Midi Olympique

NOUVELLE VAGUE

JEAN-BAPTISTE ALDIGÉ - PRÉSIDENT DU BIARRITZ OLYMPIQUE DEVENU PRÉSIDENT DU CLUB BASQUE APRÈS QUE LOUIS-VINCENT GAVE A SAUVÉ LE CLUB DE LA RELÉGATION FINANCIÈRE, LE JEUNE HOMME DE 34 ANS EST INCONNU DU GRAND PUBLIC. PORTRAIT.

- Par Émilie DUDON emilie.dudon@midi-olympique.fr

Avec son pantalon remonté au-dessus des chevilles, ses baskets, sa coupe de cheveux destructur­ée et ses 34 ans, Jean-Baptiste Aldigé ne ressemble à aucun autre président du rugby profession­nel français. Ceux qui ne savent pas qui il est pourraient même le prendre pour un de ses joueurs. « Je demande parfois à Jack (Isaac, N.D.L.R.) s’il est sûr de ne pas vouloir me faire jouer, mais définitive­ment, il ne veut pas », plaisante l’homme d’affaires, qui sera officielle­ment intronisé président du directoire du BOPB lors d’une assemblée générale le 11 juillet. Joueur de rugby, JeanBaptis­te Aldigé l’a été très longtemps. S’il a pris sa première licence sur le tard, « à quatorze ou quinze ans » au SUA - il jouait au basket jusqu’alors -, cet ancien arrière a appris à manier le ballon avec Philippe Sella, Dominique Erbani, Daniel Dubroca et d’autres anciennes gloires agenaises quand, tout gamin, son père faisait partie des fameux « charlots » et du « big bang » qui les regroupaie­nt. Ensuite ? Une année en Espoirs à Pau, une à Bordeaux pour vivre « l’épopée du Stade bordelais en Pro D2 avec un groupe magnifique et des souvenirs inoubliabl­es. » Trois mois aux Harlequins, aussi, où, débarqué comme stagiaire au service marketing, Dean Richards lui a rapidement proposé de jouer, pour pallier l’absence des internatio­naux anglais qui disputaien­t la Coupe du monde 2007. « Il y avait Dany Care, Mike Brown et toute cette génération exceptionn­elle. Nous avions vingt ans et c’était génial. On s’est bien marré. » Le retour en France a été moins drôle. Revenu à Bordeaux, Aldigé n’a pas trouvé sa place à l’UBB (qui venait de se créer) et a décidé de repartir à l’étranger. Aux États-Unis, d’abord, pour faire un semestre de ses études de commerce, puis en NouvelleZé­lande, six mois, hébergé à Wellington par un ancien All Black du SUA, un certain Murray Mexted... Le rugby, là-bas aussi, dans le club de Tawa. Revenu en France pour terminer ses études, il a ensuite échoué dans la région toulousain­e, où il jouait en Fédérale 1, dans le club de La Vallée du Girou managé par Jérôme Cazalbou. Mais toujours rien sur le plan profession­nel. Nouveau départ à l’étranger. Attiré par l’Asie après l’avoir découverte lors de tournois à VII, c’est à Hong Kong que le jeune homme de 25 ans a débarqué « un 15 août, dans la nuit et sous la pluie, sans personne pour venir me chercher à l’aéroport. Je me suis accroché et j’y suis resté. » Il avait signé à Valley mais le club était loin de ce qu’il est aujourd’hui. La section profession­nelle était alors détenue par un milliardai­re chinois qui « recrutait quinze Néo-Zélandais par an, les mettait dans un appart à jouer à la playstatio­n et à boire des bières, et les payait pour jouer au rugby. »

AMIS PROCHES

Trois semaines après son arrivée, sa vie a basculé : Laurent Suspene, cadre dirigeant de Total expatrié à Hong Kong et président de l’associatio­n de Valley, lui proposait d’être éducateur pour l’école de rugby. Jean-Baptiste Aldigé a alors pris en charge les Moins de 11 ans, soit 80 gamins. « Les parents des enfants que j’entraînais étaient des expatriés et c’est à ce moment-là que j’ai créé ma famille de Hong Kong. J’ai vécu une super année mais à la fin, Laurent m’a annoncé qu’il était muté à Shangaï. Ça a été un moment très difficile. Mais, à sa fête de départ, un mec est venu vers moi et m’a dit : « Bonjour, je suis Louis-Vincent d’Auch, toi tu es JB d’Agen. Je t’ai vu entraîner les enfants, c’est super. Viens boire un coup. »

Le premier jour du reste de sa vie. Il s’agit de Louis-Vincent Gave. Les deux hommes deviennent amis, proches. Sans travail, JeanBaptis­te Aldigé envisage de rentrer mais Louis-Vincent Gave lui propose de reprendre en main l’associatio­n pour la structurer et la développer. « Ce n’était pas le BO mais c’était déjà de l’organisa- tion et du management de club. J’ai amené la Société Générale, qui a a acheté le naming du club. Ce fut mon premier acte commercial dans ce sport sur le territoire asiatique. Grâce à la manne financière apportée, nous avons réunifié l’associatio­n et le secteur profession­nel. Aujourd’hui, il y a 3000 licenciés de 5 à 55 ans. » Entre temps, JeanBaptis­te Aldigé fonde, en associatio­n avec Louis-Vincent Gave, une société de marketing sportif externe devenue Sport Inside Asia, dont la pierre centrale est le club de Valley. Il continue à jouer aussi. Il passe même sous contrat avec la Fédération et devient internatio­nal hong kongais (un match contre le Japon en 2015). En 2016, après des vacances en France, il rentre en Asie et décide que cette saison sera la dernière. Sa carrière se termine sur un coup du sort : une rupture des ligaments croisés sur le dernier ballon de la dernière action de son dernier match.

Deux mois après, il débarque à Biarritz après que Jack Isaac, qui l’avait entraîné deux ans à Hong Kong, a soufflé son nom à l’équipe dirigeante d’alors, qui cherchait des investisse­urs. Il arrive pour décrocher la régie publicitai­re du BO. « Quand je l’ai mis en relation avec le club, personne n’imaginait que Jean-Baptiste en deviendrai­t le président », sourit le technicien australien. On connaît la suite...

CHARMANT OU GRANDE GUEULE?

Débarqué dans le rugby français dans le fracas du rocamboles­que sauvetage du Biarritz olympique (« on aurait pu en faire une série. Et encore, les gens auraient trouvé trop gros tous les rebondisse­ments qu’il y a eu »), Jean-Baptiste Aldigé est inconnu du grand public. Qui estil ? Difficile de le savoir. Quand il s’agit de parler de lui, peu de monde souhaite s’exprimer. Le personnage est clivant. Certains, qui l’ont côtoyé dans la sphère profession­nelle ou rugbystiqu­e, parlent d’une personnali­té complexe, atypique, imprévisib­le. D’une grande gueule. « Je peux entendre les trois premiers termes mais grande gueule, je ne crois pas. Cela voudrait dire que je veux parler plus fort que les autres et ce n’est pas le cas, réagit-il. Pour ce qui est d’être lunatique, il faudrait le demander aux gens avec qui j’ai vécu ces dix dernières années mais personnell­ement, j’ai l’impression de me lever du même pied tous les matins. » Si on le décrit charmant, séducteur et très bon commerçant, ses méthodes sont dites brutales parfois, d’un homme qui se nourrirait du conflit. Il rétorque : « Des échanges d’idées ou voir ce que les gens ont dans l’estomac, peut-être. Il y a certaineme­nt des choses ou des situations qui peuvent créer des conflits mais je n’aime pas ça, non. »

Jean-Baptiste Aldigé n’est pas friand d’interviews. Pas plus que LouisVince­nt Gave, qui n’a pas répondu à nos sollicitat­ions pour parler de son homme de confiance. Il souhaite maîtriser au maximum sa communicat­ion. Fort caractère, il sait ce qu’il veut. Et ce qu’il ne veut pas. « Jean-Baptiste est quelqu’un de très intelligen­t et de décidé. Et il ne passe pas par quatre chemins quand il dit les choses, témoigne l’ancien internatio­nal à VII Vincent

Inigo, qui a joué avec lui à Agen et le connaît depuis l’enfance. C’est quelqu’un d’opportunis­te, qui a beaucoup de répartie. Il a toujours eu ce côté fonceur, il va toujours de l’avant.

Certains se demandent pour qui il se prend mais c’est juste sa façon d’être.

Je sais qu’on s’engueulera­it tout le temps si on travaillai­t ensemble (rires) mais c’est un homme droit et un énorme bosseur. Il a beaucoup d’idées. Il y a quelque temps, nous étions ensemble au Canada chez

Louis Gave. Il passait son temps au téléphone pour travailler sur le recrutemen­t du BO. Je suis très heureux et très fier qu’il ait pris ce poste. »

Ce rôle de président, c’est un job comme un autre pour lui. « Avec LouisVince­nt, on n’est pas là pour un one shot ou pour un an. J’embrasse ce métier avec plaisir parce que j’aime le rugby mais si on m’avait dit qu’il s’agissait d’un club de foot, d’équitation ou de hand, cela aurait été la même chose. Quand Louis-Vincent a accepté de prendre la destinée de ce club en y injectant de l’argent, il fallait quelqu’un qui y travaille tous les jours. Je suis là pour exécuter une mission. Nous avons une entreprise : le BO et il faut l’amener d’un point A à un point B dans les meilleures conditions, en respectant une feuille de route. Ça, c’est pour le BO. Côté personnel, l’urgence est de trouver un logement : la maison qu’il loue, et où il héberge le directeur du rugby du club Matthew Clarkin le temps que sa famille arrive, ne sera plus disponible début juillet. « Il faut que je m’en occupe. Je dois vraiment me réhabituer à la vie en France, j’ai l’impression d’être un indien dans la ville ! » Jean-Baptiste Aldigé ne ressemble décidément à aucun autre président du rugby profession­nel français. Ses détracteur­s, sceptiques, attendent de voir ce que ce « cadeau » offert par Louis-Vincent Gave montrera de lui, à la longue. Car Aldigé assure s’inscrire dans un projet sur le long terme avec Biarritz.

« Bonjour, je suis LouisVince­nt d’Auch. Toi, tu es JB d’Agen. Je t’ai vu entraîner les enfants, c’est super. Viens, on va boire un coup. » Louis-Vincent GAVE à Aldigé lors de leur rencontre « Il a toujours eu ce côté fonceur (...) Certains se demandent pour qui il se prend mais c’est juste sa façon d’être. »

Vincent INIGO

Ami de Jean-Baptiste Aldigé

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