Midi Olympique

« Le numéro 9 doit être un gestionnai­re »

- Propos recueillis par Félix COMANE

Aujourd’hui consultant pour BeInSport, vous observez le Top 14 et les Coupes d’Europe avec un regard d’expert. Comment jugez-vous son évolution ?

Si certaines équipes comme La Rochelle ou Clermont prônent encore un jeu d’évitement, avec l’envie de rechercher des intervalle­s, de pratiquer un rugby offensif, la majorité des équipes s’appuient sur le physique. C’est malheureus­ement un jeu d’affronteme­nt qui domine. En Top 14, les équipes jouent pour ne pas perdre au lieu de jouer pour gagner. C’est une situation que j’ai connue avec le Biarritz Olympique en fin de carrière. La pression du résultat inhibe les joueurs, et les forces à pratiquer un jeu plus restrictif.

La tournée des Lions a montré qu’une autre forme de jeu était pourtant possible…

Le jeu pratiqué en France est totalement à l’opposé du rugby mondial. Aujourd’hui, les Blacks ou les Lions créent le rugby de ces cinq, six prochaines années. De notre côté nous sommes restés bloqués cinq ou six ans en arrière. Le retard est considérab­le.

Justement dans ce jeu restrictif, comment le poste du demi de mêlée a évolué ?

Trop de numéros neuf essayent de briser des plaquages, de participer aux pick and go. Ce n’est pas du tout ma vision du poste. À l’image d’Aaron Smith avec les Blacks, le demi de mêlée doit être un gestionnai­re, le stratège de son équipe. C’est ce que fait très bien le Néo-zélandais, on ne le voit pas beaucoup ballon en main, mais par sa qualité de passe, sa vision du jeu, son placement, il influe sur la rencontre. C’est le meilleur à son poste aujourd’hui. La qualité première du neuf, c’est la gestion, pour rassurer ses coéquipier­s.

Sur le podium des meilleurs demis de mêlée du Top 14, on retrouve trois français, trois internatio­naux, trois profils différents…

À mon sens Morgan Parra réalise sa meilleure saison en Top 14. Il a été très bon dans la gestion du jeu de son équipe. Sa régularité sur la saison est impression­nante, quand on sait qu’il a beaucoup joué. Il a surtout su se montrer décisif dans les moments clés. C’est lui qui porte Clermont en phases finales. Antoine Dupont quant à lui, j’attends de le voir sur la durée et notamment avec le Stade Toulousain. C’est un joueur avec énormément de qualités individuel­les qui a l’avenir devant lui. Mais par son travail, son abnégation et sa bonne saison, Baptiste Serin mérite sa place de premier.

En parlant du travail de Baptiste Serin, vous êtes idéalement placé pour parler de son évolution dans le jeu au pied…*

Baptiste est quelqu’un d’extrêmemen­t motivé. Il aime bosser et se perfection­ner. Sa frappe évolue au fil des séances, mais c’est un travail sur la durée : on ne pourra voir ses progrès que sur le long terme. Et la réalité de l’entraîneme­nt n’est pas celle du match.

Il doit davantage prendre le but à son compte selon vous ?

On ne devient pas buteur en poussant simplement un bouton. Buter est un exercice qui demande de l’entraîneme­nt certes, mais surtout de la mise en situation. Le meilleur moyen de progresser c’est de buter sous pression durant un match.

On l’a compris, le demi de mêlée est essentiel dans une équipe. Pour vous, quel joueur fait office de référence au poste ?

J’ai affronté ou côtoyé de nombreux demis de mêlée et il y a en un qui m’a marqué : Philippe Carbonneau. Il terminait sa carrière quand j’ai commencé la mienne. Il incarne parfaiteme­nt ce que je vous disais. Un joueur juste techniquem­ent, meneur d’hommes, agressif quand il le fallait. Un véritable modèle.

* Dimitri Yachvili intervient ponctuelle­ment auprès de Baptiste Serin pour travailler le jeu au pied.

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