LEÇON DE (SUR)VIE
À LA POINTE NORD-EST DE LA NOUVELLE AQUITAINE, LE CD 23 A LE MÉRITE DE FAIRE VIVRE LE RUGBY DANS UNE ZONE DE FAIBLE DENSITÉ. EXPLICATIONS.
Les Béarnais ont toujours revendiqué fièrement leur titre de plus petit comité de France par la superficie. Ce n’était pas faux. Mais depuis la réforme des régions, la Creuse est bien devenue le petit Poucet de la Nouvelle-Aquitaine. En termes de densité rugbystique le contraste est même saisissant avec seulement quatre clubs dans le 23 : Guéret (Fédérale 3), Aubusson (Deuxième Série), Stade marchois-La Souterraine, Dun-le-Palestel (Troisième-Quatrième Série), et un rassemblement départemental des moins de 16 ans, moins de 18 ans et écoles de rugby sous l’appellation Union du rugby creusois. Dans ce département rural de 120 000 habitants et dont le chef-lieu, Guéret, ne compte que 14 000 âmes, le rugby, pour vivre, s’abreuve d’une forme de passion. Les 457 licenciés actuels n’ont connu que ce seul contexte très particulier et s’y sont adaptés même si certaines conditions d’existence sont pesantes. Gérard Pougny, le président du comité, insiste volontier sur la problématique des longs déplacements et cite le cas du RC Guéret qui a parcouru 4 500 km pour ses onze déplacements la saison dernière.
30 000 € AUX TRANSPORTS JEUNES
Chez les jeunes de l’URC, le sujet est encore plus sensible avec l’instauration des barrages en poule de trois et donc des déplacements doublés pour les cadets et juniors qui vont parcourir 600 km pour deux matchs. « Cela va engendrer des coûts que les clubs ne vont pas pouvoir supporter longtemps » prévient-il, formulant le voeu d’une aide plus importante aux frais de déplacement. Une autre crainte affleure dans le propos de Gérard Pougny qui n’a pas oublié qu’entre 2011 et 2017 la Creuse avait perdu près de 50 % de son effectif jeunes. « Nous attendons le bilan des inscriptions de la rentrée pour mesurer les répercussions de la Coupe du monde de foot et de l’image écornée du rugby. On a peur. » Et pour cause, la Creuse vit du produit de sa formation dont bénéficie notamment Guéret en Fédérale 3. C’est à la hauteur de cette réflexion existentielle que s’apprécie le rôle déterminant qu’occupe Nicolas Puydebois coordonnateur de la structure URC créée en 1992 au bénéfice des moins de 16 ans et moins de 18 ans des quatre clubs creusois, auxquels s’est ajouté Folles en Haute-Vienne, et élargie en 2005 aux écoles de rugby. Comment l’Union rugby creusois fonctionne-t-elle ? « Ce sont 200 licenciés de moins de 16 à moins de 18 ans dont 12 % de filles, 7 catégories et 40 bénévoles, commente Nicolas Puydebois. La logistique est particulière, chaque mercredi et samedi nous organisons des navettes gratuites pour que les jeunes puissent se rendre aux entraînements sur le site central de Guéret. Notre budget est de 40 000 € dont 30 000 dédiés aux transports. C’est très lourd mais c’est le seul moyen de faire vivre le rugby en Creuse. Après la sévère perte des effectifs nous avons mis en place un projet de développement pour arrêter la saignée et en fin de saison dernière, nous avons enregistré une progression de 29 %. Notre objectif est de conserver le même nombre de licenciés. Nous sommes obligés d’être innovants et très présents. »
Mais quoi que fassent les acteurs de son rugby, la Creuse restera un territoire enclavé de la Nouvelle Aquitaine. « Pour me rendre aux réunions au siège de la Ligue à Gradignan je parcours 350 km et cela dure 4 heures » se lamente Gérard Pougny. Par la force des choses, les Creusois sont devenus de grands voyageurs… philosophes.