T’as raison, Fatima !
On a tous été vexés, surpris ou amusés le jour où l’épouse de Julian Savea, aux abois devant le dernier Paris - Toulon, rendit public ce sentiment tout personnel : « Le rugby de ce côtélà du monde est en retard par rapport à l’hémisphère Sud. » Mais Fatima Savea a raison, nom de Dieu ! Qui a survécu au dernier week-end de Top 14 ? Qui a passé plus de dix minutes devant le tristissime Toulon - Agen ? Ou plus de trois devant l’infâme Montpellier - Toulouse ? Quoi qu’en dise Marc Lièvremont, les impasses auxquelles se prêtent cycliquement les équipes du « meilleur championnat du monde » donnent une terrible image du rugby français, plaident en faveur du
Top 12 et nous feraient presque souhaiter la mort des phases finales, cette obsolescence propre à l’ovale et qui nous est pourtant si chère, le printemps venu. Car Toulouse n’aurait pas envoyé ses Espoirs à Montpellier (66-15) si ce déplacement dans l’Hérault avait eu, in fine, une incidence sur leur saison, n’est-ce pas ?
Chacun a ses raisons, au moment de défendre l’impasse. Mauricio Reggiardo dit que son effectif est trop limité, qu’il n’a rien à gagner au Racing ou que son championnat à lui se dispute seulement à Armandie. Ugo Mola rappelle aujourd’hui que les siens avaient à l’esprit un derby contre Castres autrement plus important que le récent voyage en Hérault. Est-on sérieux ? Un sport professionnel peut-il vraiment se permettre de proposer de telles purges, tronquées avant même d’être jouées ? Les salariés du Top 14 n’ont-ils pas, comme tous les autres travailleurs du monde du spectacle, des devoirs vis-àvis de ceux qui les font vivre ? À l’heure où les affluences sont en clair baisse (Bordeaux et Toulon souffrent, Montpellier est à guichets fermés une fois tous les quatre ans, JeanBouin et l’Arena ferment systématiquement leur dernier anneau…), qui paiera demain pour assister aux farces qui polluent le championnat depuis deux mois ? Qui jugera bon de passer son dimanche devant une boucherie à sens unique où des gamins de 20 piges, qu’ils soient Agenais, Toulousains ou Catalans, se font étriller par des internationaux à qui ils rendent dix kilos ? En 2016, Canal + avait pété la banque pour arracher les droits du Top 14, alors estimés à 95 millions d’euros la saison. Mais c’est le casse du siècle, sacrebleu ! Car à Montpellier, Éric Bayle avait beau sortir les rames et ses meilleurs calembours, son énergie ne parvenait à faire oublier la vacuité d’un spectacle dont l’audience dut, soyons clairs, être risible. Deux heures plus tard, sur la même chaîne mais avec un autre ballon, l’équipe Une de Lyon recevait le 11 majeur de Marseille dans un stade plein jusqu’à la gueule, devant des millions de téléspectateurs. Et pour la première fois depuis longtemps, on en venait presque à les envier, ces foutus manchots…