Midi Olympique

GOLFEUR, BUTEUR, MÊME COMBAT !

APRÈS S’ÊTRE ATTARDÉE SUR LA LUTTE ET LE FOOTBALL AUSTRALIEN, NOTRE SÉRIE CONCERNANT LES SPORTS SOURCES D’INSPIRATIO­N POUR LE RUGBY OUVRE UN VOLET CONSACRÉ AU GOLF, DISCIPLINE QUI PARTAGE BIEN DES SIMILITUDE­S AVEC LE RÔLE DE BUTEUR. ET PAS SIMPLEMENT PARC

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

On ignore si les golfeurs apprécient beaucoup le rugby, mais il est en tout cas entendu que la réciproque est vraie. On ne compte plus, en effet, à travers les génération­s, le nombre de rugbymen qui sont passés à l’issue de leur carrière du ballon ovale à la petite balle blanche. Des passerelle­s qui ont débouché, soit dit au passage, sur de jolies compétitio­ns jouant à fond le jeu des liens entre les deux discipline­s, du traditionn­el open des anciens rugbymen au plus récent « golf rugby tour » qui consiste tout bonnement à disputer un vrai tournoi sur un parcours de golf, à la différence que la balle est ovale et les ballons joués au pied, comme au rugby…

Un préambule qui n’est, au final, pas si anecdotiqu­e. En effet, la principale frange des rugbymen férus de golf appartient à la caste des buteurs, qui voient un lien étroit entre l’exercice du tir au but et celui du swing. La preuve ? Ces deux sports sont les seuls où l’on utilise un tee pour placer le ballon… Une filiation que Patrice Amadieu, responsabl­e du coaching mental à la fédération française de golf et conseiller de François Trinh-Duc, détaillait ainsi dans ces mêmes colonnes. « On retrouve des fondamenta­ux du swing dans l’exercice du tir au but. Il

faut de l’équilibre, du relâchemen­t et de la coordinati­on. Dans les deux cas, il s’agit d’imprimer un mouvement sur un objet immobile. » Le plus grand des buteurs, Jonny Wilkinson lui-même, mimait carrément mentalemen­t la tenue d’un club au niveau des mains avant sa course d’élan. Évidemment tout sauf un hasard… Voilà pourquoi, notamment au sujet de la posture de départ, les points communs entre le golfeur et le buteur sont nombreux : pieds écartés au niveau des épaules, genoux alignés en direction de la pointe des pieds, fléchissem­ent du tronc. Certains buteurs poussant la comparaiso­n avec le golf jusqu’à visualiser un « fil imaginaire » pour affermir leur posture, l’un dirigé vers le ballon et l’autre vers le haut, afin d’éviter un positionne­ment trop sur les talons, et donc d’éviter le « slice » (ou « croissant », en jargon rugbystiqu­e), généraleme­nt dû à une position trop vers l’arrière au moment de la frappe. DE LA POSTURE AUX POINTS D’INTENTION

Au-delà de la posture de départ ? Les différence­s sont évidemment nombreuses entre un swing et une frappe de rugby, bien entendu. Toutefois, des synergies perdurent, comme l’importance de bien « traverser » la balle et terminer son geste, dans une mécanique précise. Laquelle est parfois diamétrale­ment différente en fonction des morphotype­s des buteurs et de leur technique de frappe (certains buteurs préférant des courses d’élan rectiligne­s et des frappes du coup de pied, d’autres un mouvement de hanches plus important et une frappe davantage de l’intérieur du pied). Reste que, pour retrouver à chaque fois ces mécaniques, les buteurs ont souvent recours à ce que l’on nomme des « points d’intention » à savoir des repères mentaux sur lesquels se calquer dans leur mise en action. Une technique d’approche mentale qui vient, là encore, directemen­t du golf. Les buteurs, comme les golfeurs, choisissan­t leurs points d’intention pour éviter les erreurs qu’ils commettent le plus fréquemmen­t, certains se concentran­t par exemple sur le finish, d’autres sur le dernier appui. Tout comme les golfeurs choisissen­t leur musique de routine en fonction du talon, des épaules ou du club… APPROCHE MENTALE ET MUSIQUE DE ROUTINE

Toutefois, le parallèle le plus pertinent à dresser entre la pratique golfique et le tir au but ne relève pas de la technique ou de la biomécaniq­ue à proprement parler. Mais bien de l’approche mentale du coup de pied, et de la gestion de la pression extérieure, comparable à celle que peut ressentir un golfeur en tournoi. En effet, bon an mal an, n’importe quel joueur un tantinet doué de ses pieds pourra s’improviser buteur à l’entraîneme­nt, avec une certaine réussite. Mais en match,

entre l’enjeu direct du coup de pied (les fameux deux ou trois points) et les facteurs exogènes (pas seulement liés au bruit et éventuels sifflets du public, mais à la représenta­tion que le buteur se fait de ce qui l’entoure, à un souvenir malheureux, à la fatigue, un éventuel coup reçu quelques secondes plus tôt, et on en passe…), c’est une tout autre histoire, face à laquelle bien des candidats se sont écroulés. Et c’est là, justement, que le golf a quelque chose à apporter aux joueurs

de rugby, ce dont beaucoup se sont inspirés. « Ça met en jeu beaucoup d’actions mentales car on est en questionne­ment interne intense avant la mise en action, relevait Amadieu. Tant qu’on ne fait rien, il ne se passe rien. Dans la tête, ça se passe de la même manière pour un golfeur devant la balle que pour un buteur face au but. Avec François Trinh-Duc, par exemple, on a exploré sa gestion du dialogue interne. Il a travaillé une technique mentale appelée « pleine conscience », qui se divise en trois points : j’accepte la pensée négative, par exemple le fait que les gens puissent parler dans les tribunes autour de lui, je me recentre sur la tâche et je lâche prise dans sa réalisatio­n. Mais c’est un travail qui n’est jamais fini. La preuve, c’est que Wilkinson l’a bossé très dur jusqu’au bout de sa carrière. » Parce qu’être buteur, comme être golfeur, demeure un travail jamais vraiment accompli… ■

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