Vincent Clerc, un monstre s’en va
MARDI, L’AILIER A OFFICIALISÉ UN SECRET DE POLICHINELLE. À L’INSTAR DES MICHALAK, FRITZ OU ROUGERIE ET À BIENTÔT 37 ANS, « CHICKEN » VA EN EFFET METTRE UN TERME À UNE FANTASTIQUE CARRIÈRE QUI L’AURA VU TUTOYER TOUS LES RECORDS D’ESSAIS AUX NIVEAUX FRANÇAI
On ne naît pas compétiteur, on le devient. Dans le cas de Vincent Clerc, c’est sur un lit d’hôpital, après une péritonite qui avait dégénéré en septicémie, que son destin s’est forgé. « Vers ses 18 ans, il a vraiment failli mourir, nous avait un jour confié Florence, sa maman. Lorsqu’il est ressorti après son hospitalisation, il avait perdu 12 kilos. Il était maigre, méconnaissable, mais beaucoup plus fort mentalement. Jamais il n’avait pensé qu’il aurait pu partir. C’est à ce moment qu’il s’est forgé cette détermination, ce caractère de compétiteur. » Ce mental hors normes, propre à ceux qui ont regardé la mort dans les yeux. Et plus prosaïquement ce tempérament de chasseur d’essais, qui fut sa marque de fabrique pendant vingt ans... Car s’il est probablement injuste de réduire Vincent Clerc à cette étiquette au regard de ses qualités de rugbyman, difficile d’envisager sa postérité sous un autre angle. C’est en effet bien cette attirance instinctive de la ligne qui lui permit de se faire une place dès sa première saison au Stade toulousain, alors l’effectif le plus large d’Europe, alors que certains à Grenoble n’imaginaient pas le voir disputer une poignée de matchs en équipe première...
170 ESSAIS AU PLUS HAUT NIVEAU
Un instinct qui lui offrit par la suite de demeurer longtemps le recordman d’essais en Coupe d’Europe et d’égaler celui de Laurent Arbo en championnat. Un instinct qui fit de lui, tout simplement, un des plus prolifiques ailiers que le XV de France ait connu, juste derrière la légende Blanco et ses 38 essais, et le meilleur marqueur de l’histoire des Bleus en Coupe du monde. Le plus incroyable ? C’est que toutes ces performances ponctuées de 170 essais au plus haut niveau,Vincent Clerc les a accumulées malgré quasiment quatre années blanches, fruits de deux ruptures des ligaments croisés et deux tendons d’Achille, dont la dernière, voilà un an quasiment jour pour jour. « Quand c’est arrivé, j’avais l’intention de tout arrêter, avouait-il mardi dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Mais au fond de moi j’avais l’impression que l’histoire n’était pas finie, qu’il y avait encore un chapitre à écrire. » Mission accomplie le 10 mars dernier contre Agen, avec ce fameux centième essai en Top 14 dont les oreilles lui étaient rebattues, jusqu’à l’overdose…
« JE VEUX ALLER CHERCHER ENCORE UN TITRE »
L’ultime ? On peut craindre que oui, au vu de la terrible concurrence au RCT matérialisée par les Radradra,Tuisova, Pietersen ou Ashton, l’homme qui le déposséda cette saison de son record d’essais en Coupe d’Europe. Reste que marquer n’est après tout pas le seul boulot de l’ailier, ainsi que la défaite des Toulonnais au Munster le leur a rappelé. De fait, la solidité, l’expérience et la sécurité apportées par Clerc pourront-elles constituer des arguments suffisants pour inciter Fabien Galthié de lui offrir une chance en vue des phases finales ? « Je suis prêt, je veux encore aller chercher un titre, a ainsi assuré l’ancien Toulousain, déjà fort de trois Brennus et d’autant de Coupes d’Europe. Même si l’idée d’arrêter fait peur, parce que je me rends compte que j’ai toujours la même excitation. J’ai vécu un rêve de gamin… » Un rêve désormais presque passé, que rien ne pourra jamais égaler, fut-ce un rôle de consultant télé ou une place de choix parmi le jury de Miss France. Vincent Clerc le sait bien, qui souhaite encore prolonger le plaisir du terrain. Et nous, d’en profiter. Encore un peu…