Midi Olympique

« L’AUTRE » ENTRAÎNEUR FRANÇAIS

LES CANADIENNE­S ONT MIS 98 POINTS EN OUVERTURE DE LA COUPE DU MONDE. À LEUR TÊTE, UN ENTRAÎNEUR FRANÇAIS, AU PARCOURS ET À LA PERSONNALI­TÉ ATYPIQUE.

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Dire que l’ambiance est cool autour de l’équipe du Canada relève de l’euphémisme et son entraîneur François Ratier y est pour beaucoup. Croisé aux abords de la cafétéria de l’université UCD, il accepte un entretien séance tenante alors que ses « filles » s’apprêtent à démarrer leur entraîneme­nt. « Je me suis appuyé sur un leadership très fort de cinq filles. Avec elles, ça roule. Je n’interviens que si ça ne roule pas », explique-t-il assis dans les tribunes vides. Il est « l’autre » entraîneur français de la compétitio­n même si avec les années, son parler s’est teinté d’un léger accent anglo-saxon. Ce Charentais a découvert sa nouvelle patrie en 2003, au fil d’un voyage initiatiqu­e : « J’avais besoin de partir. J’avais du temps libre, je finissais ma carrière et je venais de passer mon brevet d’état. J’ai joué en première division groupe B sous le maillot d’Angoulême. J’ai entrepris ce voyage et je me suis retrouvé dans un club de Montréal. Et de fil en aiguille j’ai entraîné l’équipe puis celle de la province de Québec. Et le staff néo-zélandais est arrivé au Canada autour de l’ancien All Black Kieran Crawley. Ils m’ont repéré. »

L’APPEL DE VANCOUVER

François Ratier s’est retrouvé entraîneur des moins de 18 ans nationaux. Puis en 2013, sa candidatur­e a été retenue pour s’occuper des filles. Quand le Canada fut finaliste en 2014 après la demie gagnée face aux Bleues, c’était déjà lui qui était aux commandes. Il a même brièvement eu la responsabi­lité de la sélection masculine après le départ de Crawley pour Trévise. « Mais j’habite à Montréal et au Canada le centre national du rugby est à Vancouver, c’est à dire à cinq mille kilomètres de chez moi. On m’a proposé un poste la-bas, mais j’hésite à déménager. » Ah, les distances… C’est l’éternel problème de ce rugby qui forme pas mal de bons joueurs mais qui peine à les réunir pour les faire vraiment progresser. C’est encore plus vrai chez les filles que chez les garçons. « Nous n’avons plus joué à domicile depuis 2015. Depuis, notre groupe ne s’est rassemblé que depuis douze jours, ici à Dublin. C’est plus facile et c’est moins coûteux. » François Ratier égrène les bons et les mauvais côtés du rugby de son pays d’adoption : « Les filles peuvent faire du rugby au collège et à l’université où la filière est bonne. Mais il y a une grosse différence entre le VII et le XV. Et les passerelle­s sont de plus en plus difficiles. Le VII est olympique alors il reçoit des subvention­s publiques. Le XV ne touche rien, il ne fonctionne que sur des fonds privés. J’ai lu ici dans un article que nos joueuses quinzistes progressai­ent car elles étaient devenues profession­nelles. C’est une erreur. Quand aux Septistes. Oui, elles sont profession­nelles mais touchent environ mille euros par mois. » Il ne se plaint pas excessivem­ent de ce manque de moyens. Il participe d’une philosophi­e générale dans un pays où on ne se stresse pas pour si peu. « Au Canada, les choses sont très ouvertes. Il faut savoir se débrouille­r. On n’est pas un système de fonctionna­riat comme dans les grosses Fédération­s. Moi, j’ai dû travailler comme éducateur dans diverses écoles en parallèle. Je suis encore assez autonome, je travaille toujours pour des université­s. Au Canada, le rugby est vraiment un autre truc que ce qu’on vit en Europe. »

L’HOMMAGE À L’EXIGENCE DE CRAWLEY

En arrivant au Canada, François Ratier était pétri des idées de Pierre Villepreux. Il les a gardées mais il reconnaît que la fréquentat­ion de Kieran Crawley lui a montré le rugby sous un nouveau jour : « Il m’a appris l’importance de la technique individuel­le, la base de tout. C’est une exigence de tous les instants pour les Néo-Zélandais qui prônent la répétition des gestes, ce qu’on avait un peu abandonné en France. Mais ce n’est pas antinomiqu­e avec les idées « globales » de Pierre Villepreux. » Il ne s’imagine donc pas revenir dans l’hexagone. On sent bien d’ailleurs qu’il pourrait très bien faire un retour dans le staff de la sélection masculine s’il accepte de rejoindre Vancouver.

Dans ce contexte décontract­é, François Ratier n’hésite pas à expliquer son plan de jeu créatif, mais très précis dans la redistribu­tion des joueuses. La « cool attitude » n’empêche pas l’expertise, loin de là. « Nous jouons en 1-3-3-1, avec si possible nos deux flankers sur les ailes dans les couloirs des quinze mètres et le 8 plutôt au milieu de terrain soit la même redistribu­tion que les All Blacks. Puis les trois-quarts doivent se positionne­r derrière les avants et doivent s’adapter à la façon dont les groupes d’avants « punchent ». Mais tout ça n’est pas de la playstatio­n. La lecture du jeu reste le maître mot de notre façon de jouer. » Lui aussi, aime la lecture, au sens littéraire du terme avec un faible pour Victor Hugo et « La légende des siècles ». J. P.

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