« La réalité a ressurgi, implacable, terrifiante, insupportable »
En lisant l’édition du Midi Olympique du 7 décembre sur « la fin des kilos », je me réjouissais en effet comme vous de voir les équipes en tête du Top 14 gagner en pratiquant un rugby fait de vitesse, d’évitement et libéré des kilos superflus. Je me disais que l’étiquette de lanceur d’alerte sur les dangers du rugby moderne, pouvant inquiéter les parents de nos jeunes encore au stade de l’apprentissage de ce sport, si souvent défini comme une « école de la vie », allait finir par se décoller de ma peau de neurochirurgien, naturellement, et peut-être à l’excès, inquiet de la santé des joueurs.
Le pessimisme s’éteindrait à petit feu et le nombre de jeunes licenciés augmenterait à nouveau…
Et puis, ce mercredi 12 décembre, la réalité a ressurgi, implacable, terrifiante, insupportable.
Nicolas Chauvin, espoir, vient de mourir, des suites immédiates d’un traumatisme violent subi en cours de match quelques mois après les décès de Louis Fajfrowski et d’Adrien Descrulhes, pour lesquels ont été déclarées des conséquences malheureuses de faits de jeu accidentels.
Je ne trahirai pas le secret professionnel en rappelant que les médias ont donné pour Nicolas Chauvin l’information d’une fracture de la deuxième vertèbre cervicale entourant à ce niveau la moelle épinière et les centres vitaux qui s’y trouvent. C’est la fracture du pendu, ou la conséquence d’un choc d’une extrême violence que l’on observe aussi en traumatologie de la route, mais très exceptionnellement chez le sujet jeune. Pour Louis Fajfrowski, il a été déclaré un choc cardiaque, et pour Adrien Descrulhes une hémorragie intracrânienne.
Les instances et les officiels du rugby affichent une bonne conscience en se préoccupant des commotions cérébrales, à coups de protocoles et de cartons jaunes ou rouges.
De la prévention a même été mise en place, avec la publication de différentes mesures, que beaucoup s’accordent à définir comme des mesurettes.
Le rugby reste violent. La question du respect de l’adversaire et de ce sport est posée.
Ces joueurs décédés en quelques mois avaient moins de 60 ans à eux trois.
D’autres drames vont se produire, la commotion cérébrale n’étant que l’arbre qui cache la forêt. D’autres régions de l’organisme sont exposées, nous venons d’en avoir la preuve. De vieux amis, amoureux du rugby depuis toujours, m’ont appelé et exhorté à réagir.
Au plus haut niveau, il n’y a pas eu de révolution. Les matchs de l’élite sont ennuyeux, pour la plupart, et dangereux. Messieurs les responsables, allez-vous à nouveau évoquer un incident de jeu ? Continuerez-vous à autoriser le placage par deux colosses en pleine vitesse sur le même joueur à l’arrêt ?
Les essais à zéro passe ne risquent-ils pas de tuer la poule aux oeufs d’or ?
Allez-vous continuer à vous étonner de la baisse des audiences, des stades à moitié vides, en trouvant pour seule explication les résultats décevants de l’équipe de France ?