LE GRAND BLOND DU DOUBLON
POUSSIF ET MALADROIT SAMEDI SOIR, LE RACING 92 A NÉANMOINS ACCUEILLI LE REGAIN DE FORME D’ANTONIE CLAASSEN AVEC UN PLAISIR NON DISSIMULÉ.
LPhoto Icon Sport es doublons, aussi vains soient-ils aux yeux du grand public, restent néanmoins l’occasion pour des hommes en mal de temps de jeu de briller aux yeux de leur staff. Question : qui, samedi soir, a-t-il marqué des points en l’absence des onze internationaux que comptait le Racing à Nanterre ? Qui a poussé les deux Laurent à se ronger le crâne, en vue de l’échéance européenne ? Difficile à dire, tant les Franciliens ont semblé manquer de rythme, de puissance et de repères face à la modeste onzième équipe du championnat, bien mal payée dans la salle de spectacle des Hauts-de-Seine. Que Dimitri Szarzewski, Eddy Ben Arous et Brice Dulin soient encore à des années-lumière de leur niveau réel est plutôt logique, après des mois passés loin des terrains. En revanche, sur le flanc de la troisième ligne, on a quelque peu de mal à reconnaître Fabien Sanconnie. Arrivé de Corrèze à l’intersaison avec le statut d’international français, reconnu comme l’un des joueurs les plus prometteurs à son poste, l’ancien troisième ligne du CA Brive n’a pas encore l’abattage qu’il devrait avoir dans son nouveau club. Actif en défense, plutôt à l’aise dans les airs mais très timide ballon en mains, Sanconnie n’a pas encore répondu aux attentes du public francilien. En l’absence de Bernard Le Roux, blessé, et de Wenceslas Lauret, tout juste de retour d’une campagne internationale éprouvante — pour ne pas dire cauchemardesque — l’ancien protégé de Didier Casadéi à Brive devrait pourtant prendre aujourd’hui plus de place dans l’effectif du Racing 92. Pour dire le moins…
Dans un squad ultra-concurrentiel comme celui du Racing, les chances de briller se feront de plus en plus rares au fur et à mesure de la saison. Au milieu du terrain, la bataille entre Virimi Vakatawa et Olivier Klemenczak est par exemple encore loin d’être tranchée. Si on avait pu penser, avant ce mach contre Grenoble, que le Franco-Fidjien puisse profiter d’une opposition raisonnablement à portée pour frapper les esprits, sa prestation laisse un goût d’inachevé. Auteur de deux essais et percutant sur deux ou trois mouvements, Vakatawa a aussi oublié quelques surnombres face à Grenoble, surjouant parfois là où le Racing aurait eu besoin de plus de sobriété. Quant à Raphaël Lagarde, sorti blessé en fin de rencontre, il a correctement rempli sa mission de numéro 3 du poste, assurant tous ses tirs au but et animant la ligne d’attaque avec à propos. Mais à l’heure actuelle, l’ancien Bayonnais n’est évidemment pas capable d’offrir à l’offensive francilienne le souffle de vie que délivre Finn Russell sur chacune de ses prises de balle…
QUE FERA-T-IL L’AN PROCHAIN ?
Au coeur d’une performance collective somme toute « moyennasse », il est un homme à avoir une fois de plus tiré son épingle du jeu. À 34 ans, Antonie Claassen réalise en ce moment l’une de ses meilleures saisons au plus haut niveau. Hyperactif balle en mains, précieux en défense (10 plaquages), plus puissant qu’il ne le fut par le passé (4 franchissements) et querelleur en diable, le numéro 8 international est la liaison qui manquait entre le paquet d’avants et la ligne de trois-quarts, depuis la retraite de Yannick Nyanga. Très adroit de ses mains, l’ancien Briviste assure aujourd’hui la continuité de l’action là où l’on aurait cru perdue, remonte les ballons avec à propos, négocie proprement les sorties de mêlée. À son sujet, une question reste donc en suspens : pourquoi Claassen a-t-il attendu les derniers mois de son contrat dans les Hauts-de-Seine pour livrer de telles performances ? Pourquoi le meilleur n’est-il pas survenu plus tôt ? Probablement poussé dans ses retranchements par l’éclosion de Jordan Joseph et la polyvalence de Nakarawa ou Sanconnie, conscient qu’il avait encore deux dernières saisons dans les jambes avant de dire adieu au rugby pro, Antonie Claassen porte aujourd’hui le Racing quand l’équipe en a le plus besoin. Et si son côté « Joe l’embrouille » a parfois de quoi agacer (Djibril Camara et tous les arbitres du Top 14 pourront témoigner…), le fils du grand Wynand est, avec Simon Zebo, Juan Imhoff et Finn Russell, le meilleur Ciel et Blanc de ce début de saison. C’est le retour du grand blond !
De mémoire de journaliste, on n’avait jamais vu un joueur pro verser à ce point dans l’autocritique et, soyons honnêtes, la contrition de Pourteau nous émut tous beaucoup.
UNE PASSE DÉCISIVE, AUSSI…
Était-il sincère ? Oui, ses yeux ne pouvaient mentir. Était-il cependant le seul responsable, comme il semblait le croire ? Ce serait trop facile. Si Grenoble n’a pas décroché samedi soir sa première victoire à l’extérieur de la saison, le FCG le doit tout autant aux erreurs de Pourteau qu’à la défense acharnée des Racingmen sur leur ligne d’en-but, en fin de match. Si Grenoble n’a pu quitter Nanterre lesté de quatre points, il le doit tout à la fois aux surnombres oubliés par Taleta Tupuloa au milieu du terrain qu’à cet ultime drop jamais tenté par Ben Lucas dans les vingt-deux mètres du Racing 92 (lire plus haut).
Le rugby, dit-on, est le plus collectif des sports collectifs et à Nanterre, Franck Pourteau fut dans l’ensemble auteur d’un match propre, offrant même une passe décisive à son flanker Fabien Alexandre. Alors, passé cette défaite cruelle et ce match dont on aura oublié jusqu’à l’existence dans deux jours à peine, on n’écartèlera donc pas l’ouvreur grenoblois place de Grève. Au suivant ! Ce match au Paris-La Défense-Arena fut l’occasion pour les anciens Racingmen Étienne Dussartre, Loïc Godener et Franck Pourteau de fouler la pelouse synthétique de Nanterre pour la première fois de leur carrière. Le trois-quarts centre Dussartre a ainsi passé quatre saisons dans les Hauts de Seine, pour 22 feuilles de match. De son côté, le numéro 8 Godener est resté deux ans au
Racing 92, pour un total de 8 feuilles de match. Quant au demi d’ouverture Pourteau, il fut Racingman lors de la saison 2016-2017 mais ne fut titularisé qu’à une seule reprise, au soir d’un déplacement à Bayonne où Rémi Tales, Benjamin Dambielle et Dan Carter étaient tous indisponibles.
Après le match, les 9 000 supporters présents samedi soir à Nanterre ont eu le plaisir de partager la troisième mi-temps avec les joueurs du
Racing 92 et Grenoble. Pour ce faire, un espace avait été aménagé par les dirigeants franciliens derrière les poteaux, un orchestre animant le tout.