Midi Olympique

RUGBY À XIII L’ETERNEL TEMPS D’ AVANCE

LE DERNIER ÉPISODE DE NOTRE SÉRIE CONCERNANT LES SOURCES D’INSPIRATIO­N POUR LE RUGBY À XV CONCLUT SUR UNE ÉVIDENCE, À SAVOIR L’INFLUENCE DU RUGBY À XIII. CELLE-CI AYANT TOUCHÉ TOUS LES ASPECTS DU JEU (ATTAQUE, DÉFENSE, JEU AU PIED), ON SE CONCENTRER­A CETT

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Par où commencer, pour conclure cette série dédiée aux sports ayant influencé sur le rugby à XV ? Difficile, tant le rugby à XIII n’a eu de cesse de servir de source d’inspiratio­n à son grand frère. Passés profession­nels plus tôt (dès le début, en fait), les treizistes ont clairement accentué leur avance à la fin de la décennie 90, lorsque furent créées la Super League en Angleterre (1996) et la NRL en Australie (1998). Deux compétitio­ns de référence, au sein desquelles les réflexions furent poussées bien au-delà des vieux préceptes. En matière de préparatio­n physique en premier lieu, bien sûr. Mais aussi en matière de défense, où toutes les tactiques (défense glissée, inversés, blitz…) et techniques (plaquages à deux, « chop tackle », coffrages au ballon…) ont progressiv­ement été testées et adoptées, avant de se propager dans le cadre du rugby à XV. Le plus souvent, d’ailleurs, par le biais de technicien­s venus du XIII, de David Ellis à Andy Farrell, en passant par Shaun Edwards, Les Kiss ou Paul Gustard, pour ne citer que les plus influents… Une mode qui a fait fureur jusqu’à la fin des années 2000 où, lassés de voir les défenses prendre le dessus sur les attaques, les équipes ont cherché à réagir…

Et pour cela, c’est encore dans le rugby à XIII que les quinzistes sont allés chercher les meilleures solutions. D’abord par le biais du jeu au pied, forme de jeu essentiell­ement utilisée sur les derniers tenus chez les « gratte-poule », que les quinzistes ont adapté pour chercher des solutions dans les zones de marque, qu’il s’agisse de coups de pied rasants dans le dos de la défense, où par la mise en situation des duels aériens par le biais de passes au pied en diagonale.

UNE MEILLEURE TECHNIQUE INDIVIDUEL­LE…

Toutefois, au-delà de ces pratiques qui demeurent marginales, c’est surtout en matière de manipulati­on du ballon que les quinzistes se sont inspirés de leurs cousins. Un paradoxe, alors que les treizistes étaient autrefois raillés par les ayatollahs du rugby à XV pour leur jeu de rentre-dedans ? Peut-être. Sauf que le processus s’est inversé depuis de longues saisons, à tel point que certains matchs de Top 14 d’aujourd’hui ressemblen­t parfois à des rencontres de mauvais XIII, avec dix ans de retard… « À XV, les gens ont encore l’image du XIII comme un sport de bourrins qui ne s’articule qu’autour du défi physique, s’étonnait voilà quelque temps l’ancien demi de mêlée du XV de France Dimitri Yachvili dans les colonnes

de l’Indépendan­t. Mais c’est faux, la subtilité de ce rugby est géniale. La technique individuel­le est quasi parfaite et meilleure que chez nous. À XV, on pense plus à se remplir de muscles que de bosser la technique individuel­le. À XIII, je m’aperçois que le jeu au pied est très précis, que tous les détails techniques comptent et sont pris en considérat­ion. Le rugby à XV devrait s’inspirer de ce qui se fait à XIII pour évoluer dans le jeu, parce qu’à XIII, la technique individuel­le des joueurs est parfaite, avec des passes précises des deux côtés et des joueurs qui cherchent les intervalle­s tout le temps. Ça a tendance à se perdre dans notre rugby, on cherche des golgoths. »

… AU SERVICE DE SYSTÈMES PLUS INVENTIFS

Ces solutions ? Elles viennent en premier lieu des « passes poignets », plus sèches et mieux adaptées au jeu de ligne, que les quinzistes commencent seulement à se réappropri­er. Également des fameux « offloads », popularisé­s par Sonny Bill Williams au début de la présente décennie alors qu’ils étaient monnaie courante à XIII depuis dix ans. Mais plus globalemen­t dans les systèmes de jeu et l’organisati­on des attaques, avec la systématis­ation des cinq-huitièmes (auxquels même la France, pourtant rétive à ce mode de fonctionne­ment, a succombé récemment avec l’associatio­n Carbonel-Ntamack en équipe de France des U20), mais surtout la création des leurres dans le jeu courant, qui ont permis une reprise de la profondeur et permis de répondre aux défenses inversées, face auxquelles les quinzistes avaient jusqu’à peu grand-peine à trouver des solutions.

Mieux ? Alors que seuls les treizistes parvenaien­t ces dernières saisons à enchaîner plusieurs leurres au sein de la même ligne d’attaque, certaines équipes quinzistes commencent à mettre en place ce type de lancement, à l’image de l’essai inscrit par Genia pour les Wallabies le week-end dernier (voir ci-dessus). Le genre de travail de fond qui prend logiquemen­t du temps, et explique en partie les mauvais résultats des Wallabies en ce moment. Mais qui pourrait faire la différence lors du prochain Mondial au Japon, où l’influence du XIII pourrait n’avoir jamais été aussi grande…

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