Midi Olympique

C’EST PAS TROP

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

L’aveu teinté d’ironie est signé Ugo Mola après la rencontre : « L’effectif répond présent, comme au temps où les moins de 20 ans n’étaient pas nés. » Double référence subtile. D’abord de cette époque où le club le plus titré de France survolait le championna­t à tel point que les doublons semblaient une simple formalité pour des seconds rôles qui ne l’auraient été nulle part ailleurs. Ensuite à cette génération dorée et symbolisée par Guillaume Marchand, Romain Ntamack, Lucas Tauzin et Matthis Lebel, sacrés champions du monde avec les Bleuets en juin dernier et alignés sur la feuille samedi. Grâce à ce succès acquis avec une équipe très largement remaniée, les Rouge et Noir ont même eu l’honneur de squatter la place de leader du Top 14, le temps d’une nuit, avant le rendez-vous dominical de Clermont. Rien d’anecdotiqu­e, même si Mola en sourit : « Il faut prendre la photo et l’encadrer. » Puis de reprendre son sérieux : « Cela nourrit l’ambition. Leader, le Stade toulousain l’a longtemps été. Ce n’est donc pas forcément quelque chose d’incroyable, si ce n’est au vu des conditions dans lesquelles on a joué depuis un mois et demi avec nos trois mecs suspendus, nos neuf internatio­naux, nos blessés. Les jeunes et ceux qui ont évolué à Pau ont perpétué ce qui fait notre culture et notre identité. » Car des garçons du calibre de Baille, Pointud, Marchand, Ghiraldini, Gray, Kaino, Dupont, Bezy, Fouyssac, Médard, Huget ou Kolbe étaient tout de même absents.

« UN GROUPE ASSEZ EXCEPTIONN­EL »

Malgré un manque évident d’expérience pour certains ou de statut pour d’autres, qui étaient réduits au rang de doublures en début de saison, ce Toulouse-là est en pleine confiance. Et le relais des Castets, Madaule, Axtens, Pagès, Guitoune, Bonneval et consorts s’avère extrêmemen­t efficace. « Quand la dernière mêlée, qui nous permet de l’emporter, se dispute avec Rodrigue Neti, Guillaume Marchand qui n’a même pas 20 ans et Maks Van Dyk à qui on a trouvé tous les défauts du monde il n’y a pas si longtemps, c’est génial, clame Mola. Quand on voit un fond du terrain qui jouait en espoirs il y a encore peu, un Romain Ntamack qui prend la main au poste d’ouvreur avec succès à l’heure de jeu, aux côtés d’un Pierre Pagès qui évoluait en Fédérale 1 l’an dernier… » Et d’ajouter astucieuse­ment : « Il paraît que les absents ont toujours tort. En interne, dans la vie du groupe et du club, cela fait du bien de voir ce plaisir au quotidien, aux entraîneme­nts, avec notamment des joueurs qui ont peu de temps de jeu au haut niveau. Cela nous conforte dans l’idée d’avoir un groupe assez exceptionn­el. À nous de faire les bons choix. » Ceci dès la semaine prochaine, avec le retour des internatio­naux. « Cela permettra de ménager les organismes des uns et des autres, se réjouit Mola. Sur les deux mois à venir, on a le Stade français,Toulon, Clermont, les Wasps, Bath et Leinster au programme. Je serai peut-être moins positif dans quelques temps mais nous nous sommes offerts le droit d’exister sur les deux tableaux. » Surtout que son effectif n’a pas uniquement grandi dans sa compositio­n. Mais aussi dans sa maîtrise collective et sa gestion globale.

« SAVOIR GAGNER UN PEU VILAIN »

Au Hameau, les Stadistes sont loin d’avoir rendu leur meilleure copie. Cette formation, si enthousias­te et séduisante d’ordinaire, a su resserrer le jeu pour assurer les quatre points. En clair, elle s’est adaptée au contexte, notamment en se consommant très peu dans les rucks. « On ne va pas claironner, explique le technicien. Contre un adversaire qui est dans le doute, la confiance nous a permis de l’emporter. Grâce à une bonne alternance entre le jeu autour et au large, on a réussi à contenir Pau. C’est une des formations qui, sur le plan de la redistribu­tion offensive, pose le plus de problèmes aux défenses. Nous avons réussi à aller les chercher haut, à les empêcher de produire leur rugby. J’ai en tête quelques images défensives remarquabl­es. À la mi-temps, je sentais que nous n’étions pas dans la rencontre de manière totale. J’ai dit : « Tant pis si, parfois, il faut gagner un peu vilain. » C’est ce qu’on a fait. Mais on doit retenir que ce groupe, même jeune alors qu’il a morflé il y a peu de temps, est capable de faire un résultat sur le terrain d’une équipe en besoin de victoire. Même si, sur la manière, on aura du boulot ce lundi lors de l’analyse. » « On va encore répéter que nous ne sommes pas loin mais nous n’y sommes pas, se lamente Lucas Rey. Ça fait vraiment ch… »

REY : « IL MANQUE UN MATCH RÉFÉRENCE »

Autant que ce douloureux sentiment d’impuissanc­e qui s’installe un peu plus chaque weekend. Ce groupe béarnais n’a plus de certitudes ni d’assurance. Le doute est là, dans les têtes, insidieux et contagieux. « Contre Toulouse, on a vu la différence entre une équipe en pleine confiance et une autre qui se cherche, explique Simon Mannix. Malgré toutes les belles choses que je pense de notre adversaire, notamment son excellente circulatio­n défensive ou son efficacité sur les turnovers, nous avions le match en main et la possibilit­é de gagner. Cela n’a pas été fait. Or, la confiance vient de la performanc­e. À quand remonte la dernière bonne performanc­e de la Section paloise ? Pour moi, à un petit moment. » Mais ces échecs face aux poteaux sont révélateur­s de la fébrilité ambiante. Entre les paroles et les actes, il y a un monde. « Je sais que nous pouvons être beaucoup plus efficaces, poursuit le manager. Chacun travaille bien et l’envie est au rendez-vous. Mais c’est bien beau de le dire, nous avons besoin de le mettre en évidence sur le terrain. » Refrain repris par son capitaine : « Je sais ce dont cette équipe est capable mais, cette année, on se cherche encore. Nous ne tentons pas des gestes qui passaient les saisons précédente­s. Nous allons nous accrocher, travailler. On retrouvera la confiance, j’en suis persuadé. Il faut peu de choses pour enchaîner les victoires. » Et Rey d’avoir son idée : « Il nous manque un match référence, une grosse prestation collective pour faire basculer les choses et que ça parte vraiment. » Avec déjà trois revers à domicile, l’urgence est proclamée. Ce succès permet de prolonger la bonne dynamique. Le staff avait demandé d’être solidaires, de ne rien lâcher et de beaucoup travailler en défense. L’état d’esprit a été excellent. Je crois qu’il retenir notre solidarité. […] Il y a des occasions, comme ce match, où il manque des internatio­naux, suspendus ou blessés. Cela permet à certains, comme moi, de gagner du temps de jeu dans cet effectif qui est en grande confiance. Cela fait plaisir après un premier match à Montpellie­r où cela avait été plus dur. Mon but est de progresser au fur et à mesure des rendez-vous, donc des doublons car le Toulouse possède des talonneurs internatio­naux, ce qui m’offre l’opportunit­é de jouer. C’est dans ces moments-là qu’il faut en profiter. […] Avec la première sélection pour Julien (son grand frère, N.D.L.R.), tout se passe bien dans la famille. C’est énorme pour lui. On a discuté toute la semaine, il a été là pour moi, m’a donné des conseils pour me rassurer. J’ai aussi essayé d’être là pour lui. C’est une grand fierté de le voir en équipe de France, pour moi et pour toute la famille. J’espère que ça va continuer comme ça et qu’il va rester à ce niveau.

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