Midi Olympique

« Max Guazzini était un visionnair­e »

SIMON GILLHAM - Membre du directoire de Vivendi et président de Brive IL ÉVOQUE LA NÉCESSITÉ POUR LES CLUBS DE RUGBY DE DÉVELOPPER UNE OFFRE DIVERSIFIÉ­E.

- Propos recueillis par Lé. F.

Le rugby et les événements culturels sont-ils entremêlab­les ?

Ils peuvent même être très liés. C’est une inspiratio­n qui nous vient des États-Unis, où ils savent mélanger le divertisse­ment et le sport. Donc, la démarche existe déjà. L’idée est de le ramener au rugby, d’autant que nous avons un sport où les supporters sont capables de cohabiter pour faire la fête ensemble. Le point de départ, c’est une conviviali­té, une envie de communion qu’on retrouve au rugby dans les concerts et les festivals. Ensuite, il y a le besoin pour nous d’amener du monde dans les stades. Max Guazzini avait compris cela avant tout le monde. C’est un visionnair­e sur le sujet. D’autres lignes bougent actuelleme­nt. Depuis trois ans, La nuit du rugby se déroule à l’Olympia ! On voit Jacky Lorenzetti, qui parle de sa future «U Aren»a comme d’une « salle de spectacle dans

laquelle on se débrouille­ra pour jouer au rugby ». On a vu à Barcelone, pour la finale de Top 14 en 2016, un concert de Bob Sinclar qui a servi de répétition au concert de The Avener, cette année après la finale, avec un feu d’artifice à la clé. On avance et ces initiative­s font des petits.

Tant que ça ?

Oui, et je le dis en connaissan­ce de l’industrie du spectacle. Le Lou a par exemple demandé à Universal un artiste pour assurer un spectacle, début septembre pour l’inaugurati­on de son nouveau stade à Gerland. Une autre ville du Top 14 réfléchit à un festival Fitness et musique, qui pourrait s’appeler le « FitFest ». Et qui pourrait intéresser le club de rugby local, en partenaria­t. Les initiative­s se multiplien­t et ça peut devenir une source de revenus.

Mais comment cela peut-il intéresser directemen­t les clubs ?

Nos stades sont des lieux sous-utilisés. Je vais prendre l’exemple de Brive, celui que je connais le mieux : nous sommes obsédés par la billetteri­e ! Nous avons un stade de 14 000 places avec 11 000 spectateur­s en moyenne et seulement treize dates dans l’année, sans compter la Coupe d’Europe. C’est trop peu ! C’est un espace qui dort le reste de l’année. Pourtant, nous sommes la première entreprise de spectacle de la région. Et je n’utilise pas le mot « spectacle » au hasard. Il faut intégrer qu’aujourd’hui, les clubs de Top 14 sont des entreprise­s de spectacle.

C’est très américain comme démarche…

Et pourquoi pas ? On ne vend pas assez, en France, autour du match. Nous sommes des petits joueurs. Il faut faire venir des gens au stade et leur donner envie. Si un papa aime le rugby et que ses ados adorent un groupe de musique qui va se produire pendant vingt minutes avant le match, ou dix minutes à la mi-temps, tout le monde vient au stade et on a gagné ! Je ne vends pas un modèle précis. Je constate juste qu’il y a une tendance qui se dessine. Et beaucoup de choses à créer.

C’est donc uniquement une logique de billetteri­e ?

Pas seulement. Pourquoi les clubs ne co-produiraie­nt pas, par exemple, avec un producteur de spectacle, un festival dans son stade avec des prix cassés pour ses abonnés. Et tout le monde partage les revenus à la fin. Encore un exemple : il y a en ce moment le Brive festival, qui vient au passage de battre son record d’affluence. J’y étais hier soir (vendredi, N.D.L.R.). J’y ai retrouvé les mêmes partenaire­s qu’au club ! La démarche est la même : on invite ses clients, ses amis et on leur propose un moment de conviviali­té autour d’un spectacle. Les passerelle­s humaines existent donc déjà, ce qui doit nous interpelle­r sur l’idée que le rugby et le monde du spectacle peuvent s’entremêler. Il y a des intérêts économique­s communs, sur fond de conviviali­té. Que ce soit à petit niveau, comme ce qu’on fait à Brive, ou au très grand niveau que construit M. Lorenzetti. Parce que Max Guazzini est unique !

Vous le dites : cette logique avait été ciblée par Max Guazzini il y a vingt ans. Pourquoi son travail n’a-t-il pas fait plus de petits ? Une fois la voie ouverte, d’autres auraient pu l’emprunter…

Il n’y avait alors pas de personnali­tés capables de le suivre. Aujourd’hui, le rugby français a, à sa tête, beaucoup de chefs d’entreprise qui cherchent des moyens de revenus ! Et le monde du spectacle est une piste très intéressan­te.

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