Midi Olympique

Y RETOURNER, ENCORE

- Par Benoît GUYOT

Qu’est-ce qui nous attire, nous les joueurs, irrémédiab­lement vers le terrain ? Depuis mes premiers pas au rugby, je n’ai eu de cesse de ressentir cette attraction naturelle. Je vois la même chose autour de moi, nous sommes tous attirés vers le lieu où l’on s’exprime, ensemble. Cette capacité à prendre part au jeu est cependant régulièrem­ent remise en question, avec plus ou moins de gravité, par ce qui contraint le corps : ruptures de ligaments croisés, fractures diverses, muscles lésés, problèmes aux lombaires ou aux cervicales… Ces blessures, graves pour beaucoup, font totalement partie du paysage du rugby. Ne devrions-nous pas nous interroger sur ce qui nous amène à accepter si facilement ces dernières comme un élément du jeu ?

Les blessures sont les seules choses qui m’aient tenu loin des terrains de rugby. Un genou instable, un os brisé, un muscle lésé… tous ces maux, une fois diagnostiq­ués, m’ont empêché de jouer. Cela signifie aussi de longues heures passées dans les salles d’attente et les hôpitaux, ainsi que de vrais moments de solitudes tant on se tient, dans ces moments, à l’écart du reste de l’équipe. Dans notre imaginaire, ces moments font partie du jeu. Récemment encore, je discutais avec des amis et nous listions les traumatism­es que nous avions respective­ment subis. La liste était longue, peut-être trop.

Parmi cette liste, les commotions posent problème. Elles ne respectent pas les règles de la blessure qui empêche de jouer : on ne saigne pas, rien n’est « cassé ». On ne voit pas une commotion sur une image, contrairem­ent à tous les autres traumatism­es. Je suis rarement sorti sur commotion. J’ai par contre fini des matchs hébété et désorienté. En sortant sans avoir perdu connaissan­ce, j’aurais eu l’impression de trahir le reste du groupe tant je pensais pouvoir, et devoir, « continuer ». En ce qui concerne les joueurs profession­nels, le problème est encore plus délicat tant les forces externes (argent, contrat, vie de famille) exercent une pression. Un joueur amateur veut retourner au jeu pour son plaisir, et pour se reconnecte­r à l’équipe. Un joueur profession­nel doit également gérer des variables qui poussent à tout, sauf à la bienveilla­nce à l’égard de son corps, qui devient finalement un outil nécessaire à son « activité ».Voire à son métier. Je m’interroge quant à ce sport qui, bien que ce ne soit pas nouveau, tend à confronter les hommes et les femmes à leur intégrité physique. Ne pas utiliser son corps serait un gâchis tant le sport est source d’accompliss­ement. Je crois cependant que certaines limites ne doivent pas être franchies. Est-ce réellement le prix à payer pour pouvoir vivre sa passion, corps et âme ?

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