« Je veux rendre au rugby ce qu’il m’a donné »
VILIAMI MA’AFU - Troisième ligne d’Oyonnax SUR LES TERRAINS, LE TROISIÈME LIGNE INTERNATIONAL TONGUIEN EST RÉPUTÉ POUR SES QUALITÉS DE MENEUR, SA CAPACITÉ À S’ENGAGER. EN DEHORS, C’EST UN AUTRE VISAGE QUE PRÉSENTE CE JOUEUR TOUJOURS DANS LA RETENUE.
Reportage photographique : M. O. - Patrick Derewiany
Vous avez mené votre carrière sur trois continents. Qu’en retenez-vous ?
J’ai débuté ma carrière en Nouvelle-Zélande, puis j’ai passé deux saisons au Japon avant de rejoindre Oyonnax. Entre le Nouvelle Zélande et le Japon, il y a beaucoup de différence. Elles sont liées à la culture. Au Japon, les gens sont très respectueux, très polis, très réservés.
Cela vous correspond ?
J’ai effectivement un peu de mal à parler de moi, pas uniquement à cause du problème de la langue. C’est dans ma nature.
Et qu’avez-vous retenu de s cinq saisons passées en Nouvelle-Zélande avec les clubs de North Harbour et des Blues ?
Il y a beaucoup de similitudes avec la France, et en particulier avec Oyonnax. Ici j’ai retrouvé un peu les mêmes paysages avec les montagnes. À Oyonnax, j’ai un peu retrouvé de la Nouvelle-Zélande, cela fait cinq ans que je suis là. Je me sens bien dans ce club et dans cette région. Il n’y a pas l’agitation des grandes villes, c’est calme.
Depuis des années votre carrière de joueur professionnel vous a éloigné de Longolongo, votre ville natale aux Tonga. Comment le vivez-vous ?
Je suis comme tous les joueurs qui viennent du Pacifique, mon pays me manque. Je suis né, j’ai grandi aux Tonga. J’avais 18 ans quand ma famille a quitté Longolongo pour aller s’installer en NouvelleZélande. Quand je le peux, je retourne au Tonga voir mon père et les grands-parents. Les Tongas sont magnifiques, avec des plages de sable blanc… on ne peut qu’aimer.
Pour vous la famille semble très importante ?
Ma femme est originaire des Samoa et nous avons deux petites filles, de quatre ans et quatre mois qui sont donc nées en France. Elles comptent beaucoup pour moi. Dans nos traditions culturelles, la famille est un élément fondamental. Elle constitue une base. Etre joueur de rugby prend du temps, exige des sacrifices, ma famille est un véritable soutien pour moi.
La notion de groupe l’est aussi ?
Dans le rugby, c’est quelque chose de très important. C’est l’une des forces d’Oyonnax. Il y a beaucoup de solidarité entre les joueurs. C’est un club qui a un peu un esprit de famille et cela me convient.
Après trois saisons en Top 14, Oyonnax a dû repasser par le Pro D2. Comme l’avez-vous vécu ?
Nos trois saisons en Top 14 ont été très différentes. Après avoir été barragiste dès sa deuxième saison à ce niveau, le club a connu une saison très ardue au bout de laquelle il a été relégué. Il a fallu repartir en Pro D2 et cela a été difficile. Ce championnat est long. Il est dur. Atteindre notre objectif n’a pas été simple. Il a fallu beaucoup d’efforts, beaucoup de solidarité. Avoir réussi à le faire constitue une très grande satisfaction.
Cette réussite justifie l’Oscar qui vous est attribué. Quelle valeur a-t-il pour vous ?
Je suis un peu timide, j’ai un peu de mal à parler. J’ai grandi comme ça. Me retrouver à l’honneur n’est pas évident. J’ai un peu eu le sentiment que c’était mon anniversaire. Cette récompense m’a été remise, mais elle a tout le groupe qui la saison passée a permis que le club d’Oyonnax retrouve sa place en Top 14.
À 35 ans comment envisagez-vous la suite de votre carrière ?
J’espère pouvoir jouer encore un peu, continuer à apporter à mon équipe, à mon club. Mais je sais qu’à un moment ma carrière de joueur s’arrêtera. Depuis des années le rugby m’a beaucoup apporté et j’ai toujours été convaincu qu’un jour je pourrai lui rendre un peu de ce qu’il m’a donné. Mon souhait est de pouvoir rester dans ce monde du rugby que je ne serai plus joueur. J’y a ai déjà pensé, je me vois bien devenir entraîneur. J’ai une expérience de joueur, mais il me manque les qualifications pour devenir entraîneur. J’ai envie de me former. C’est quelque chose que je veux faire.