Le médicament gersois
Pour guérir de la déprime ovale qui nous touche tous et toutes, le président Laporte et le docteur Simon ont décidé de nous prescrire un médicament gersois : Jacques Brunel. Cela est très écologique, nous sommes en pays auscitain avec les valeurs essentielles du rugby des villages. Son discours, coloré par son bel accent nous fait comprendre que si son riche CV est moins riche que celui de Guy Novès, le plus imposant de tous, sa trajectoire comporte tout à la fois la collaboration avec Bernard Laporte au sein de l’équipe de France (où de manière paradoxale, lui l’ancien trois-quarts s’occupera des avants) mais aussi le titre avec les Catalans et Paul Goze. Peut-être est-il l’homme de la réconciliation entre la Fédération et la Ligue à cause de ses relations personnelles et amicales (les images d’éclats de rire lors d’un repas avec Paul Goze en étant la preuve). Il y puise sa légitimité en attendant de nous prouver sa force. Une autre caractéristique paraît le définir, il décline avec une modestie réelle ou maîtrisée qu’il est à l’origine, du fait de sa longue carrière de la formation, de la sélection d’un grand nombre de joueurs dont certains sont devenus entraîneurs de clubs du Top 14. Galthié en est l’exemple le plus abouti. Mais cette bonhomie sereine ne l’empêche pas de dire que Picamoles n’en fait pas assez pour être sélectionné. Son credo, c’est la proposition d’intensité et de vitesse (on ne peut que penser que mêlée, touche, défense et jeu aux pieds sont le socle classique de l’entraîneur). On voit que ses choix et notamment la vitesse sont en cohérence avec ses propos. On a compris que selon toute vraisemblance Parra sera capitaine. Pour son talent, sa capacité à diriger le jeu mais aussi que l’on ne l’a pas vu en sélection sous l’ère précédente. Il expliquera son choix à Guirado et là encore il a été son entraîneur à Perpignan et maintenant entraîneur du XV de France on se range, les joueurs, à ses avis. Si l’on revient à toutes les rencontres vécues pendant sa longue carrière, on comprend bien son choix du jeune ouvreur de Bègles, Mathieu Jalibert, dont le talent est évident. Finalement Brunel est fidèle à sa vie rugbystique : il offre la chance à un joueur doué de progresser encore plus. La chance du rugby français consiste, c’est vrai, qu’après la flopée de talents en 9, nous avons 5 ou 6 jeunes ouvreurs qui portent nos espérances. Pas de grande équipe sans grand ouvreur. Voilà le pari immense qui pèse sur Jalibert et Belleau. Il affiche une sérénité sur son avenir, Jacques Brunel, il conclut une interview par un « je reviendrai » comme notre président Macron en Chine. En fin connaisseur, il affirme, il a bien raison, l’importance du Tournoi, surtout dit-il dans la configuration apparemment favorable des réceptions des favoris habituels : l’Irlande et l’Angleterre. Avec la réception aussi de l’Italie (qu’il a entraîné des années et Parisse nous a dit tout le bien qu’il pense de lui) qui devrait bien se passer. Si, avec finesse et classicisme, il nous propose que c’est aux joueurs de s’emparer du jeu. Il n’évitera pas le diktat des résultats et la nécessité de victoires. Son aspect consensuel n’a pas permis de mettre en place la proposition que des entraîneurs l’accompagne lors du Tournoi. Il en invitera donc quelques-uns deux jours avec l’équipe (ses plus proches sans doute). Et il compense cette relative distance en citant Mignoni et Azema notamment dont il écouterait les avis. Il y a de la malice de maquignon chez lui. On peut donc trouver que le médicament gersois est apaisant, peut calmer notre déprime. Mais dans toutes les pathologies, on redoute la rechute, les récidives. Apollinaire nous dit : « Et comme la vie est lente et comme l’espérance est violente. » Alors il faudra que très vite on bénéficie des effets favorables de cette thérapie.Vite, très vite : contre l’Irlande (qui rêve de nous enfoncer). Mais restons optimistes et que le rugby des campagnes vienne emballer le rugby national. Que risquet-on à la confiance de la prescription d’un nouvel entraîneur ?