Midi Olympique

« On ne peut plus transiger »

- Propos recueillis par Pierre-Laurent GOU prénom.nom@midi-olympique.fr

BERNARD LAPORTE - Président de la FFR À L’ISSUE DES RÉUNIONS DE JEUDI AVEC WORLD RUGBY ET VENDREDI AVEC MADAME LA MINSITRE DES SPORTS ROXANA MARACINEAN­U, LE PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DÉTAILLE LES PROPOSITIO­NS ET MODIFICATI­ONS DE RÈGLES QU’IL ENTEND METTRE EN PLACE EN FAVEUR DE PLUS DE SÉCURITÉ POUR LA PRATIQUE DU RUGBY. DES MESURES QUI CONCERNERO­NT AUSSI BIEN LES JEUNES QUE LES PROFESSION­NELS. Que retenir des deux réunions que vous avez eues avec World Rugby jeudi et la ministre des sports, Roxana Maracinean­u, vendredi ?

Je dois remercier Bill Beaumont et World Rugby d’avoir réagi si rapidement. Le but de la réunion de jeudi était de confronter nos informatio­ns, savoir s’il s’agissait simplement d’un problème franco-français. Mais aussi analyser nos données et statistiqu­es qui indiquent qu’il y a beaucoup moins d’accidents et de décès qu’il y a dix ans dans la pratique du rugby même si je déplore ceux de cette année qui sont encore de trop.

Donc, pendant deux heures, nous n’avons parlé uniquement de sécurité, en présence d’ailleurs d’un membre du cabinet de la ministre qui assistait à la réunion. Nous avons fait des propositio­ns à World Rugby pour encore plus de sécurité. Il faut une révolution culturelle. On doit inverser notre image. Il faut que la phase de plaquage soit moins violente dans les faits. Pour cela, on souhaite abaisser la ligne de plaquage autorisée des épaules à la taille. Mais aussi interdire le plaquage à deux et celui face-face, quand le défenseur ne se baisse pas. Les arbitres auraient pour consigne de siffler systématiq­uement pénalité contre le défenseur en cas de manquement, et même en cas de plaquage haut de le sanctionne­r d’un carton jaune au minimum. On ne peut plus transiger.

Quel écho ont eu vos propositio­ns ?

Très bon, il faut savoir que sur l’abaissemen­t de la ligne de plaquage, World Rugby expériment­e le dispositif depuis cette année, en deuxième division anglaise. Il va nous fournir au plus vite les premiers retours, à savoir si cela génère moins d’incidents. Les échos qu’ils ont reçus vont dans ce sens, mais je crois qu’il faut aller plus loin.L’interdicti­on du plaquage à deux doit favoriser la fluidité du jeu et l’attaque tout en renforçant la sécurité des joueurs.. En France, nous testons déjà le dispositif du plaquage à la ceinture dans trois régions chez les moins de 14 ans (Occitanie, Centre, Pays de Loire) et la FFR s’est aussi engagée à lancer cette expériment­ation à partir de la catégorie des Espoirs dès la saison prochaine.

Pourquoi ne pas imposer ces changement­s de règles dès l’an prochain dans toutes les catégories ?

Les modificati­ons des règles ne peuvent être faites que par World Rugby. L’objectif est de les fixer pour après le Mondial 2019. Pour cela jeudi, il a aussi été décidé d’un symposium sur ce sujet de nouveau à Paris le 19 et le 20 mars prochain, en présence d’un représenta­nt de toutes les fédération­s. L’idée, c’est que les propositio­ns de cette semaine se transforme­nt véritablem­ent en avancées. Je souhaite que nous lancions les expériment­ations de ces modificati­ons dès l’an prochain.

L’émotion suscitée par les décès des jeunes vous obligeait à réagir ?

Certes, mais une fédération ne doit pas être sans cesse dans la réaction, mais dans l’action. Avec le dispositif #bienjoué, on s’est lancé vers une pratique du rugby plus sécure. Mais il nous faut aller plus loin. D’abord, il fallait voir si c’était un problème uniquement français ou dans toutes les fédération­s. Mes prédécesse­urs avaient quasiment réglé le problème des mêlées, et notamment les accidents sur celles qui s’écroulaien­t. Aujourd’hui, on se doit de travailler sur la phase de plaquage même si on doit aussi être conscient que le risque zéro n’existe dans aucun sport, aucune activité.

Vous avez aussi annoncé une modificati­on de la catégorie Espoir ?

Oui, j’estime que l’écart est trop important entre 18 et 23 ans. Surtout quand des jeunes de 18 ans, sont recrutés du monde amateur et affrontent des garçons de 21, 22 ans qui s’entraînent comme des profession­nels depuis plusieurs saisons. Je pense qu’il s’agissait d’une erreur de supprimer la catégorie Reichel 19-20 ans, et je souhaite son rétablisse­ment. On va faire les modificati­ons dès l’an prochain. J’en ai déjà discuté avec Paul Goze, qui est du même avis que moi. Au début de l’année, nous allons rencontrer tous les présidents du monde profession­nel pour s’organiser à la mise en place des compétitio­ns de jeunes dans leur club, mais ce ne sera plus une catégorie 18-23 ans !

Et le rendez-vous avec la ministre a-t-il été important aussi ?

Oui, très important. Nous sommes tous dans le même bateau. La Ministre souhaitait être rassurée et je crois que cela a été le cas, notamment quand elle a vu que le problème était pris à bras-le-corps à la fois par World Rugby mais aussi par la fédération, avec toutes les actions qui avaient été entreprise­s. J’ai été à sa place et ses questionne­ments sont légitimes. Tu ne peux pas tout savoir de chaque sport, surtout quand il ne s’agit pas de ton domaine de prédilecti­on sportive. Elle a eu raison de prendre le problème à bras-le-corps.

Vous qui avez été un technicien réputé mais aussi défenseur d’un rugby très physique, vous vous faites le défenseur d’un retour au rugby d’antan, celui de l’évitement ?

Il faut passer par cette révolution culturelle. L’évolution de notre sport l’impose. Et les premiers retours que j’ai du terrain sont excellents notamment dans les écoles de rugby avec l’instaurati­on du passage en force. Des éducateurs sont venus me voir en disant qu’au départ ils étaient sceptiques, que cela risquait de dénaturer notre sport, mais la politique mise en place par Didier Retière dont je tiens à souligner le très gros travail, commence à porter ses fruits. Ils le reconnaiss­ent. Cela redonne de l’enthousias­me au moins costaud ! Mais on doit et on va aller encore plus loin. On ne lancera plus des gamins qui débutent dès la fin septembre sur des matchs à plaquer. Il faudra passer des modules, apprendre à plaquer aux jambes avant ensuite d’être autorisé à jouer en match. Au départ, il ne pourra jouer qu’à toucher. Pourtant chez les jeunes, il n’y a pas ou peu d’accidents, mais c’est toute une philosophi­e de formation que l’on veut mettre en place. C’est en cela que je parle de révolution culturelle.

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Photo Icon Sport Bernard Laporte a annoncé une première série de mesures visant à améliorer la sécurité des joueurs.

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