Midi Olympique

« Un gars avec des qualités, ça ne court pas les rues »

ALBERT CIGAGNA - Ancien numéro 8 du Stade Toulousain CAPÉ AVEC LE XV DE FRANCE, « MATABIAU » LIVRE UN CONSTAT SANS APPEL DE L’ÉTAT DU POSTE EN FRANCE.

- Par Rémy DOUTRE

Pensez-vous que la première place de Victor Vito est méritée ?

Porter un jugement sur ce classement est plutôt difficile, car chaque joueur à ses qualités, et dépend du rendement de son équipe. Personnell­ement, je déplore qu’il n’y ait que deux Français. Surtout que le premier (Kélian Galletier) est plus un troisième ligne aile qu’un huit. Le problème, c’est que ce classement est en adéquation avec le niveau du rugby français où les exigences du niveau internatio­nnal actuel.

Avec deux Français seulement qui pointent aux 7es et 10es places, cela signifie qu’il n’y a personne derrière Louis Picamoles ?

Exactement. C’est exactement ça et c’est regrettabl­e. Il me paraît évident que c’est surtout dû à la formation, même si ce problème s’inscrit dans un contexte plus général. Le fait de faire venir des joueurs étrangers signifie d’abord que les joueurs Français, même si ils ont des qualités, ne pourront pas les exprimer. Ensuite, il ne faut pas se leurrer, un gars avec des qualités, ça ne court pas les rues. Il y a très peu de candidats susceptibl­es de jouer en pro. Ça en devient inquiétant. Il y a bien Gillian Galan à Toulouse, mais il a du mal à percer. Quand on regarde autour, il n’y a pas grand chose...

Galletier ou Tauleigne ou Madaule sont de jeunes joueurs. Est-ce que l’expérience peut faire la différence pour rivaliser ?

Je ne pense pas. Soit le joueur est bon, soit il ne l’est pas. S’il a du potentiel, l’expérience le fera progresser, mais encore faut-il qu’on lui donne cette expérience. Ça ne s’acquiert pas à l’entraîneme­nt mais en match. Et pour ça, il faut les faire jouer à haut niveau, au moins 10 ou 15 matchs. Mais même avec de l’expérience, si il n’y a pas de talent il n’y aura pas de grand joueur.

Qu’est-ce qui fait la différence entre eux ?

Aujourd’hui, la différence entre un Vito et un Galletier ou un Tauleigne, c’est que l’un est un très bon joueur et les autres de bons joueurs. Vito a l’expérience, et a bénéficié d’une formation néo-zélandaise qu’on n’a peut-être pas en France, et a peut être d’autres qualités que les autres n’ont pas. Mais ça reste difficile de porter un jugement à cause du profil du joueur. Vito est un coureur/perforateu­r, Vermeulen a un profil plus physique ... Personnell­ement, mon joueur de référence reste Parisse qui même avec de la bouteille est un joueur qui court, perce, joue... C’est pour moi le huit le plus complet. Ensuite, tout dépend dans quelle équipe joue le huit en question. Tauleigne va bien à l’UBB, il y entretient une relation de confiance avec ses partenaire­s, sachant que les profils des joueurs correspond­ent au jeu proposé par leurs équipes. Dans un jeu restrictif comme à Toulon où Vermeulen s’intègre parfaiteme­nt, Vito aurait plus de mal, et vice versa avec des équipes joueuses comme La Rochelle.

Comment a évolué le poste ?

Il a beaucoup évolué, au niveau physique d’abord, et des impacts. Mais là encore c’est difficile à comparer, les joueurs s’entraînent plus, les systèmes sont différents, les défenses plus organisées. L’évolution se voit par rapport à la philosophi­e du jeu. Si la philosophi­e est restrictiv­e, le jeu l’est aussi et ça rejaillit sur l’évolution du poste. Idem pour une philosophi­e de jeu qui favorise la circulatio­n du ballon et les passes. L’intégratio­n d’un huit dans une équipe et un sytème de jeu, c’est avant tout une question d’alchimie.

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