LA RENAISSANCE
AUTEUR D’UN DOUBLÉ SAMEDI, IL RÉALISE, À L’IMAGE DE CETTE ENTHOUSIASTE ÉQUIPE STADISTE, UN REMARQUABLE DÉBUT DE SAISON. APRÈS DEUX ANNÉES DE GALÈRES PERSONNELLES, L’INTERNATIONAL EST DE RETOUR À SON MEILLEUR NIVEAU.
C’est flanqué d’un oeil gauche au beurre noir que Sofiane Guitoune s’est présenté devant la presse après le coup de sifflet final samedi soir. Stigmate d’un entraînement de la semaine. « C’était pourtant un contact à deux à l’heure », se marrait-il. Le regard était paradoxalement pétillant, le sourire éclatant. Il faut dire que l’ailier venait de signer une nouvelle prestation majuscule et de claquer un doublé. Son premier sous le maillot du Stade toulousain, où il a débarqué en 2016. « Le sourire, je l’ai souvent, même quand c’était compliqué », lâchait-il avec ironie. Car Guitoune revient de l’enfer. Pendant deux ans, l’international a accumulé les pépins physiques. Surtout une pubalgie tenace qui l’a trop fréquemment éloigné des terrains et l’a obligé à passer plusieurs fois par la case infirmerie ou rééducation. Au point de ne totaliser, sur cette période, que treize titularisations avec les Rouge et Noir, dont aucune ou presque en pleine possession de ses moyens.
Voilà une poignée de mois, l’ancien Perpignanais semblait dans une impasse. Une partie du public d’Ernest-Wallon, parfois intransigeant et sévère avec lui, avait même perdu patience. Son entraîneur Ugo Mola nous avait néanmoins confié au début de l’été qu’il comptait sur lui et qu’il était persuadé de le voir sur la route de son meilleur niveau. En août, c’est Guitoune lui-même qui nous l’assurait : « Je ne ressens plus aucune douleur. Mentalement, ça aide. Le principal était de retrouver toutes mes qualités et sensations physiques. J’ai mis du temps mais c’est le cas. Depuis que je suis arrivé ici, je n’avais jamais pu commencer une saison à 100 %, suivre une vraie préparation. C’est chose faite. » Des paroles aux actes, il n’y avait qu’un pas. Ou plutôt une course. Celle de Guitoune fut tranchante, sur chaque ballon touché. Et le destin est même venu lui filer son coup de main. Samedi, c’est l’ensemble de la ligne de trois-quarts stadiste qui a brillé, dès le matin avec l’essai de Kolbe sous la tunique springbok à l’autre bout de la planète pour renverser les All Blacks. Son appel en sélection sud-africaine fut acté durant la semaine de préparation avant le déplacement à Grenoble, en même temps que Médard dut renoncer en raison d’une pointe aux quadriceps. Les deux étaient prévus dans le XV de départ. En leur absence, Guitoune en a profité pour briller et aligner trois titularisations convaincantes. « Cela fait plaisir, appréciait-il. Je reviens de très loin. C’était déjà un soulagement, depuis la fin de saison dernière, de ne plus avoir de gêne. Cela enlève pas mal de questions le matin en se levant et la journée est différente derrière. »
GUITOUNE : « JE NE SUIS PAS VIEUX ! »
Déjà excellents au FCG et face à La Rochelle, l’intéressé a donc encore franchi un cap devant le Racing pour s’imposer acteur essentiel du remarquable démarrage toulousain. Lequel va encore peser dans les semaines et mois à venir, même quand l’effectif sera au complet sur le triangle de derrière. « C’est ma troisième saison au club mais la première que je démarre, répétait-il. Ça compte dans ma tête et dans celle des coachs. J’ai effectué un gros travail et, quand ça va physiquement, le rugby revient. » Ce dont se réjouissait William Servat : « Sofiane sort de deux années presque blanches. Il essayait de jouer mais diminué. Il était là sans être là… Maintenant, il retrouve son niveau et c’est une bonne chose pour l’émulation dans le groupe. Il va y avoir de la concurrence à tous les postes. Voilà qui fera avancer notre équipe. »
Il n’y avait qu’à observer les félicitations de ses partenaires à l’égard de Guitoune sur chacun de ses essais pour d’ailleurs comprendre à quel point ce retour en forme est savouré. « Nous sommes contents pour lui, confirmait Sébastien Bezy. Il a enchaîné les blessures mais, sur ce début de saison, il est enfin à 100 %, il est costaud, il marque. » Des mots qui touchent. « Je me sens bien dans ce vestiaire et les autres sont heureux pour moi, soufflait-il. Ils savent que j’ai galéré. » Avant d’entamer cette seconde jeunesse. « Déjà, je ne suis pas vieux ! » rigolait-il. Même si, à 29 ans, il fait déjà partie des papas au sein des trois-quarts. « À l’entame de la préparation, j’étais un des plus âgés, c’est vrai, reprenait-il. Mais je m’entends très bien avec les plus jeunes et je suis frais dans mon état d’esprit. Je n’ai jamais perdu cette mentalité. C’est ma façon de voir le rugby. » C’est actuellement évident sur le terrain.