UNE SI RICHE PALETTE
LES BORDELAIS ONT RÉUSSI UNE REMONTÉE FANTASTIQUE EN MARQUANT QUATRE ESSAIS À TOULON. ILS ONT AINSI RÉVÉLÉ UN ARSENAL PLUS RICHE QU’ON NE LE SUPPOSAIT.
Pas facile de garder la tête froide après un après-midi aussi ébouriffant, magnifique et contrasté, riche de mille péripéties jusqu’à deux bourdes finales qui ont failli tout gâcher, deux ballons rendus au pied par Simon Hickey : « Oui, mais il n’aurait pas dû recevoir
le ballon » lâcha Jacques Brunel. Si l’on aime les statistiques, l’UBB sera félicitée pour sa remontée fantastique : battre Toulon après avoir accusé quinze points de retard, ce fut une montée d’adrénaline vertigineuse. Si l’on s’en tient au simple bilan comptable, l’UBB a arraché une troisième victoire consécutive comme elle le fit en novembre 2016, mais le contexte était différent. Les Bordelais espéraient alors franchement le top 6, cette saison, ils rivalisent de prudence. Mais ils n’ont pas pu ne pas remarquer que Brive, Oyonnax et Agen semblent « largués » en queue de peloton, ce qui les éloigne de la lutte pour le maintien. Alors, oui, ce succès contre le RCT ressemble à une ouverture vers de nouveaux horizons.
DES ATTAQUES AU LARGE COMME ON EN FAIT PLUS
Si l’on aime le « spectacle » on se repassera ces deux attaques de trois-quarts victorieuses en trois minutes, deux séries de passes au grand large, de la droite vers la gauche, comme des reliques du rugby d’un autre temps, quand on trouvait des espaces sur des inspirations fugaces et des gestes vifs, style gallois des années soixante-dix, quoi : la passe sautée de Serin pour Spence sur le premier (attaque placée) ; le premier service aux petits oignons de Barraque et la passe volleyée de Ducuing sur le second (un ballon de récupération après coup de pied adverse). « Nous étions sur une dynamique folle, celle de tout jouer pour revenir au score et réussir ces fameuses trois passes sur les extérieurs quand l’occasion se présentait, surtout sur des récupérations. Mais nous avions
l’intention de lâcher les chiens, » confiait Nans Ducuing. L’ironie de l’histoire, c’est qu’à la pause, les commentateurs avisés vilipendaient les Bordelais pour justement abuser du jeu « large-large » et s’offrir en pâture à la grosse défense toulonnaise, experte pour coffrer les attaquants adverses. C’était un peu différent du « nouveau jeu » prôné par le nouveau staff avec des off-loads près des zones de rucks. Mais peut-être que les Bordelais voulaient jouer l’effet de surprise et faire l’inverse de ce qui avait marché contre Montpellier. « Oui, nous voulions les prendre sur les largeurs et ils nous attendaient là-dessus. Mais au niveau de l’intensité nous n’étions pas performants. Alors, nous avons changé la donne en deuxième mi-temps, nous avons été plus agressifs à l’impact et nous avons recentré certaines choses. Nos avants n’étaient pas assez resserrés, nous avons compris qu’il fallait les défier dans le même intervalle, autour de Loann Goujon notamment. Quand il rentre et qu’il a du soutien, nous savions que ça pouvait passer. »
LE GRAND RETOUR DES MAULS
Et puis, l’entraîneur bordelais sourit légèrement : « Le tournant, ce fut quand même ce maul de la 51e, qui nous a ramenés à 18-18
et qui a provoqué un carton à l’adversaire. » Il aurait pu aussi rappeler que la deuxième attaque au large fut aussi la conséquence d’un maul qui fixa efficacement les défenseurs toulonnais, c’est pourquoi la passe sautée de Serin fut si efficace. Visiblement, Jacques Brunel n’était vraiment pas mécontent de l’utilisation de cette arme inattendue dans l’arsenal de l’UBB moderne. « Oui, c’est vrai nous avions fait très peu de mauls depuis le début de la saison. Peut-être zéro sur les quatre ou cinq premiers matchs mais nous en avions fait contre Oyonnax et nous
avons recommencé aujourd’hui… » Le manageur de l’UBB sait que son équipe sera obligatoirement très attendue puisqu’elle va camper pour quelques semaines dans les premières places. Mais il semblait fier de montrer que sa palette de « coups » n’était pas mince.