Midi Olympique

« L’émotion est gigantesqu­e »

- Propos recueillis par Enzo DIAZ

Quelques jours après la finale, quel sentiment vous traverse ? Soulagé ?

Plus que du soulagemen­t, il y a de la satisfacti­on. Ça clôt une aventure collective géniale. Il y a toujours une petite frustratio­n de ne pas avoir décroché le titre de champion… C’est une satisfacti­on dans le sens où les quinze jours de phase finale, avant la demie contre Biarritz et la finale face à Montauban, ont été extrêmemen­t bien gérés. Les joueurs ont réussi à être acteurs, envahis par rien même s’il y a eu des séquences d’émotion.

Est-ce que vous considérez que le groupe, jeune (24 ans de moyenne d’âge) a beaucoup appris sur lui cette saison ?

Oui, c’est en lien avec la saison précédente en Top 14. Il y a eu des transmissi­ons du leadership après l’arrêt de carrière de certains. Certes, cela a pris du temps mais la transmissi­on était en place. La jeunesse est représenta­tive au projet que nous menons depuis quatre ans autour de la formation. C’est ce qui fait aussi que nous n’avons pas réussi à aller chercher le titre et que nous avons vécu quelques désillusio­ns. On n’a pas oublié de nous les faire ressentir (sourires). Nous avons quand même vu sur les phases finales, et le groupe a grandi, mûri. Il a su gérer ces deux matchs.

Les joueurs ont joué le jeu, notamment ceux qui vous vont quitter le club (dix départs sont actés) à l’image de Clément Darbo. Qu’en avez-vous pensé ?

Ni Stéphane Prosprer, ni Mauricio Reggiardo ni moi ne nous sommes posés de questions pour parler de son cas. Je pense que le joueur l’a ressenti. Pour nous il n’y avait pas de doutes, on le connaît. Vu sa performanc­e, il a mis tout le monde à l’heure. Ceux qui en doutaient sont allés dans les cordes, ceux qui ne savaient pas savent désormais qui est Clément Darbo, ce qu’est le bonhomme.

Les moments les plus difficiles ici à Agen vous ont marqué ?

Cela marque toujours car nous sommes des êtres humains. Il faut se servir de l’expérience de joueur, même si ce n’est pas la même fonction. Quand vous êtes joueur, vous êtes soit adulé soit détesté en fonction de la performanc­e. Au Stade français dans un club typique où des choses rocamboles­ques se sont passées c’était exacerbé. À Agen, j’étais dans un environnem­ent qui est beaucoup plus inscrit dans une culture intergénér­ationnelle. Avec ma fonction, j’étais forcément redevable. J’avais plus de comptes à rendre que l’occasion de anfaronner. Cela demande de la pédagogie. J’ai voulu faire ce qui me passionne, réunir les énergies en étant un vrai chef. Tout en laissant la place à chacun pour s’épanouir. Évidemment qu’il y a plein de coups, que c’est compliqué, que parfois j’ai eu envie d’envoyer valser tout le monde mais il faut le remettre à sa juste place. Ce privilège, on me l’a donné, ça veut dire aussi que je l’ai mérité. Cela m’a permis d’être tranquille avec moi-même. Quand je vois les résultats, deux épopées de Top 14, une troisième qui arrive sans moi. Ça veut dire que les choses ont été bien organisées. Mes fonctions de manager général et de directeur exécutif m’ont forcément exposé. Partir en ayant participé au fait que le club soit en Top 14 comme lorsque j’étais arrivé, c’est un parfum d’accompliss­ement.

Le Parisien est-il devenu Agenais au bout de ces cinq ans ?

Non, car je pense que personne ne devient Agenais sauf ceux qui le sont. On n’oublie pas de vous le rappeler (sourires). Je ne pense pas que ce soit bien de devenir quelque chose quand vous êtes déjà autre chose. C’est bien de ne pas vouloir être différent de que ce que l’on est soi-même.

L’émotion a été contenue puis elle est sortie, dimanche, quand on vous a vu faire le tour d’honneur. Qu’est-ce qui vous a animé à ce momentlà ?

Je n’étais pas forcément content de moi, de faire ce tour de terrain tout seul avec les bras levés. C’était personnali­sé mais bon les gens que j’avais en face de moi en tribunes je les connais bien. Ce n’était pas ostentatoi­re, j’aurais pu être pudique mais c’était sincère. L’émotion est gigantesqu­e, Agen, c’est mon premier départ de chez moi à 35 piges, c’est sept jours sur sept donnés à une institutio­n. Quand vous vous en allez, il y a une émotion assez immense. Ça fait longtemps que je suis parti de chez moi. Il va falloir réalimente­r les liens. Je n’étais pas chez moi, j’étais un peu nulle part. C’est le sentiment que j’ai en ce moment. Certains diraient plutôt que je suis chez moi partout. Je ne crois pas.

Quel va être votre futur la saison prochaine ?

Je ne sais pas du tout ce que je vais faire. La fusion du Stade français m’a fait travailler énormément de manière transparen­te sur la saison 2017-2018. Mais notre projet n’a pas été choisi. Je me dirige donc vers un moment d’inactivité que je vais optimiser pour me reconstrui­re. Après cinq ans pareils, on est quand même bien abîmé.

Allez vous suivre le SUA la saison prochaine ?

Oui car je ne vais pas pouvoir profiter de récolter les fruits de ces dernières années alors que le club dispose de moyens plus importants qu’au moment de mon arrivée.

Un beau défi attend Mauricio Reggiardo et Stéphane Prosper…

Oui mais ils sont prêts. Certes, je suis le pilote de ce projet mais depuis janvier j’ai fait la transition avec eux mais aussi avec Anthony Anno (l’analyste vidéo) et Philippe Sella.

Malgré tout Agen va faire figure de petit poucet et d’exception dans ce Top 14 où tout le monde s’arme d’années en années…

L’exception permet le possible. Il va falloir une gestion et une stratégie. Tous les matchs ne pourront pas être joués à fond mais des modèles comme Brive, La Rochelle, Pau, sportiveme­nt parlant peuvent être suivis. Le fait de n’avoir plus qu’une place pour la descente directe, c’est un indicateur positif pour Agen.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany

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