Midi Olympique

Glas, du Nord au Sud de l’Isère

ENFANT DU CSBJ, L’ANCIEN TROIS-QUARTS CENTRE INTERNATIO­NAL EST DEVENU CETTE SAISON L’ENTRAÎNEUR DES TROIS-QUARTS DE L’ENNEMI HÉRÉDITAIR­E GRENOBLOIS. TOUT SAUF UNE ANOMALIE, BIEN SÛR, DANS UN RUGBY DEVENU DEPUIS LONGTEMPS PROFESSION­NEL. MAIS ÉGALEMENT TOUT

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Plus Berjallien, tu meurs. C’est à Bourgoin-Jallieu en effet, au coeur de ces Terres Froides que les habitants du Sud-Isère ont l’habitude de railler en prétextant que, là-bas, même les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère, que Stéphane Glas a vu le jour. Six petites années seulement avant de prendre sa première licence au CSBJ dès la catégorie des mini-poussins, et cela jusqu’à pousser les portes de l’équipe première, alors au faîte de sa gloire. Perpétuant alors une dynastie que Pierrot, son père, avait initiée avant lui, déjà au coeur de l’attaque ciel et grenat. « À Bourgoin, en compagnie de mes deux oncles, il avait remporté les deux titres de champion de France de Deuxième Division, en 1971 et 1973, rappelle Stéphane Glas de son inimitable accent, dont les intonation­s fleurent bon les murs en pisé du Nord-Isère. Mais lui n’était pas un pur Berjallien : il avait démarré le rugby à Villeurban­ne, comme mon grand-père. Il travaillai­t à l’aéroport de Satolas, aujourd’hui devenu Saint-Exupéry. Ce n’est que lors de sa dernière année en junior qu’il a été contacté par l’historique président de Bourgoin, Louis Marchand. » Le point de départ d’un héritage assumé avec bonheur. « Avec mon père, on a toujours parlé de jeu. On en parle encore, d’ailleurs… Il était trois-quarts centre, je le suis devenu également. Il était éducateur à l’école de rugby du CSBJ,

je suis devenu entraîneur… » Avec, en filigrane, une passion. Celle de l’attaque de ligne, de l’esthétique, du geste parfait. Des notions probableme­nt désuètes aux yeux de la génération actuelle mais dont Stéphane Glas, héritier désigné du légendaire Jacky Bouquet à ses premiers pas en tricolore, ne peut renier. Il suffit de voir, pour s’en convaincre, les étoiles s’allumer dans ses yeux à l’évocation d’un souvenir d’enfance datant de vacances en Côte d’Ivoire. Un jour où, le futur double chelemard demanda au pater familias de lui enseigner en quoi consistait un cadrage-débordemen­t. Ce à quoi Pierrot se fendit d’une démonstrat­ion à même la table du restaurant, à l’aide d’une salière et d’un poivrier… « C’était merveilleu­x, beau, limpide tout d’un coup, sourit

Stéphane. J’avais treize ans, c’est resté gravé en moi et depuis ce jour, cela m’a obsédé. Et le plus drôle, pour lui en avoir déjà parlé, c’est que mon père ne s’en rappelle même pas… »

SOUVENIRS DE DERBYS

Ce préambule pour quoi, au juste ? Simplement pour attester qu’avec pareil héritage, la facilité pour Stéphane Glas aurait probableme­nt consisté à demeurer lié à vie au CSBJ, comme tant d’autres avant lui demeurèren­t rivés aux berges de la Bourbre. Et pourtant… « Longtemps, j’ai pensé que j’effectuera­is toute ma carrière làbas. Et puis, j’ai eu des envies de départ à partir du moment où j’ai commencé à penser que le CSBJ ne pourrait pas décrocher un titre… J’avais aussi besoin d’un nouveau challenge sportif. C’est pour cela que je suis monté à Paris. » Un pari bien sûr réussi, nanti de trois Brennus, mais

surtout la genèse d’une aventure qui l’amena lui, l’enfant du CSBJ, à prendre en mains cette saison les trois-quarts du vénérable FC Grenoble, alias l’ennemi héréditair­e. Le plus drôle, dans l’histoire ? C’est que c’est justement en partie au nom de ses racines régionales que Stéphane Glas fut ciblé par le FCG, désireux de tourner la page irlandaise. « Bien sûr qu’être originaire du coin a été un atout, avoue Glas sans ambages. Le club cherchait un entraîneur qui soit issu de la région… Cela peut en étonner certains de voir un Berjallien entraîner Grenoble, mais bon ! C’est vrai que, quand j’étais jeune, le derby, c’était quelque chose pour moi, que je considérai­s comme un Lyon-Saint-Étienne en foot ! Avec le CSBJ à l’époque, nous avons beaucoup plus perdu que gagné face au FCG… Avant d’évoluer en seniors, je n’avais même jamais gagné à Grenoble ! En revanche, en tant que joueur profession­nel, je n’ai jamais perdu contre le FCG. C’est ma petite fierté… » Et ce dernier de rappeler cette glorieuse année 1995 qui vit, en Top 16, le CSBJ prendre pour la première fois le dessus sur son voisin isérois, à la grâce d’un premier succès à domicile, mais surtout d’une victoire à Lesdiguièr­es offrant à Bourgoin les premiers quarts de finale de son histoire. « Lors du match aller à Rajon, j’avais offert un essai à Patrice Favre après avoir percé au centre du terrain. Et lors du match retour à Lesdiguièr­es, nous étions venus chercher la qualificat­ion, alors que le FCG n’avait plus rien à jouer. Un grand moment ! Mais par la suite, le fait d’être allé voir ailleurs, notamment au Stade français, m’a fait évoluer. À 43 ans, il fallait bien que je passe à autre chose… Quand je suis allé à Rajon avec Oyonnax l’an dernier, j’ai eu un petit pincement au coeur, et je souhaite profondéme­nt que le CSBJ obtienne de bons résultats cette saison. Mais je suis désormais à Grenoble, et c’est ce club que je veux faire gagner. Le FCG, c’est tout sauf un club mort, dans une ville morte. C’est un club qui a une histoire, dans une ville de passionnés. »

LA « GUERRE DES ÉTOILES » DANS L’EN-BUT…

Il faut ici préciser que, pour Stéphane Glas, le FCG n’est pas un territoire inconnu. Et encore moins le stade Lesdiguièr­es où, depuis

tout jeune, le petit berjallien avait pris ses habitudes… « Dès mes premières tournois à l’école de rugby, je suis venu à Grenoble disputer des tournois à Bachelard, à Lesdiguièr­es… Ensuite, j’ai eu la chance de jouer des levers de rideaux du FCG, également d’assister à de superbes rencontres. Avec mon père, il nous arrivait souvent de descendre. J’ai le souvenir alors que j’avais une quinzaine d’années, d’un énorme

Grenoble — Toulon. Le stade était plein à ras bord, et nous avions eu l’autorisati­on exceptionn­elle d’assister au devant la main courante, couché dans l’en-but. » Et le regard ténébreux de Stéphane Glas de se perdre en direction de l’enbut « côté tennis », à une dizaine de mètres du poteau de coin. La nostalgie et l’émotion d’un vrai passionné à fleur de peau, à l’heure de se souvenir d’un match baptisé pour l’éternité « la guerre des étoiles » par le Midol d’alors. « J’étais ici. Il n’y avait pas de tribune derrière, à l’époque… Je me souviens, sur une action, avoir compté six joueurs grenoblois au sol. C’était un match énorme, un des plus intenses que j’ai jamais vus. J’étais loin d’imaginer que, presque trente ans plus tard, j’allais devenir l’entraîneur du FCG… » En effet, cette semaine, Stéphane Glas prendra ses nouveaux quartiers à Varces, au Sud de Grenoble. Tout sauf anecdotiqu­e pour celui qui, durant les quinze dernières années, s’était bâti à son corps défendant une existence de nomade. « Mon épouse Sophie était responsabl­e de l’entreprise que son père avait créée à Saint-Pierre-du-Boeuf. Déjà durant ma carrière de joueur, quand je suis parti à Paris, elle avait arrêté pendant deux ans, avant d’y retourner. Du coup, nous avions gardé notre maison à Solaize, et j’effectuais sans cesse des aller-retour. Mais au bout de trois ans, on en a forcément eu marre… »

LA FIN DE L’ERRANCE

Le point de départ d’une nouvelle vie, de l’autre côté de la barrière. « Je suis revenu dans la région, mais je ne pensais pas entraîner. C’est alors que Serge Marquet, un ami, m’a contacté avec Paul Grand pour m’occuper de Saint-Savin, en Fédérale 2. J’avais arrêté de jouer depuis un an, et je venais d’ouvrir un cabinet d’assurances à Morestel. Comme les entraîneme­nts à Saint-Savin n’avaient lieu que deux fois par semaine, je me suis dit : « Pourquoi ne pas replonger ? » Et deux ans plus tard, Fabien Galthié m’a appelé… Nous avions joué ensemble en équipe de France, puis au Stade français. Il m’a convaincu de le rejoindre là-bas, même si cela signifiait de renouer avec l’éloignemen­t… » Avec,

au final, les mêmes conséquenc­es… « Encore une fois, au bout de trois années à Montpellie­r, j’en avais marre des aller-retour. L’opportunit­é que m’a offerte Oyonnax me permettait de revenir près de la maison. Et un an après, mon épouse a arrêté… Depuis, nous n’avons plus cette contrainte de l’éloignemen­t. » Las, cette fois-ci, c’est pour une autre raison que l’aventure à l’USO prit fin, malgré une montée en Top 14.

« Lorsque les dirigeants ont signifié à Johann Authier qu’il ne serait pas conservé à l’issue de la saison, j’ai décidé me montrer solidaire. Je trouvais que le boulot était fait, et qu’il était injuste que Johann paie peul, alors que nous étions trois… C’est pourquoi j’ai préféré partir, moi aussi. » Une aubaine dans laquelle Franck Corrihons et Michel Martinez se sont immédiatem­ent engouffrés pour engager un entraîneur enfin libre comme l’air. « Et puis, Varces n’est pas si loin de Solaize, une grosse heure de route à peine… Du coup, je ne vais même pas mettre la maison en location. » Du Nord au Sud comme du Sud au Nord, avec Stéphane Glas, jamais les frontières iséroises n’ont désormais semblé aussi symbolique­s… ■

« Quand j’étais jeune, le derby, c’était quelque chose que je considérai­s comme un OLSaint-Étienne en foot ! […] Mais à 43 ans, on peut passer à autre chose… » Stéphane GLAS « Lorsque les dirigeants d’Oyonnax ont annoncé à Johann Authier qu’il ne serait pas conservé, j’ai décidé de me montrer solidaire. Le boulot était fait et je trouvais injuste le fait qu’il paie seul, alors que nous étions trois… » Stéphane GLAS

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