Midi Olympique

« Dans notre championna­t, le temps de jeu effectif est trop faible »

Ancien internatio­nal français et consultant médias

- Propos recueillis par Simon VALZER

Avez-vous été surpris de la victoire des Springboks en Nouvelle-Zélande ?

Statistiqu­ement, les Blacks perdent toujours un match par saison. Il fallait bien que cela arrive, d’autant que je les ai trouvés trop faciles : sur les relances, les intercepti­ons, ou même leur fin de rencontre où ils ne se placent pas en position de drop. À force de marquer une moyenne de six essais, ils finissent par croire qu’ils vont forcément en marquer un de plus que l’adversaire ! Le couperet n’était pas passé loin ces dernières semaines… Et puis, en face, le sélectionn­eur sud-africain Rassie Erasmus jouait sa tête.

Comment les Boks ont évolué depuis juin 2017 et la tournée tricolore ?

Cette équipe a changé par les hommes, d’abord. Erasmus s’est empressé de rappeler des joueurs importants dans le combat, comme Duane Vermeulen, ainsi que des joueurs de talent comme Faf de Klerk. Je songe également à Cheslin Kolbe, même s’il y a une forte rotation au poste d’ailier. On sent aussi que le contexte sportif sudafricai­n est chargé sur le plan politique. Quand les Boks vont mal, cela crée un sacré remue-ménage à la fédération. Croyezmoi, Rassie Erasmus jouait vraiment sa tête sur ce match. Il a vraiment beaucoup de pression, d’autant plus qu’il est arrivé avec une étiquette d’homme providenti­el après le bail décevant de Coetzee.

Que doivent craindre les Bleus face à eux ?

La même chose qu’en novembre dernier à Paris, leur dimension athlétique. Les Boks sont capables d’imposer des séquences très longues grâce auxquelles ils poussent les Bleus à la faute. C’est comme cela qu’ils avaient gagné au Stade de France. Ils n’avaient rien fait d’impression­nant mais ils avaient dominé les Bleus dans le jeu direct.

Venons-en à l’Argentine. Dans quels domaines ont-ils progressé ?

L’Argentine est une équipe qui a besoin de confiance, très sensible à son environnem­ent. L’arrivée de Mario Ledesma à sa tête, ainsi que celle de Gonzalo Quesada en tant qu’adjoint, a fait beaucoup de bien. Ils ont apporté de la sérénité et de la confiance à l’équipe. Ils possèdent aussi des visions du jeu qui correspond­ent parfaiteme­nt à l’hémisphère Sud. Mario a passé de longues années en Australie avec les Wallabies où il s’est inspiré de ce jeu de vitesse et de mouvement. Gonzalo a toujours eu ces conviction­s de jeu, on l’a vu au Stade français. Et puis, il ne faut pas oublier que les Argentins reviennent de loin : en juin, les Pumas ont reçu trois correction­s contre le pays de Galles et l’Écosse. Ils étaient piqués dans leur orgueil, ce qui les rend encore plus dangereux.

Où en sont nos Tricolores ?

En juin, ils ont montré qu’ils étaient capables de proposer des mouvements offensifs très intéressan­ts mais seulement par séquences. Donc la France aussi peut se diriger vers ce rugby de l’hémisphère Sud, à condition d’être plus constante. Le problème, c’est quand l’équipe de France n’a pas le ballon. Elle n’est pas encore capable de résister sur de longues séquences défensives. C’est exactement ce qui s’est produit contre les Blacks, en juin dernier : on attaque pendant 40 minutes et ensuite, on perd la possession et on explose. Je vois aussi un lien de cause à effet avec notre championna­t, dans lequel le temps de jeu effectif est trop faible : aux alentours de 28-30 minutes en ce début de saison, alors que les matchs du championna­t anglais affichent déjà 38 voire 40 minutes de temps de jeu effectif.

Le problème n’est-il donc pas d’ordre technique ?

Non, je dirais que la France peut être aussi bonne techniquem­ent que les autres nations. Seulement, les Français ne sont pas capables de reproduire ces gestes techniques sur la durée d’un match, à haute intensité, dans des zones de fatigue extrême. Là, ils perdent trop en précision. Le problème est que notre championna­t prépare mal au niveau internatio­nal. C’est comme s’entraîner sur un 200 mètres alors que le week-end on dispute un 400 mètres. Le Super Rugby prépare bien mieux au rugby internatio­nal. À mon sens, c’est là que se joue la différence.

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