Salut, Marcel
L’âge aidant, il avait gagné en rondeur, en bonhomie. Mais cette impression toute de douceur et d’empathie, qui témoignait de l’humanisme d’un homme, dont il me plaît de penser qu’il fut l’un des plus grands dirigeants du rugby français sur les cinquante dernières années, ne saurait tromper tout à fait. Marcel Martin ne cédait sur rien et se tenait informé de tout. Personne ne connaissait mieux que lui les rouages de ce jeu sur l’échiquier international. Aucune information, aucune manigance, aucun projet, d’où qu’il vienne, ne lui échappaient. Il lui arrivait même, sous des dehors patelins, cultivant le goût du secret avec un art consommé du non-dit, d’en être le véritable instigateur. Ainsi de la création de la Coupe du monde.
Il n’avait pas son pareil, sous le gouvernement Ferrasse, pour faire plier d’une main de fer les mécontents, les mal assis, les adversaires du régime. Sa maîtrise parfaite de la langue anglaise et une part non négligeable de rouerie, l’autorisaient à mener son train, à gagner des paris, et à très vite influer au comité directeur du Board. Il était la voix de la France dans les années 1970-1980 et les Britanniques, qui avaient appris à le connaître, le tenaient en grande estime.
Marcel Martin, qui entretenait avec ce journal des rapports amicaux, souvent complices, quelquefois animés - je ne compte plus le nombre d’appels ou de courriels que Marcel m’aura envoyés, signifiant ici un désaccord, là une approbation et il s’ingéniait alors, sous couvert de discrétion, à m’informer davantage - était, comme me l’assure aujourd’hui Serge Blanco, « le dernier des grands dirigeants tels que je les ai connus et aimés. L’ours mal léché le plus gentil qu’il m’ait été donné d’approcher ».
« Les morts sont tous des braves types », disait Brassens. Marcel Martin n’était pas que cela. Il imposait le respect. Et laissera, dans l’univers de ce jeu, de Londres à Biarritz, de Paris à Agen, le souvenir d’une figure marquante, attachante, par bien des aspects, exemplaire.