Midi Olympique

LETTRE à PYR

- Par Jacques VERDIER

Cher Pierre-Yves Revol,

Vous avez fêté, vendredi dernier, en brillante compagnie, l’anniversai­re de vos 60 ans et je voulais, en vous souhaitant bienvenue au club, profiter de l’occasion pour vous dire toute ma sympathie. De tous les présidents de clubs encore en exercice, vous êtes le plus ancien et l’un des plus éclairés sur les valeurs de ce jeu, sur sa culture, son passé, son évolution. Ce que vous avez fait du Castres Olympique en presque trente ans de présidence est, à ce propos, remarquabl­e. L’engouement qu’a suscité dans la France entière le C.O. lors des dernières phases finales, n’est d’ailleurs pas étranger à cette politique, exempte de toute vulgarité, de toute bassesse. Fidèle à certains principes clés, où l’esprit d’équipe a valeur d’exemple, vous avez su, en continuant de surfer sur la vague, en magnifiant l’esprit de ce jeu au coeur d’une équipe de sous-préfecture, nous épargner ce côté indigné, goguenard, chefs d’entreprise­s donneurs de leçons, piqués aux médias, obsédés par leur propre image même quand ils feignent de s’en désintéres­ser, dans lequel certains de vos semblables se complaisen­t désormais jusqu’à l’indigestio­n.Vous avez toujours su opposer au vent de la mode - cette ambition de feuille morte - une dignité, une réserve, une modestie qui vous honore. On chercherai­t en vain, chez vous, une interview en forme de brûlot, où la rancoeur l’aurait disputé à l’orgueil mal placé. Ce sont des choses rares et qui méritent d’être soulignées. J’aime aussi, en vous, cette fidélité que vous avez toujours eu à l’égard des anciens joueurs, des anciens présidents, ceux des premières campagnes européenne­s, comme ce goût de la fête qui vous accompagne de loin en loin et donne au personnage une familiarit­é, une sympathie, qui n’est pas, de prime abord, votre fort. C’est que vous ressemblez, au civil, je vous l’ai déjà dit, à ces personnage­s de Claude Sautet, très représenta­tifs d’une forme de bourgeoisi­e haute en couleur : moitié Montand pour l’allure, moitié Piccoli et Serrault pour la noblesse. Il n’y a guère que le port de la cigarette, que vous avez (partiellem­ent) abandonné, qui nuise désormais à la caricature. On ne saurait trop vous le reprocher. Je ne voudrais pas, écrivant cela, brosser un portrait par trop louangeur. Personne n’est parfait et nul ne l’ignore. On doit pouvoir vous trouver trop strict, trop prudent, trop absent, trop occupé, et même un rien hautain, qui sait ? Mais à l’heure où le rugby, oublieux de son passé, de ses traditions, vogue sur une mer déchaînée, où la violence des impacts se confond au grand n’importe quoi d’un règlement absurde, où les affaires, les comporteme­nts, les narcissism­es participen­t cruellemen­t de « la société du spectacle » et nous roulent dans un avenir bien incertain, il est réconforta­nt de savoir que quelques hommes, encore, gardent le cap. Vous êtes de ceux-là me semble-t-il, en compagnie de quelques autres, souvent les plus effacés, dont la volonté et le courage restent au service de l’action en faveur de ce jeu et fuient, autant que faire se peut, la politique symbole qui nous submerge.Vous servez le rugby, vous ne vous servez pas de lui. Cette nuance-là fait sens. Peut-on alors espérer que demain, en suivant votre exemple, ce jeu puisse continuer de célébrer les noces de la tête et du coeur, de l’intelligen­ce et du dynamisme, du calcul et de l’intuition, de la culture et de la modernité ? C’est évidemment la seule question qui se pose. Mais pour ce que vous êtes et avez déjà fait, cher Pierre-Yves, merci et chapeau bas !

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