Midi Olympique

L’EXEMPLE DE MAYER

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Il y a longtemps, l’écrivain Kléber Haedens affirmait que le rugby était le seul remède sérieux contre l’hiver. L’été n’est pas fini et, en France, ce sport picaresque qui faisait bouillir le sang et les sentiments paraît souffrir, à un an de la Coupe du monde, de frissons permanents, d’une crainte à la fois objective et irraisonné­e. Comme si l’esprit de ce jeu s’était réfugié dans une chambre froide, très loin de la chaleur de ses vertus que sont le courage, l’âme collective, l’inventivit­é.

Il est vrai que ce début de Top 14 interroge. Le catastroph­ique Bègles-Bordeaux - Montpellie­r a laissé sans voix. La prestation indigne de Toulon face au Stade français, le Racing 92 piétiné par Clermont à domicile, les blessés qui s’accumulent, les suspension­s de Le Roux et de Bastareaud, l’effacement du capitaine Guirado, tout nous plonge dans la perplexité. Au point de se tourner vers le Pro D2 où figurent tant de grands noms de ce sport, dans le respect de ce qu’est le rugby : un patrimoine intime. Je songe aux mots splendides de Francis Marmande : « J’aimais ces rites, ce grand jeu, cette liturgie, l’enchanteme­nt de la vie attelée, l’inutile, ce savoir perdre et ce savoir se perdre, le sacré d’un monde disparu, les réunions du samedi après-midi devant la télé, le stade sous un ciel de tombe. » Les résultats des tournées d’été paraissent avoir engendré la peur, cet impensable. C’est que les Français recevront le 10 novembre les SudAfricai­ns, or ces Boks viennent de vaincre les All Blacks à Wellington (34-36). Le 17 novembre, l’Argentine de Ledesma et de Quesada sera l’adversaire, et ces Pumas ont défait l’Afrique du Sud (32-19) puis ont triomphé en Australie (19-23). Si le XV de France est battu, tout indique l’instaurati­on du grand désarroi avant la prochaine Coupe du monde, au Japon. Mais c’est dans un an, et c’est énorme ! Bien sûr, en septembre et octobre 2019, il faudra dominer l’Argentine ou l’Angleterre pour se qualifier. Difficile, et logique : c’est un championna­t du monde ! Il faudra donc inventer. Henri Michaux écrivait : « Il faut un obstacle nouveau pour un savoir nouveau. »

Une supplique et une comparaiso­n pour finir. Joueurs de l’équipe de France, n’oubliez jamais que vous êtes quinze sur le terrain. Le week-end dernier à Talence, confronté aux dix épreuves d’un décathlon, Kevin Mayer était seul. Écoutons-le, dans sa simplicité : « J’étais vraiment mort, j’avais la boule au ventre, je n’avais aucune réponse. J’ai juste laissé monter la pression, ça donne une énergie nouvelle. » Parce que ce sera dur, joueurs de l’équipe de France, vous allez réussir. Mayer, encore : « Mes deux premiers jets (au javelot) sont mauvais, je touche le sol avec l’arrière du javelot, je n’avais plus de jambes et je m’énerve contre moi-même. Au troisième, il y avait tout dedans. Quand je le vois partir, il n’y a qu’un point dans le ciel, rien ne se perd à droite, à gauche, en haut, en bas. Juste un point qui vibre. » ■

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