LA GUERRE DES MONDES
EN TOILE DE FOND, C’EST UNE GUÉGUERRE POLITIQUE QUI SEMBLE AUJOURD’HUI DIVISER LE MONDE DU RUGBY. ENTRE LES PARTISANS D’AGUSTIN PICHOT ET CEUX DE BILL BEAUMONT, LE TON POURRAIT MONTER...
La semaine dernière, Agustin Pichot a lâché une bombe dans les colonnes du Guardian. En vrac : « Si vous me posez la question en tant qu’homme d’affaires, je vous réponds que le côté commercial du rugby mondial ne fonctionne pas. Si vous me posez la question en tant que joueur, je vous réponds que cela ne fonctionne pas non plus. Le rugby international est-il menacé ? Oui, je pense que c’est le cas. Regardez les bilans de certaines nations et vous verrez exactement où nous en sommes… » De quoi parle-t-il, au juste ? De licences à la baisse dans des pays majeurs comme la France ou l’Angleterre, d’une préoccupation montante chez le public sur le côté de la santé des joueurs, d’un modèle économique qui peine, d’une fédération australienne au bord de la banqueroute ou de clubs bien incapables de s’affranchir de la protection financière de leurs sugar daddys.
UNE ÉLECTION EN TOILE DE FOND
Par ces mots, le vice-président de World Rugby entend aussi rappeler au grand public que les projets d’harmonisation du calendrier international auquel il avait largement participé un an plus tôt, à San Francisco, venait d’être bafoué. Dans le viseur d’Agustin Pichot, on comptait donc les clubs anglais, coupables à ses yeux d’avoir allongé la durée du Premiership (outre-Manche, le championnat se terminera cette année fin juin), rendant impossible toute conciliation au niveau de l’agenda international. Mais en montant seul au front, Agustin Pichot se serait également attiré les foudres du président Bill Beaumont et de son bras droit, l’ancien Racingman Brett Gosper. Dans les couloirs de World Rugby, il fut même un temps question de publier un communiqué de presse afin de désamorcer la bombe posée dans le quotidien anglais par l’ancien capitaine des Pumas. Conscients qu’une telle attitude exposerait aux yeux du monde une institution désunie, les caciques ne mirent finalement pas leur projet à exécution.
Mais que faut-il comprendre de ce manège ? C’est limpide: la fougue, la spontanèité et l’hyperactivité d’Agustin Pichot ont parfois du mal à se fondre dans le cadre duveteux de l’hyper traditionnaliste World Rugby et, entre le tempérament latin du Petit Napoléon et la réserve so british de Bill Beaumont ou de sa garde rapprochée, les courts circuits ne sont pas rares. Beaumont, qui n’a jamais remué une oreille à l’époque où il était le vice-président de Bernard Lapasset (2008-2016), ne comprend pas que Pichot puisse parfois s’affranchir du protocole. Ce n’est pas tout: en 2020, de nouvelles élections auront lieu à World Rugby et, selon plusieurs présidents de fédérations, un mano a mano pourrait alors opposer l’ancien capitaine du XV de la Rose au torrentueux argentin. De fait, Bill Beaumont -après maintes hésitations- se verrait bien faire un dernier mandat mais Pichot, soutenu par l’Ecosse, la France et la SANZAR, a clairement le vent en poupe. Alors, qui remportera la guerre des mondes ?