Les Blacks laminent les Italiens
Il est des matchs qui n’échappent pas à leur destin. Comme un blockbuster américain au scénario cousu de fil blanc aux rebondissements balourds, cet Angleterre Australie n’a laissé place à aucune surprise. Et pourtant, comme les 81 000 spectateurs de Twickenham, on s’est encore une fois laissé prendre au jeu puisque, à grands renforts d’effets spéciaux et de six essais inscrits tout au long de la partie, le spectacle était au rendez-vous. Que retiendra-t-on de cette cinquantième confrontation de l’histoire entre Anglais et Australiens ? Tout d’abord, évidemment, le bel hommage rendu à Will Genia, qui eut l’honneur d’entrer seul sur la pelouse pour sa 100e sélection. Des bons sentiments d’entrée de jeu, comme pour attendrir le spectateur et le placer d’entrée de jeu dans les meilleures dispositions…
PEYPER-SINCKLER, L’IMPROBABLE ÉCHANGE
Ensuite ? Oh ! rien moins qu’un méli-mélo de situations à l’eau de rose et de personnages caricaturaux. On pense ainsi évidemment à la tête d’affiche Owen Farrell, auteur comme à son habitude d’un 100 % au pied orné d’un essai personnel (22 points au total), sans oublier une traditionnelle polémique liée à son impunité, après un plaquage à l’épaule sur le deuxième ligne Rodda juste avant la mi-temps… Mais également à une flopée de personnages secondaires et autres rebondissements prévisibles au possible, à savoir une mêlée australienne montée sur rollers, un Israel Folau auteur d’un doublé dans la débandade, sans oublier un Jaco Peyper cabotin à souhait. L’arbitre sud-africain se payant carrément le luxe de refuser un essai aux Wallabies au mépris de l’habituel protocole du TMO, en se fondant simplement sur le bruit de la foule et une image sur le grand écran, déclenchant une énième fureur du sélectionneur wallaby Michael Cheika. Cela avant de dégainer comme un uppercut la « punchline » de la soirée en direction du pilier droit anglais Kyle Sinckler, qui s’amusait à traiter de « sales mouchards » les Wallabies. Une référence, évidemment, à l’exclusion de la sélection de Kurtley Beale et Adam Ashley-Cooper, dénoncés par leurs partenaires pour avoir fait monter trois jeunes femmes dans leur chambre d’hôtel au pays de Galles dix jours plus tôt. « Dites à votre numéro 3 de se calmer, capitaine, indiquait ainsi l’arbitre au capitaine anglais Owen Farrell. On n’est pas au jardin d’enfants, ici. - Mais le rugby est un sport d’hommes, m… ! rageait Sinckler. - Aussi un sport de gentleman, calmait Peyper. Alors, calmezvous… » Probablement le seul moment du match où on fut tenté de ne pas donner tort à M. Peyper…
L’ÉCLOSION DE COKANASIGA
La morale de cette histoire ? Elle est qu’au-delà des improvisations de l’arbitre sud-africain, on eut finalement peu d’occasions de s’emballer, tant l’issue de la partie semblait convenue. Trop dominatrice en mêlée fermée et dans les rucks, trop supérieure en un mot, cette Angleterre-là ne pouvait pas perdre contre ces Wallabies en bout de course (onze défaites lors des quinze derniers matchs) et en manque de repères, qui plus est après le forfait du numéro 8, David Pocock, à moins de vingt-quatre heures du coup d’envoi. Avec leur sixième succès consécutif face aux Wallabies, l’équipe d’Eddie Jones a ainsi égalé son record historique, enregistré le grand retour de Manu Tuilagi au centre de l’attaque pour les dix dernières minutes et surtout assisté à l’éclosion d’un nouveau facteur X, avec l’ailier de Bath, Joe Cokanasiga, auteur d’un essai. « Attendez un peu avec lui, il n’est encore qu’en survêt, s’amusait Jones avec son sens aiguisé de la métaphore. Quand il aura trouvé le bon pantalon, on verra encore bien mieux avec lui. Là, il est parti les acheter et j’espère qu’il va les trouver d’ici la Coupe du monde. » Voire d’ici le Tournoi, où l’Angleterre s’annonce comme l’outsider numéro un des favoris Irlandais. Les Blacks avaient juré de terminer l’année sur une « note positive ». Alors, si vous ne comprenez pas l’anglo-néo-zélandais, on vous fait la traduction : une « note positive », en kiwi, signifie une correction. Une leçon de rugby, riche de dix essais, articulée en deux temps : trente et un points en première mi-temps, trente-cinq en seconde. Constamment sous pression, les Italiens ont commis un nombre incalculable de fautes dont se sont nourries les hommes en noir. Les principaux bourreaux d’une Nazionale dépassée se nomment Jordie Barrett et Damian McKenzie. Le premier a signé un quadruplé, tandis que le second s’est « contenté » d’un triplé. La seule réponse des Transalpins fut une pénalité de Tommaso Allan. Comme en atteste le score, les All Blacks n’ont jamais relâché leur étreinte. Et ont bien mérité de souffler un peu après cette folle saison.