BEAUX DE PROVENCE
CE SONT DEUX DES PLUS BELLES ÉQUIPES D’EUROPE QUI SE RETROUVENT À MARSEILLE, SAMEDI SOIR, SUR LES CENDRES ENCORE FUMANTES D’UNE DEMI-FINALE INOUBLIABLE…
« Rien n’est perdu, tout recommence ». Éric de Cromières n’a pas tout à fait tort. Après tout, d’autres avant lui se sont relevés d’une défaite en finale de Champions Cup.Après avoir été anéantis par les Sarries à Lyon (20 à 3), les Racingmen avaient, l’an passé, marché sur les phases finales du Top 14, enchaînant trois victoires ne souffrant la moindre contestation. Hein ? Quoi ? Un poil de contestation, vous dites ? Oui… D’accord… Le Racing avait enchaîné trois victoires, en réalité. Car il faudrait être amnésique pour omettre la dernière demi-finale rennaise, remportée sur le gong par les Franciliens sur un essai de Juan Imhoff, au relais d’une interception de Juandré Kruger (34-33). La grandeur théâtrale, hautement tragique de cette fin de match, avait aussitôt déclenché un vent de colère en Auvergne, Franck Azéma et ledit « marquis » s’en prenant aussitôt au Biterrois Philippe Bonhoure, l’arbitre vidéo de la rencontre, accusé sans ménagement d’avoir protégé via des décisions litigieuses deux de ses anciens disciples à l’école de rugby de l’ASBH,Yannick Nyanga et Dimitri Szarzewski, pour ne pas les nommer. Du côté des Hauts-de-Seine, on avait alors moqué une manoeuvre jugée grossière, accusant Azéma d’ouvrir le parapluie pour in fine conserver sa place à Clermont. « Il fait comme Graham Henry après la défaite des Blacks en quarts de finale du Mondial 2007, nous avait confié un
membre du staff francilien. Il assassine l’arbitre pour se
défausser. » Un grand moment de rugby, en somme… Un an plus tard et au même niveau de compétition, le président
de l’ASMCA se refuse à parler de revanche, assurant aujourd’hui que les attaques d’hier étaient simplement le fruit d’une déflagration incontrôlée de « colère », maintenant néanmoins une partie des affirmations qui avaient alors mis le feu au mundillo du rugby : « Y avait-il des atomes crochus entre l’arbitre vidéo et certains joueurs du Racing ? Je n’ai pas de preuves. Mais quand il y a un amoncellement d’erreurs, la question mérite d’être posée. » Samedi soir, Philippe Bonhoure ne sera pas l’arbitre vidéo de la demi-finale. La « camorra » biterroise pleurera aussi l’absence du « padrino » Szarzewski, blessé aux cervicales. Juan Imhoff et Juandré Kruger, pour des raisons différentes, ne seront pas là non plus. Ludovic Radosavljevic, lynché par une partie de l’opinion après cette demi-finale, ne sera que remplaçant. Que restera-t-il du passé, alors ? L’armée jaune ? Même pas. « La mobilisation ne sera pas excessive, explique de Cromières. D’un point de vue budgétaire, la demi-finale et la finale de Champions Cup n’ont pas été faciles à digérer pour nos supporters : je vous rappelle au passage qu’ils étaient 4 000 à Edimbourg. Je crois aussi qu’ils espèrent, comme nous, une petite finale… Dans ce cas, il ne faut pas griller toutes ses cartouches… »
ÉRIC BLANC : « MASOE EST SORTI DU PÈRE LACHAISE » Séduisants depuis dix mois et probablement détenteurs du plus beau rugby d’Europe, les Jaunards se serviront avant tout du levier psychologique propre à la revanche pour préparer cette demi-finale. Sans ça, les chances d’une équipe venant tout juste de perdre son meilleur avant (Sébastien Vahaamahina) et pleurant toujours les blessures de ses meilleurs trois-quarts (Wesley Fofana, Isaia Toeava et Noa Nakaitaci) seront tout à coup réduites
à néant. Éric Blanc, l’arrière des champions de France de 90, analyse : « Le Racing, c’est le haut de la chaîne alimentaire. En phases finales, ces mecs deviennent des prédateurs ; ce sont même des squales, quand ils le décident ! » Dans les Hauts-de-Seine, les arômes du printemps semblent avoir réveillé les ardeurs animales des
champions de France. Blanc poursuit : « Je croyais Chris Masoe au Père Lachaise et il revient à toute vitesse, sans déambulateur. C’est pareil pour Joe Rokocoko et Casey Laulala. Les Ciel et Blanc sont en forme olympique. Mais attention : il ne faut pas oublier non plus que les Montpelliérains n’ont rien proposé en barrages. Leurs lancements de jeu étaient tous à la DASS. Clermont, ça aura une autre gueule ! » Consacré au crépuscule de sa victoire dans l’Hérault comme le nouvel épouvantail du Top 14, le Racing ne fait donc plus marrer personne. Éric De Cromières pas plus qu’un autre. « Le challenge qui nous attend est immense, conclut le président clermontois. À Marseille, nous aurons affaire à une équipe revenue brutalement et de manière presque inexplicable
au plus haut niveau. Mais ça, c’est autre chose ! » C’est palpable : Racingmen et Clermontois ont beau prendre le soin d’éviter le mot « revanche », on sent bien qu’entre pompiers pyromanes, il suffirait d’une étincelle pour que l’incendie ne se déclare.