectateur­s pour qu’un match soit rentable, car en plus du loyer, il faut aussi assumer pas mal de frais et notamment l’emploi de stadiers. On imagine ce que doit ressentir Laurent Marti quand il constate qu’un match à domicile lui coûte sur le plan financier…

Le succès populaire des Bordelais est donc parfois lourd à porter, c’est le revers de la médaille de la réussite de ce club. En se rendant en masse dans les gradins de ce stade ultramoder­ne, les supporters pensent qu’ils poussent leur club à gagner de l’argent alors que dans la réalité, ils l’aident à ne pas en perdre.

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Photo Midi Olympique La nouvelle enceinte bordelaise a des allures de cadeau empoisonné pour l’Union Bordeaux-Bègles qui semble avoir du mal à assumer la dimension du lieu.

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