Midi Olympique

Géopolitiq­ue ovale

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

N’était le staff du XV de France, Bernard Laporte a presque tout fait valser depuis son élection à la FFR : du projet de Grand Stade aux entraîneur­s des filles ou ceux du VII ; de la sacro-sainte virginité publicitai­re du maillot des Bleus à la feuille de route du rugby pro en passant par la menace tricolore qui plane sur la candidatur­e irlandaise au Mondial 2023. « Bernie » n’a jamais fait dans la dentelle, comme on dit. Et, autour de lui, ça déménage ! Ce ne saurait être une coïncidenc­e : le changement de présidence fédérale a bouleversé la carte du pouvoir et l’équilibre géographiq­ue du rugby français. Le Sud-Ouest n’est plus l’épicentre de notre monde ovale, avec Agen pour capitale. Cela fait longtemps, nous direz-vous. Depuis 1991 et la retraite d’Albert Ferrasse, vrai. Mais en suivant, l’expression pouvoir s’est concentrée autour d’autres bastions : Tarbes, Dax, Biarritz et même Perpignan… toujours plein au sud et plutôt à l’ouest.

Si les racines de Laporte sont ancrées en Occitanie, c’est pourtant vers le Sud-Est, d’où est originaire Serge Simon (vice-président de la FFR), que penche clairement la France du rugby. Avec les demi-finales du Top 14 qui se jouent ce week-end à Marseille (Laporte n’y est pour rien, n’en rajoutez pas !) ; avec le premier stage des Bleus hors l’enceinte de Marcoussis qui s’est déroulé sur la « riviera » ; avec des matchs du XV de France bientôt délocalisé­s à Marseille et Nice ou Lyon, pour fuir le Stade de France et maximiser les profits… Des Alpes à la Côte d’Azur, c’est tout une partie de l’hexagone -historique­ment construite sur un sentiment d’isolement et parfois même de rejetqui est désormais placée aux commandes. C’est elle qui mène la danse et c’est le Sud-Ouest qui grondera bientôt le « On nous veut du mal » si souvent entendu de Toulon jusqu’à Grenoble. Et, par effet de ricochet, on ne raillera bientôt plus les « mafias » agenaises, basquaises ou landaises – expression­s consacrées pour localiser le pouvoir rugbystiqu­e - au profit d’une caricature varoise qui serait aussi grossière…

N’y voyez pas tout le mal qui se dégagerait d’une première lecture distraite : le nouvel équilibre politique du rugby français n’incarne pas seulement un fort sentiment de revanche. Il est le témoin direct d’une discipline en mouvement, décidée à franchir le seuil de ses propres frontières pour s’étendre sur tout son territoire. Il est tout bonnement l’expression d’un rapport de force sportif qui, depuis deux ans, renvoie le sud-ouest dans l’ombre à l’heure des demi-finales du Top 14. Ce ne saurait être un hasard quand l’élite se concentre désormais dans les grandes villes, autour de projets économique­s souvent situés à des annéeslumi­ère du rugby de papa.

N’empêche, ne boudons pas notre plaisir. Sur le chemin de Marseille, où les supporters de La Rochelle, Clermont, Toulon et du Racing ont rendez-vous, le Top 14 porte la promesse d’un rendez-vous grandiose et d’une fête magistrale autour d’affiches qui nous font toujours autant saliver. Et, plus que jamais, le rugby s’élève à l’est.

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