UN MUR POUR RIEN
HÉROÏQUES ET INTRAITABLES EN DÉFENSE, LES RACINGMEN ONT CONFIRMÉ QU’ILS POSSÉDAIENT BIEN LE MEILLEUR SYSTÈME DÉFENSIF D’EUROPE. SAUF QUE SON EFFICACITÉ A FINI PAR ÊTRE GÂCHÉE PAR DES ERREURS INDIVIDUELLES…
Le Racing 92 n’est peut-être pas champion d’Europe, mais il peut se targuer d’avoir la meilleure défense du Vieux continent. Pourquoi ? Parce qu’avant le match, les Racingmen égalaient déjà les Irlandais dans le nombre moyen d’essais encaissés par match sur l’ensemble de la compétition (1,8). Un score qui faisait des deux équipes les références absolues du secteur pour cette édition 2017-2018. Cette finale devait donc faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre… et elle le fit, d’abord en faveur du Racing. Dans les chiffres au premier plan, puisque les Ciel et Blanc, emmenés par leurs leaders de combat tels que Wenceslas Lauret, Camille Chat, Donnacha Ryan devant ou encore le très valeureux Henry Chavancy derrière, ont affiché un score de 93 % de plaquages réussis sur la rencontre, avec seulement dix échecs sur les 129 tentatives. En face, le Leinster a légèrement moins plaqué (115 interventions) mais a commis le même nombre de fautes (10), expliquant donc une statistique inférieure de 92 % de réussite.
Mais au-delà de ces chiffres, c’est surtout la physionomie du match qui nous montre à quel point les Racingmen ont étouffé les Irlandais. Réputés et craints partout en Europe pour leurs lancements sur les phases statiques qu’ils exécutent avec une rapidité et une précision redoutables, les Leinstermen n’ont jamais été en mesure de mettre leur jeu en place. Une première dans une saison au cours de laquelle ils ont littéralement écrasé leurs adversaires avec leur puissance de feu offensive.
Surveillés comme le lait sur le feu par Donnacha Ryan (qui les connaît mieux que tout autre Racingman) et Henry Chavancy qui a parfaitement conduit sa ligne d’attaque, les Leinstermen se sont littéralement heurtés à un mur. « Habituellement, nous préférons déborder nos adversaires par la vitesse, l’évitement, les combinaisons derrière, racontait Jonathan Sexton à l’issue de la rencontre. Aujourd’hui, nous n’avons rien fait de tout cela ! Je me demande même si nous avons franchi une seule fois le rideau. Le Racing nous a vraiment imposé une sacrée défense. » L’ouvreur irlandais n’est pas très loin de la réalité puisque ses coéquipiers n’ont franchi le mur francilien qu’à deux reprises en 80 minutes. Un bilan proprement famélique pour la meilleure attaque de la compétition. Un fait si inhabituel qu’il inquiéta le manager Leo Cullen en cours de match : «Le Racing nous imposait une défense énorme, un jeu d’occupation, à tel point que nous n’avons jamais pu développer notre jeu. C’était même terriblement frustrant parfois, et surtout très dur pour mes nerfs car les Racingmen menaient au score. Les vingt dernières minutes ont été terribles à vivre. »
CES ERREURS QUI ONT COÛTÉ LE MATCH
Seulement voilà, défendre sa ligne d’avantage comme un damné ne suffit pas à remporter un match du niveau d’une finale de Coupe d’Europe. Pour le faire, il faut aussi commettre le moins d’erreurs possible, ou s’arranger pour que cellesci coûtent le moins cher possible. Et c’est là où l’on trouve le fossé qui sépare les deux équipes. Au-delà du fait qu’ils se sont montrés déjà plus disciplinés que les Franciliens (10 pénalités contre 13), les Irlandais ont aussi commis des fautes moins lourdes de conséquences, à l’image de cette fin de match où Virimi Vakatawa souleva Rob Kearney, ou encore cette position de hors-jeu qui offrit la pénalité de la gagne à Isa Nacewa. Et l’on ne parle même pas de l’immense bourde de Teddy Thomas, qui gâcha un ballon contré en touche par Leone Nakarawa pour le relancer et finir en touche dans son camp… Malgré toutes ces erreurs, les Racingmen étaient dans la course. Et Rémi Tales avait même le drop de l’égalisation au bout du pied, à la faveur d’un ultime renvoi récupéré par l’aérien Baptiste Chouzenoux. Mais là encore, l’ouvreur manqua totalement sa cible. Logiquement touché par cet échec, Tales passa un long moment dans les vestiaires avec Marc Andreu et Teddy Thomas. Mais eu le courage d’assumer son échec face caméra : « Je savais que j’allais devoir taper. Nous l’avions annoncé avec Teddy et nous l’avons préparé du mieux possible. Mais les Irlandais sont montés très vite sur moi et j’ai voulu le taper vite pour ne pas me faire contrer. Résultat, mes épaules tournent trop au lieu de rester fixes et face aux poteaux, et le ballon part totalement à gauche. C’est cruel, car j’avais à coeur d’égaliser. J’avais la balle de la prolongation, je l’ai manquée. C’est dur, car nous ne sommes pas passés loin. » Ce drop, Jonathan Sexton l’avait réussi quelques mois plus tôt. Dans des conditions similaires, au Stade de France face à la France lors du Tournoi et avait donné la victoire à son équipe. Le constat est dur, mais il montre ce qu’exige un Grand chelem… Ou un titre de champion d’Europe.