Midi Olympique

« Il reste un titre à aller chercher ! »

PROPULSÉ CHEF D’ORCHESTRE LE JOUR OÙ MAXIME MACHENAUD S’EST BLESSÉ À UN GENOU, TEDDY IRIBAREN FUT, AVEC HENRY CHAVANCY ET YANNICK NYANGA, LE MEILLEUR RACINGMAN DE LA FINALE À BILBAO.

- Propos recueillis à Bilbao par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Vous avez participé samedi soir à la première finale de Coupe d’Europe de votre carrière. Qu’en avez-vous pensé ?

Sur la globalité du match, nous avions la légitimité de gagner cette finale. D’un autre côté, on ne peut pas non plus dire que la victoire du Leinster est un vol. Cette rencontre me laisse donc un drôle de goût dans la bouche…

Pourquoi ?

Nous menons pendant soixante-dix minutes puis, soudain, tout s’effondre et nous encaissons deux pénalités d’Isa Nacewa. Je ne vais pas revenir sur le fait que les grands matchs se jouent sur la discipline et les détails. Voilà, ça s’est une nouvelle fois confirmé… Et ça me met en rogne !

À ce point ?

Si nous n’avions pas été aussi indiscipli­nés, le Leinster aurait pu attaquer jusqu’à demain, il n’aurait jamais franchi notre défense. C’est pourtant la meilleure attaque de la compétitio­n.

À ce propos, on vous a vu leur couper systématiq­uement les extérieurs. Était-ce délibéré ?

Non. C’est notre système défensif qui veut ça. On monte fort, en bloc, ensemble. Et on agresse les porteurs de balle adverses.

Sur les ballons hauts, vous avez souffert de la comparaiso­n avec les Irlandais...

Nous n’avons pas été défaillant­s dans ce secteur de jeu. Quand nous faisions tomber le ballon, il y avait toujours un copain pour le récupérer. Bon an, mal an, je trouve que nous nous en sommes bien sortis.

On vous a vu en larmes,juste après la rencontre…

(Il coupe) Comment aurait-il pu en être autrement ? Nous sommes deuxièmes. Et personne ne se souvient jamais des deuxièmes…

Est-ce la plus grosse désillusio­n de votre jeune carrière ?

Largement, oui. Jusqu’ici, je n’avais jamais trop connu de phase finale mis à part avec

Brive l’an passé en Challenge européen. Mais avec le CABCL, nous n’avions pas existé à Bath (34-20). Alors c’était probableme­nt plus facile à digérer que cette finale perdue avec si peu d’écart au score...

Qui a parlé dans les vestiaires ?

Après la rencontre, le président (Jacky Lorenzetti, N.D.L.R.) a eu des mots réconforta­nts. Il nous a dit que nous pouvions être fiers de nous. Il nous a aussi demandé de relever la tête. Après tout, il reste une demi-finale, une possible finale et, surtout, un titre à aller chercher.

Est-il réellement possible d’évacuer cette frustratio­n ?

Là, tout de suite, je ne sais pas… C’est dur… Je crois qu’il nous faudra quelques jours…

À Bilbao, vous avez remplacé Maxime Machenaud, l’habituel capitaine du Racing. Dans ce contexte, comment aviez-vous abordé la rencontre ?

Avec un peu de pression, je ne vous le cache pas. L’événement, le stade, le monde, ça change un peu la donne. Mais à San Mamès, j’ai juste essayé de jouer mon rugby, d’être moi-même. J’ai décidé de prendre le jeu à mon compte, en utilisant mon pied gauche, histoire de les acculer au maximum.

« Maxime a fait tout le boulot et c’est moi qui me suis retrouvé à San Mamès. Nous avons beaucoup discuté tous les deux avant cette rencontre… »

Maxime Machenaud est connu comme l’un des meilleurs défenseurs du Racing. Avez-vous fait évoluer votre jeu pour compenser son absence ?

Non. Les avants se sont simplement adaptés à ma présence sur le terrain. Maxime se place beaucoup en premier rideau quand il défend. Moi, je préfère me positionne­r en couverture, au fond du terrain. À Bilbao, ça permettait d’ailleurs de fermer la porte à Johnny Sexton, qui en général use et abuse des coups de pied par-dessus.

Quelle était la stratégie du Racing à Bilbao ?

Vu les conditions climatique­s et la pluie battante, nous voulions maintenir les Irlandais sous pression par du jeu au pied et une grosse défense. Cette stratégie était la bonne. Elle a d’ailleurs fonctionné soixante-dix minutes. Maintenant, je comprends que les spectateur­s, les téléspecta­teurs et même certains joueurs aient pu trouver ça frustrant…

Racontez-nous la dernière action du match, celle qui prépare le drop raté de Rémi Tales. Que se passe-t-il alors ?

Je me pose la même question que vous… Le but des pick and go était de fixer les défenseurs adverses mais sans en faire trop, pour ne pas faire tomber la dernière munition ou s’exposer à une pénalité. En face, le Leinster était bien en place, très discipliné. Au moment où nous nous sommes approchés de leurs 22 mètres, je ne sentais pas venir la pénalité : j’ai donc décidé de passer la balle à Talo (Rémi Tales). Il fallait tenter ce drop.

Finalement, ne pensez-vous pas que perdre Dan Carter puis Pat Lambie fut insurmonta­ble ?

Non. Nous avions prévu diverses options. Tous les cas de figure, même les pires, avaient été évoquées par les coachs. […] Avant d’arriver au stade, nous savions que Dan avait mal à l’ischiojamb­ier et devait se tester à l’échauffeme­nt. Nous étions donc préparés au fait qu’il ne puisse pas jouer cette finale. Et puis, Rémi Tales avait suffisamme­nt de vécu au plus haut niveau pour répondre à l’urgence.

En quoi Rémi Tales et Pat Lambie ont-ils des profils différents ?

Pat prend davantage le jeu à son compte. Il aime que la conduite du jeu passe essentiell­ement par lui. De son côté, Rémi délègue plus à son demi de mêlée. Il se repose davantage sur lui.

Avant de disputer cette finale, vous disiez ne pas vous sentir légitime en tant que titulaire. Pourquoi donc ?

Jusqu’ici, Maxime (Machenaud) avait disputé tous les matchs de Coupe d’Europe et aurait donc dû jouer le dernier. En gros, il a fait tout le boulot et c’est moi qui me suis retrouvé à San Mamès. On a beaucoup discuté tous les deux avant cette rencontre. Je crois qu’il avait besoin d’évacuer par les mots une partie de sa frustratio­n.

À Bilbao, vous avez passé quatre tirs au but sur cinq tentés. Était-il prévu, avant même que ne survienne la blessure de Pat Lambie, que vous seriez chargé de frapper ?

Oui, tout simplement parce que Pat sentait une légère pointe au niveau de son adducteur. J’ai toujours buté. Cela ne m’a jamais posé problème.

« Moi, je préfère me positionne­r en couverture, au fond du terrain. À Bilbao, ça permettait d’ailleurs de fermer la porte à Johnny Sexton, qui en général use et abuse des coups de pied par-dessus.

Vous avez quitté la pelouse avant que les Leinsterme­n ne soulèvent le trophée. Pourquoi ?

Je suis un peu mauvais perdant. Et le fait que ce match se soit disputé au Pays basque n’a fait qu’ajouter de la frustratio­n. Le Pays basque, c’est mon sang, mes racines. J’ai beau être né à Toulouse, je m’appelle Iribaren, je vous rappelle…

Il vous reste quinze jours avant la demi-finale de Top 14 à Lyon. Comment allez-vous parvenir à vous remobilise­r ?

Il n’y a pas à se remobilise­r puisque nous serons sur le terrain pour disputer une demi-finale ! L’évènement se suffit à lui-même, vous ne croyez pas ? On a vraiment décidé de dissocier Champions Cup et Top 14. Alors, on tourne la page et on passe à autre chose. On va mettre un short, un maillot et on va la jouer, cette demi-finale !

Vous portez encore au visage de sérieuses ecchymoses. Le combat a-t-il été à ce point intense ?

Je suis passé entre les gouttes pendant quasiment tout le match. Puis à la 71e, j’ai reçu un coup de crampon sur le haut du visage. C’est la loi du sport… ■

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Photos Midi Olympique - Patric wiany
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