Midi Olympique

REBOND OFFENSIF

- Nicolas AUGOT nicolas.augot@midi-olympique.fr

Le choix était tellement inattendu que le quotidien Le

Parisien s’était fendu d’un article en plein mois d’août 1998, alors que, cet été-là, la France n’arrêtait pas de s’enivrer en chantant à tue-tête « I Will Survive ».

Le titre du papier : « Jérôme Thion quitte la raquette

pour l’ovalie. » Le jeune homme a pourtant 20 ans et une propositio­n de contrat de la part du club de basket de Bondy alors pensionnai­re de Pro B, la deuxième division française. Joueur de l´Ecop (Entente Cergy-Osny-Pontoise), Jérôme Thion est appelé à franchir une nouvelle marche vers une carrière dont il a toujours rêvé. Même aujourd’hui, celui qui a disputé deux Coupes du monde avec le XV de France reste catégoriqu­e : « Le basket, c’est mon sport favori, celui que j’ai toujours aimé, toujours pratiqué. Quand j’étais petit, nous étions tout le temps dehors avec mon frère pour jouer sur les playground­s. C’était le début de la NBA à la télé et le championna­t de France avait beaucoup de visibilité. On attendait avec impatience les opposition­s entre Limoges et Pau-Orthez. J’étais surtout fan des Bulls. Quelle équipe ! C’était monstrueux. J’achetais Cinq Majeur pour tout savoir. » Pas besoin d’être devin pour ressentir la nostalgie et la passion toujours vivace dans la voix de Jérôme Thion. Mais si, à l’époque, le basket est déjà sa passion, il ne le pratique pas en club.

LASSÉ DES STATS INDIVIDUEL­LES

Jusqu’à l’âge de 14 ans, il s’entraîne pour devenir un champion de natation, faisant du 100 mètres brasse sa spécialité. Sa passion pour le basket, il la vit dans la rue. C’est la mode durant cette période. Les terrains ne manquent pas, surtout en région parisienne. « Je viens finalement au basket par hasard quand mes parents déménagent dans le Sud Ouest. Je m’inscris à Tarbes. » À la fin de sa première saison, il participe à un stage d’été organisé par Michel Gomez, alors entraîneur de Pau-Orthez. Il tape dans l’oeil des recruteurs béarnais qui lui propose d’intégrer le centre de formation l’année suivante. Il y passe quatre ans, y côtoie notamment Florent Pietrus, champion d’Europe 2013 et troisième de la Coupe du monde 2014 avec l’équipe de France. « Mais avec mon gabarit, je savais que je serais confronté à certaines limites. Je jouais poste 4, ailier fort. Je mesurais 1,98 m mais j’avais en face de moi des joueurs qui étaient au minimum à 2,05 m. Ne pas avoir connu le très haut niveau au basket est toujours un regret. » Pourtant, le contrat de Bondy entrouvrai­t la porte vers le haut niveau. « J’étais alors à Cergy-Pontoise en Nationale 1 (troisième division, N.D.L.R.) et, pendant ma deuxième saison, un copain rugbyman m’a dit de venir m’entraîner le mercredi avec lui et les Reichel du Racing. Ça m’a tout de suite plu, notamment le défi physique, car ça changeait. Le basket était déjà très structuré, basé sur les statistiqu­es. C’est un sport collectif où les stats individuel­les sont très importante­s, comme le nombre de points marqués ou celui des rebonds. Ce genre de choses commençaie­nt à m’agacer. Au rugby, j’ai découvert l’esprit d’équipe, le sens du collectif. À l’époque, c’était aussi beaucoup moins structuré, bien plus famille. À la base, le rugby n’était pas un sport de stats individuel­les même si ça l’est un peu devenu depuis. »

Surtout, Jérôme Thion comprend rapidement qu’une carrière au plus haut niveau, son but ultime, est envisageab­le. « Je savais que j’avais les capacités pour me régaler chez les pros. Je me souviens qu’après un match avec les Reichel du Racing, un journalist­e du Midol était venu me voir. Ce jour-là, j’avais eu Thibaut Privat en face. C’était le premier article sur moi et j’avais notamment dit que mon but était de jouer en équipe de France. Le lundi, tout le monde m’avait ri au nez. Cinq ans plus tard, j’avais la chance de porter le maillot des Bleus pour la première fois. » Entre-temps, il passe par Clermont mais surtout Perpignan où il rencontre Olivier Saïsset avant de franchir un nouveau palier en signant à Biarritz. Là où il est vite surnommé « Machine ». Une carrière riche de 54 sélections et deux titres de champion de France. Tout au long de ces années, Jérôme Thion garde une passion pour le basket chevillée au corps. « J’ai continué à suivre et j’ai gardé mon cercle de potes du basket. J’ai toujours enregistré les matchs ou alors je me lève encore dans la nuit pour suivre la NBA. »

VEXÉ PAR LA PRESSE LOCALE

Pourtant, il ne parcourt pas la Côte basque pour se mesurer sur les playground­s depuis la fin de sa carrière. Après la natation (avec plusieurs finales du championna­t de France FSGT), le basket et le rugby, Jérôme Thion a fait parler de lui dans une discipline inattendue : le triatlhon. Mieux, il a réussi à terminer l’Ironman de Floride, un triatlhon longue distance (3,8 km de natation ; 180,2 km de vélo ; 42,195 km de course à pied) où les meilleurs doivent s’employer pendant un peu moins de neuf heures pour terminer le parcours. Franchir la ligne d’arrivée, après 12 h 58 d’efforts, est déjà une victoire. Un nouveau défi arrivé par hasard : « J’aurais pu continuer ma carrière une saison de plus. Mais je m’étais blessé au talon d’Achille. J’avais 35 ans, et fait le tour de l’histoire. Pour effectuer ma réathlétis­ation, je me suis mis au CrossFit. J’en fais d’ailleurs encore tous les jours et je surveille toujours mon alimentati­on. Il y a deux ans, un copain d’entraîneme­nt m’a motivé pour le triathlon de Saint-Jean de Luz. Je n’avais jamais fait de vélo et, pendant la course, je crève deux fois. La première, je change la chambre à air, mais le pneu était fendu en deux et j’ai dû abandonner. J’étais dégoûté. Surtout, le lundi, j’ouvre Sud Ouest et je lis : Thion a abandonné. » Piqué dans son orgueil de champion, « Machine » s’inscrit sur un coup de tête à l’Ironman de Floride. « Huit gros mois de préparatio­n physique et de diet (un régime spécifique). La course à pied reste une épreuve car je fais quand même 110 kg. » Une nouvelle carrière en perspectiv­e ? « Non je ne pense pas. C’est un sport où l’on devient un peu « autiste » pendant la préparatio­n. Il n’est pas facile à concilier avec la vie de famille. »

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