LA BELLE HISTOIRE
À 28 ANS, L’EX-CAPITAINE DE CHAMBÉRY EN FÉDÉRALE 1 EFFECTUERA SES GRANDS DÉBUTS COMME TITULAIRE EN TOP 14 SUR LA PELOUSE DU CHAMPION DE FRANCE EN TITRE. LE POINT D’ORGUE D’UNE TRAJECTOIRE IMPROBABLE, FORGÉE PAR UNE VOLONTÉ DE FER ET UNE PATIENCE PEU COMMU
Alors qu’on ne l’évoque aujourd’hui pratiquement plus qu’au travers de ses excès hors et sur le terrain, le rugby - même pro - recèle encore de belles histoires, de celles qui permettent de croire encore un peu en lui. Celle de Steeve Blanc-Mappaz en fait partie, lui qui avoue « avoir payé ses billets de match » pour assister, en spectateur anonyme, aux matchs de la montée du FCG la saison dernière, qui conditionnaient pourtant directement son avenir. L’histoire d’un jeune homme qui, à 28 ans passés dont presque dix à écumer les terrains de Fédérale 1 avec Chambéry, effectuera samedi ses grands débuts dans la peau d’un titulaire en Top 14, sur la pelouse du champion de France. Dans ses petits souliers, comme à ses débuts… « Je me souviens de mon premier match en première à Chambéry. C’était à Carcassonne, contre la grosse équipe où il y avait Tournaire, Tomiki, Christian Labit comme entraîneur, sourit Blanc-Mappaz. À l’époque, j’étais beaucoup plus insouciant, aujourd’hui je prends les choses avec plus de maturité. Mais l’enjeu est le même : montrer aux entraîneurs et à mes coéquipiers qu’ils peuvent compter sur moi, que je suis au niveau. S’étalonner chez le champion de France en titre, il n’y a pas mieux. » Une humilité logique pour celui qui, après une année de Pro D2 à Vannes, est arrivé au FCG sur la pointe des pieds, avec l’idée de prouver à tous, et en premier lieu à lui-même, que sa présence au plus haut niveau français était tout sauf illégitime. « Le rugby est un sport collectif où on a besoin de pouvoir compter sur ses coéquipiers. Il faut avoir confiance en eux, et qu’ils aient confiance en toi. Or, je suis arrivé avec quelques incertitudes. Je me suis fait opérer de l’épaule mi-février et, comme je me suis fracturé la main pendant la préparation, je n’avais pas disputé le moindre match amical. Quand on m’a dit que je serais sur le banc contre Toulouse, j’étais dans le stress complet ! Alors, comme j’ai très peu joué cette saison et encore moins à ce niveau, je veux montrer aux copains qu’ils peuvent compter sur moi. »
« MONTRER À MES COÉQUIPIERS QU’ILS PEUVENT COMPTER SUR MOI »
Un défi personnel pour ce joueur au profil atypique, passé en deux ans de 98 à 103 kilos, dont la carrière n’eut jamais rien d’un long fleuve tranquille. « Au fond de moi, j’ai toujours eu l’objectif de jouer plus haut. Souvent, à Chambéry, on me disait que c’était bizarre qu’aucun club audessus ne m’ait jamais appelé. Moi, de mon côté, je commençais à me dire que ce n’était peut-être pas si bizarre que ça, que je n’avais peut-être pas le niveau. Alors, j’ai redoublé de travail dans mon coin, j’ai essayé de me bouger le c… pour sortir du lot. J’ai pris un agent, j’ai même effectué un bout d’essai à Agen, sans suite. J’imagine qu’ils m’avaient trouvé trop léger, je n’ai jamais vraiment eu de réponse de leur part. C’est ça que je trouve dommage : les clubs sont réticents à aller chercher des joueurs en Fédérale, alors que cette division regorge de bons joueurs, qui auraient largement le niveau supérieur. Sauf qu’ils n’ont jamais leur chance, et ne font du coup plus les efforts nécessaires. » Un piège que Steeve Blanc-Mappaz sut éviter à force de patience et de volonté, jusqu’à un coup de fil salvateur venu de Vannes. « Ils m’ont appelé deux fois. La première, je n’étais pas vraiment prêt. Et la deuxième fois, les Vannetais ont vraiment été gentils avec moi. Ils m’ont permis de signer un précontrat avec une clause qui me permettait de le dénoncer en cas de montée en Pro D2 avec Chambéry. L’aventure s’est malheureusement terminée en eau de boudin contre Nevers, en finale d’accession. Je n’avais pas été très bon, et cela m’avait fait ch… de partir sur cette image après dix ans passés au club. »
L’APPEL DE LA MONTAGNE
Reste que le fil était coupé, et que l’envol pouvait définitivement avoir lieu. « J’ai adoré l’ambiance des matchs à la Rabine, qui m’ont permis de me montrer. Et lorsque Grenoble m’a contacté pendant l’hiver, je n’ai pas hésité longtemps. En plus de la possibilité de jouer en Top 14 et la revalorisation salariale qui allait avec, le FCG était le club qui m’avait fait rêver plus jeune, dont j’allais voir les matchs en Pro D2 à Lesdiguières avec mon père. Signer ici me permettait en outre de rentrer dans ma région, près de mes montagnes. Souvent, à Vannes, Jules Le Bail me demandait ce qui me manquait tant. Je crois que quand on ne vient pas d’ici, on ne peut pas comprendre… » En ce qui nous concerne, on comprend très bien. Tout comme on s’avère persuadé que Steeve Blanc-Mappaz disputera samedi soir bien autre chose qu’un banal match de Top 14, et tâchera de transmettre sa farouche volonté à ses coéquipiers. « On n’a toujours pas remporté de victoire cette saison et on n’est évidemment pas en mesure de dire qu’on se déplace pour ça sur la pelouse du champion de France. Mais on y va pour disputer le meilleur match possible. » Ne jamais dire jamais : ce pur produit du rugby savoyard est bien placé pour l’affirmer…