« On leur réserve notre meilleure cartouche »
En tant qu’ancien Munsterman, que représente, à vos yeux, cet affrontement face au Leinster ?
J’ai passé treize années de ma vie au Munster et la rivalité qui persiste entre les deux provinces dépasse tout ce qui peut exister ailleurs. En 2009, je revois d’ailleurs les 80 000 personnes massées à Croke Park (le stade des jeux gaéliques à Dublin) pour la demifinale de Coupe d’Europe, gagnée par le Leinster (25-6). Je n’avais jamais vu une telle ambiance. La rivalité entre les mecs de la ville et ceux de la campagne, comme ils aimaient alors nous décrire, avait alors été portée à son paroxysme. Vous savez, on parle beaucoup de l’armée rouge et des supporters du Munster mais, croyez-moi, ceux du Leinster sont tout aussi bruyants et nombreux…
Quels sont les joueurs clés du Leinster ?
Leurs joueurs clés ? Vous avez deux heures ? (rires) Au milieu du terrain, Robbie Henshaw et Gary Ringrose forment une extraordinaire paire de centres, à la fois puissante et rapide. À l’arrière, Rob Kearney serait capable d’attraper un ballon à trois mètres de hauteur, tellement il est fort sous les chandelles. En deuxième ligne, James Ryan a été brillant pendant le Tournoi des 6 nations : très actif, très dur. […] Chez eux, le maître de la touche et des renvois s’appelle Devin Toner (2,10 m). Après avoir gagné deux Grands Chelems et trois Coupes d’Europe, il est aujourd’hui le deuxième ligne le plus titré du monde. Mais le meilleur joueur de l’équipe du Leinster, et peut-être même du monde, c’est actuellement le pilier droit Furlong. Tadhg est un incroyable athlète, capable d’enchaîner, sans faiblir, plusieurs matchs de très haut niveau. Et il n’a que 25 ans… En clair, les Leinstermen sont favoris pour cette finale mais on leur offrira notre meilleure cartouche.
Que mettre en place afin de répondre à cette équipe de niveau international ?
Il nous faudra canaliser leur agressivité dans les rucks et y répondre, surtout. En demi-finale face aux Scarlets (38-16), les avants du Leinster ont, par exemple, réduit à néant l’influence du deuxième ligne Tadhg Beirne, qui était, jusque-là, le meilleur
gratteur de la compétition et avait pourri la vie de nombreuses équipes, avant de croiser la route du Leinster. Sean Cronin, Jack McGrath ou Devin Toner sont tous très forts sur les déblayages. à nous d’arriver avant eux sur les zones de contact…
On dit généralement que les provinces irlandaises font de la Coupe d’Europe leur priorité, délaissant délibérément la phase régulière de Ligue celte. Êtes-vous d’accord avec ce point de vue ?
Il y a encore trois ans, ce que vous dites était vrai. Mais le règlement de la Ligue celte a beaucoup changé et, avec lui, les modes de préparation des provinces irlandaises. Pour être qualifié en Champions Cup, il faut désormais faire partie des six premiers du classement de la Ligue celte. Si ce n’est pas le cas, tu dis adieu à une énorme manne financière, que ce soit au niveau des affluences ou des droits télés. Je me revois d’ailleurs, il y a deux ans, batailler jusqu’à la dernière journée de Ligue celte avec le Munster pour arracher cette qualification européenne…
Stuart Lancaster, l’ancien patron du XV de la Rose, a dernièrement rejoint le Leinster pour y épauler Leo Cullen. Qu’a-t-il apporté à cette équipe ?
La patte de Stuart Lancaster se remarque avant tout sur la condition physique des joueurs. Je sais, par exemple, que depuis son arrivée à Dublin (2016), il a imposé des séances à très haute intensité en fin de semaine. Ces sessions sont tellement rapides et exigeantes qu’après ça, les joueurs ont l’impression que les matchs se disputent au ralenti. Dans les situations éprouvantes, leur cerveau répond également beaucoup mieux à l’adversité. En clair, Lancaster les a métamorphosés.
« Il nous faudra canaliser leur agressivité dans les rucks et y répondre, surtout. » Donnacha RYAN, deuxième ligne du Racing 92