Midi Olympique

Les confession­s de Dupont

ENTRE SON ÉCLOSION SOUDAINE, SES PREMIERS PAS EN ÉQUIPE DE FRANCE OU LE FEUILLETON AUTOUR DE SA SIGNATURE À TOULOUSE, LE JEUNE PHÉNOMÈNE DES DERNIERS MOIS A DÛ GÉRER UNE NOUVELLE EXPOSITION LA SAISON PASSÉE ALORS QU’IL N’Y ÉTAIT PAS FORCÉMENT PRÉPARÉ. DÉS

- Propos recueillis par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

La saison passée a notamment été marquée par le feuilleton de votre signature à Toulouse. Êtes-vous apaisé d’y être et de débuter cette aventure ?

Apaisé n’est pas le mot. Je dirais excité et impatient que ça commence. Cela me fait un peu bizarre de venir ici tous les jours alors que j’avais plutôt l’habitude de m’y rendre pour jouer puis repartir (sourires). Mais, jusque-là, on s’entraîne juste… Surtout que je suis à part avec les autres internatio­naux. Donc il me tarde de le faire avec l’ensemble de l’équipe puis d’être sur le terrain pour participer aux premiers matchs et vraiment assimiler le fait que je joue désormais à Toulouse.

Les contrainte­s de préparatio­n liées à votre présence dans la liste Élite compliquen­t-elles votre intégratio­n ?

Oui, ce n’est pas la meilleure chose qui soit quand on débarque dans un club. Heureuseme­nt qu’il y a eu le stage en Andorre. C’est là que je suis arrivé la première fois. On avait organisé des petits jeux d’intégratio­n, des repas ensemble, ça m’a aidé.

Outre votre transfert, la saison dernière a aussi été celle de l’explosion pour vous, donc de l’exposition. Comment l’avez-vous géré ?

On ne peut pas s’y préparer car on ne peut tout simplement pas prévoir l’éclosion d’un joueur. Et encore moins le retour médiatique qu’il y aura dessus. J’étais conscient que mes performanc­es seraient regardées et commentées mais, pour le reste, j’ai dû m’adapter et garder la tête froide. Je ne croyais pas atteindre ce stade dès la saison passée. Et alors l’équipe de France, encore moins… Pour tout vous dire, même concurrenc­er Rory (Kockott), je pensais que c’était impossible l’été dernier. Les choses vont très vite parfois.

Votre performanc­e avec les Barbarians en novembre contre l’Australie, avec ce fameux exploit personnel qui a fait le tour des écrans, a-t-elle été l’élément déclencheu­r ?

Pas forcément. Aux yeux du grand public, c’est peut-être l’événement qui a changé les regards et ce match avec les Barbarians a beaucoup fait parler de moi. Mais, à Castres, je sentais que la hiérarchie commençait à évoluer à mon poste. Moi, à ce moment, je savais déjà que cette saison était partie sur des bases différente­s de la précédente.

Vous avez donc choisi de rejoindre Toulouse, dont l’intérêt se manifestai­t depuis deux ans…

J’ai compris, dès les premiers contacts avec Ugo Mola et Fabien

Pelous, qu’il y avait un fort intérêt.

J’étais un jeune joueur, je venais du coin… Cela leur tenait à coeur de cibler des garçons qui correspond­ent à l’identité toulousain­e. Ils voulaient des espoirs à fort potentiel, pas pour rester deux ou trois ans mais pour faire leur carrière entière au club comme c’était le cas avec les génération­s passées. Dès le début, le discours d’Ugo m’a séduit. Il me disait qu’il appréciait mon style, qu’il collait à celui historique du Stade toulousain, à savoir un jeu de mouvement. J’ai senti qu’ils me désiraient vraiment car ils ont été assez insistants pour que je vienne (sourires).

Cette promesse d’un jeu aéré a-t-elle déterminan­te ?

C’est évidemment entré en ligne de compte. J’aime ce club mais il y a aussi son identité, son esprit d’entrise, de ne pas avoir un système de jeu restrictif comme on peut le voir dans certaines équipes de Top 14. Moi, je veux jouer au rugby, me faire plaisir. Pas juste taper au pied puis occupation, défense, conquête. Chacun sait que c’est important par moments mais ce n’est pas ce que je cherchais…

Est-ce aisé, à 20 ans, de se présenter devant des personnes aussi charismati­ques que Christophe Urios et Pierre-Yves Revol pour annoncer ce choix ?

Je peux vous assurer que prendre ce genre de décisions à 20 ans n’est pas simple. Cela l’est encore moins de les assumer derrière puisqu’il faut l’annoncer. Franchemen­t, c’est facile de dire oui à une des parties. Mais aller voir l’autre et lui dire « non, je ne reste pas », ça ne l’est pas du tout. Choisir, c’est renoncer. Et cela peut engendrer de la frustratio­n ou de la rancoeur. Certes, ce milieu est habitué à ces situations mais, moi, je ne l’étais pas. Surtout qu’affectivem­ent, je vivais quelque chose de fort avec Castres.

Que retiendrez-vous de l’aventure castraise ?

C’est ma découverte du monde profession­nel. En trois ans, j’y ai tout connu. Pour mes premiers matchs, on a joué le maintien jusqu’à l’avant-dernière journée. La saison suivante, de transition

où j’étais beaucoup avec les moins de 20 ans, on a disputé un barrage. Et l’an dernier, mon temps de jeu a augmenté, j’ai pu éclore, connaître l’équipe de France.

En fin de saison passée, alors que vous étiez engagé avec Toulouse, Mourad Boudjellal s’est franchemen­t positionné pour vous rapatrier à Toulon. Il semble que vous ayez hésité…

C’est vrai. Ce qui m’a fait hésiter, c’est surtout le fait que le Stade toulousain ne puisse peut-être pas valider les contrats de certaines recrues, dont moi. On entendait beaucoup de choses, on parlait de problèmes financiers, de la DNACG, donc j’avais peur de me retrouver sans rien à l’arrivée…

Le nouveau président Didier Lacroix a évoqué la discussion qu’il avait eue avec vous pour vous convaincre. Quels ont été ses mots ?

Il m’a juste dit : « Si tu as fait ce choix au départ, c’est que tu avais vraiment envie de venir car tu y as beaucoup réfléchi. Donc tu ne dois plus changer d’avis maintenant. » C’est la vérité. Si j’avais pris cette décision, c’est que c’était la bonne pour moi. Je l’avais mûrie et pesée.

Vous avez souvent évoqué un choix du coeur. Est-ce spécial de porter le maillot du Stade toulousain ?

Je ne sais pas encore, je n’ai pas le droit de le porter donc je le dirai après mes premiers matchs (rires). Sérieuseme­nt, depuis que je suis gamin, j’admire le Stade toulousain et les joueurs qui y ont évolué. Cette génération qui a tout gagné pendant des années m’a fait rêver. Bon, c’était facile d’être supporter avec des mecs pareils. Mais ce logo a toujours été particulie­r pour moi. Même quand je jouais contre Toulouse chez les jeunes, c’était spécial. Alors me retrouver de l’autre côté, d’être désormais Stadiste…

Une transition génération­nelle s’est opérée au club, dont vous allez faire partie…

On parle toujours de la dernière saison catastroph­ique du Stade toulousain, que le club ne remontera pas la pente… Je regarde l’effectif et vois beaucoup de bons joueurs, surtout de jeunes formés ici ou arrivés tôt, qui ont baigné dans cette identité. Eux veulent construire ensemble. La meilleure preuve, c’est que Julien Marchand, Cyril Baille, Dorian Aldegheri, Arthur Bonnneval, Thomas Ramos avaient tous prolongé. Gaël Fickou, qui reste un jeune, l’avait fait aussi. Pareil pour François Cros. Tous ont montré l’envie de s’installer à Toulouse et de faire quelque chose de ce club. Je m’inscris dans cette volonté. Je souhaitais participer à l’aventure.

Pouvez-vous ambitionne­r un titre cette saison ?

Ce serait présomptue­ux de dire qu’on vise le Brennus dès cette année, surtout après la dernière saison du club. Mais je suis persuadé qu’on sera au niveau des autres et qu’on aura la qualificat­ion dans les six en ligne de mire. Ce serait déjà très bien et on ne va pas en demander plus pour l’instant. Surtout que je sens le poids de l’an dernier. Dès qu’on croise des supporters, ils nous disent : « C’était douloureux, on espère que ce sera mieux. » Les gens sont déçus. Nous, les recrues, n’avons pas connu cette fatigue psychologi­que et ce petit traumatism­e. Si notre fraîcheur peut être utile au groupe, tant mieux.

Vous êtes originaire de Castelnau-Magnoac, dans les Hautes-Pyrénées, et vous avez aussi présenté votre choix comme une opportunit­é de vous rapprocher encore de votre famille…

J’ai besoin de rentrer régulièrem­ent. Ma famille, je n’ai jamais vécu sans, je ne connais pas encore ce manque-là mais, pour le moment, je ne me vois partir loin sans revenir souvent. Là, j’irai quand je veux ou presque. Chez moi, ce sport a une place énorme. Mon frère et mes cousins jouent au rugby, tout le monde baigne dedans. Ils viennent voir mes matchs, donc eux aussi seront contents. Surtout en plein hiver, le samedi à 21 heures. Puis beaucoup de mes amis d’enfance, de mon village et des alentours, sont sur Toulouse maintenant. À Castres, en dehors de mes potes du rugby, j’avais vite fait le tour, donc je restais toujours dans le même milieu. Ici, ce sera plus simple de changer un peu d’horizon au quotidien.

Vous évoquiez vos amis d’enfance. Ce que vous vivez personnell­ement et profession­nellement ne vous a-t-il pas fait mûrir plus vite ? Voire trop vite ?

Tout cela demande une certaine maturité. Si on ne l’a pas, peut-être qu’on l’acquiert plus vite car nous sommes confrontés à des choses que les copains de mon âge n’ont pas à connaître. Le monde pro exige beaucoup de rigueur. Eux, qui évoluent en amateurs, font leurs études la journée, s’entraînent le soir et jouent le week-end, sans pression particuliè­re. Dans notre milieu, je reconnais qu’il y a de nombreux avantages mais aussi des devoirs, sur le terrain et en dehors pour gérer sa carrière. Je suis entré dans le monde adulte plus rapidement que les autres alors que je n’étais pas forcément prêt. C’est une superbe aventure mais cela donne des responsabi­lités.

Dont celle de défendre le maillot de l’équipe de France. Aviez-vous eu le temps de l’anticiper ?

Absolument pas. Ça m’est tombé dessus. Parfois, on l’espère mais ce n’était même pas mon cas. Je n’y réfléchiss­ais pas encore et c’est arrivé… Alors il faut vite basculer, garder son sang-froid et réaliser sans se mettre une pression immense sur les épaules. La première fois que tu es sélectionn­é, le but est de vite sortir de l’euphorie.

Surtout quand, à 20 ans, on doit commander les Picamoles, Maestri ou Chouly…

Oui, ce n’est pas facile mais, en match, chacun est habitué à ce que le neuf et le dix parlent, qu’ils aient 20 ou 35 ans. Il n’y a aucun problème d’autorité. Par contre, en dehors du terrain, c’est plus difficile de se faire respecter à mon âge. Qu’on le veuille ou non, je suis le jeune qui vient de débarquer.

La dernière tournée en Afrique du Sud a été très décevante. Comment l’expliquez-vous ?

Elle ne répond pas à nos attentes. Même si, malgré nos erreurs et lacunes qu’on ne peut occulter, il faut y trouver du positif. Je pense à deux entames de match qui sont bonnes sur vingt minutes où nous dominons mais manquons de réalisme. Après, on craque avant nos adversaire­s et cela nous coûte très cher. Il y a ces histoires de fin de saison, de fatigue. Est-ce une explicatio­n ? Ce n’est pas à moi de le dire mais on ne doit pas oublier ce qu’il s’est passé en Afrique du Sud.

Vous avez aussi participé à une Coupe du monde des moins de 20 ans. Avez-vous l’impression que le rugby français est aujourd’hui distancé ?

Je ne pense pas. En moins de 20 ans, on avait raté notre Mondial mais il n’y avait pas une marche énorme entre nous et les autres. Je me souviens d’un match contre l’Argentine. On domine, on prend le score mais on ne marque pas et on offre les points. Comme cette tournée en Afrique du Sud. On encaisse des essais à zéro passe alors que la France a besoin de cinq, six, sept temps de jeu pour en mettre un. Nous sommes trop gentils sur ce plan. Les grosses nations ne font aucun cadeau, ne laissent aucun point facile.

Pour finir, avez-vous des références au poste de demi de mêlée dont vous vous êtes inspiré ?

Je ne joue pas neuf depuis tout jeune, seulement depuis trois ans de manière exclusive. Avant, même si j’évoluais à ce poste en sélection, j’étais numéro dix à Auch et même en Crabos à Castres. Mais j’ai toujours aimé les demis de mêlée qu’on remarquait quand on regarde un match. Ceux qui prennent des trous, des initiative­s. Ceux qui, à mon sens, ont une influence directe sur le scénario d’une rencontre. Il y en a de plus gestionnai­res et tacticiens, très bons aussi, qui distribuen­t le ballon. Ce n’est pas le profil qui m’attire.

Alors, les noms de ceux dont le profil vous attire ?

Je suis jeune et ce sont donc des exemples trop récents, des mecs qui jouent encore. Je préfère me taire car je risque de les affronter (rires).

« J’aime ce club mais aussi son identité, son esprit d’entreprend­re.

Moi, je veux jouer au rugby, me faire plaisir. Pas juste taper au pied puis occupation, défense, conquête. »

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Photo M. O. - B. G.

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