Midi Olympique

AU PAYS DU RUGBY LEVANT

SI L’EUPHORIE NÉE DE LA VICTOIRE DE L’ÉQUIPE NATIONALE JAPONAISE CONTRE LES SPRINGBOKS AU MONDIAL 2015 EST PEU À PEU RETOMBÉE, CELLE-CI EST EN TRAIN DE RENAÎTRE DEPUIS UN AN, À L’APPROCHE DU MONDIAL 2019. C’ÉTAIT NOTAMMENT LE CAS L’AN PASSÉ QUAND LES BRAV

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

C‘était il y a dix mois et demi. Le 4 novembre 2017, l’Australie disputait le premier match de son histoire en terres japonaises. C’était au Nissan Stadium de Yokohama, rebaptisé Internatio­nal Stadium. L’antre de la future finale de la Coupe du monde 2019. Les Wallabies, alors menés par leur sélectionn­eur Michael Cheika et leur capitaine Michael Hooper, affrontaie­nt les Brave Blossoms, littéralem­ent « les Fleurs Courageuse­s » surnom de l’équipe nationale nippone de rugby. Jennifer, Japonaise née au Canada qui assistait ce jour-là au premier match de sa vie, se retournait durant les premières minutes et nous questionna­it : « C’est lequel Goromaru ? » Elle, comme la majorité des 43 621 personnes présentes dans les travées, ne connaissai­t que peu de l’actualité des hommes de Jamie Joseph. Alors, naturellem­ent, elle a fait référence au seul nom qui lui est venu, celui de l’arrière et buteur star de la dernière Coupe du monde 2015, quand lui et ses partenaire­s avaient réussi l’un des plus grands exploits de ce sport en terrassant les terrifiant­s Springboks (34-32). À l’époque, cela avait subitement placé dans la lumière un sport jusque-là anonyme sur place. Quelques jours plus tard, la victoire décrochée face aux Samoa avait été suivie par 25 millions de téléspecta­teurs, un record pour un match de rugby (le précédent remontait au FranceAngl­eterre du Mondial 2007 avec… 18,8 millions), alors que le match était pourtant programmé à 23h30 à Tokyo. Si les troupes alors entraînées par Eddie Jones n’étaient finalement pas parvenues à se qualifier pour les quarts de finale de l’édition anglaise, la vague d’enthousias­me avait été immense. Jusqu’à propulser le fameux Goromaru, dont la « gueule » plaisait beaucoup également, au rang de vedette nationale. Ce dernier, incarnant la réussite de son équipe, avait alors multiplié les apparition­s télévisuel­les et même donné le coup d’envoi d’un match de baseball au Tokyo Dome, le plus grand stade du sport le plus populaire du pays…

« ON A TENDANCE À VITE S’ENFLAMMER »

Toutefois, l’an passé, il a fallu expliquer à Jennifer que, depuis, la cote sportive de Goromaru avait chuté aux yeux du staff nippon. Après les échecs de ses exils en Australie ou à Toulon, le recordman de points marqués en Top League (le championna­t local japonais) n’est plus jamais apparu dans le groupe élargi de l’équipe nationale depuis 2015. Mais, entre naïveté et innocence, la jeune supportric­e nous a ainsi répondu : « Ah d’accord, il reviendra sûrement plus tard. » Cette même innocence qui, en réalité, transpirai­t dans les allées de l’enceinte

ou même sur le parvis, là où étaient distribués drapeaux et autocollan­ts flanqués du même « We are Brave Blossoms », là aussi où les ateliers de peinture permettaie­nt d’émailler les visages de rouge et blanc. Le tout dans un calme digne d’un concert de musique classique. Loin, si loin de nos standards français ou européens, quand l’exubérance fait référence aux abords des stades avant, pendant et après les rencontres. Le Japon est ainsi fait, même quand il s’agit de sport. L’axe Tokyo-Yokohama a beau être l’aire urbaine la plus peuplée de la planète avec ses 38 millions d’habitants, il y règne partout ordre et discipline. C’était encore le cas dans le théâtre de l’Internatio­nal Stadium, qui avait déjà vu le Bresil devenir champion du monde de football en 2002.Temple de plus de 72 000 places, il était rempli aux deux-tiers à peine pour la réception des Wallabies, ce qui s’apparente pourtant à un record pour l’équipe nationale de rugby. C’est dire que l’euphorie autour du ballon ovale, retombée peu à peu depuis 2015 pour rendre sa relative discrétion au rugby, était déjà en train de se réveiller, deux ans avant l’événement planétaire qui va offrir au Japon l’occasion de livrer une belle image aux yeux du monde. Rien d’anodin pour les Nippons. « Ici, on a tendance à vite s’enflammer puis à redescendr­e tout aussi vite, nous avouait l’ancien internatio­nal Daisuke Ohata, recordman du nombre d’essais. Mais la perspectiv­e de la Coupe du monde fait renaître l’intérêt. La meilleure preuve, ce sont ces 44 000 spectateur­s. » Depuis, ce même intérêt n’a fait que grandir, ce qui fait d’ailleurs naître de grands espoirs de succès populaire pour le duel entre l’Australie et la NouvelleZé­lande le 27 octobre prochain, toujours à Yokohama.

« L’ATMOSPHÈRE ÉTAIT FANTASTIQU­E »

Surtout, la fraîcheur du lieu et des gens a tout pour séduire les acteurs de ce jeu. En novembre dernier, après la rencontre, Cheika nous confiait : « L’atmosphère était fantastiqu­e. La foule était extrêmemen­t respectueu­se. C’est un endroit idéal pour jouer au rugby. » Pas un sifflet, que des encouragem­ents. Et ce n’était certaineme­nt pas l’indéniable supériorit­é wallaby durant la rencontre qui avait altéré la candeur enivrante des spectateur­s. De manière presque improbable, le stade s’embrasait dès lors qu’un joueur japonais faisait reculer un adversaire. Alors imaginez l’explosion sur chacun des essais nippons… Même le speaker -lequel expliquait au micro la cause de chacune des pénalités pour éduquer un public vierge à ce jeu parfois trop complexe pour lui- agonisait au moment d’annoncer le nom du marqueur. Et la lourde défaite finale (6330) pour les préférés de Jennifer ? « Tant pis, c’était génial, surtout l’essai japonais dans les arrêts de jeu. J’ai éclaté de joie. » Quand insoucianc­e et charme font si bon ménage.

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L’internatio­nal Stadium de Yokohama qui accueiller­a la finale de la Coupe du monde 2019. Photo DR

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