Midi Olympique

C’ÉTAIT LE TEMPS DES FLEURS...

ROI DU JEU DANS LE DÉSORDRE EN TOP 14, LE STADE A OFFERT TROP DE MUNITIONS ET CONNU TROP DE DÉCHETS DANS LA STRATÉGIE POUR SE HISSER À LA HAUTEUR D’UN SOMMET EUROPÉEN. AU POINT DE RECEVOIR UNE LEÇON DE RUGBY ORGANISÉ DE LA PART D’UN LEINSTER POURTANT PRIV

- Par Nicolas ZANARDI, envoyé spécial nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Il faut finalement revenir à la Coupe d’Europe pour toucher du doigt l’essentiel. Pour renouer avec cette vérité première qui veut que le haut niveau se trouve d’abord sur le terrain, et se contrefout des considérat­ions qui nous polluent du côté de l’Hexagone, à commencer par cet amour immodéré des « installati­ons » dernier cri et du confort pour le consommate­ur. À ce titre, un voyage au RDS vaut toutes les leçons du monde. Oui, on peut être la meilleure équipe d’Europe et évoluer dans un stade vieillot, vétuste, pour ne pas dire obsolète, mais doté de l’essentiel : une ferveur et une âme. Un public qui vit et qui vibre aux exploits de ses garçons, et qui les chante, du traditionn­el « Molly Malone » au petit dernier « Come on you, boys in blue » emprunté à l’équipe dublinoise de football gaélique, chanté sur l’air pourtant bien français du « Temps des fleurs ». Comme un clin d’oeil aux « Allez les bleus » un brin taquins qui secouèrent régulièrem­ent les travées, et peut-être aussi aux petits cadeaux laissés par le Stade toulousain lors d’une première période où il ne parvint jamais à tirer avantage du vent qui soufflait dans son dos…

DUPONT : « UNE LEÇON D’ORGANISATI­ON À HAUTE INTENSITÉ »

Car oui, c’est bien là qu’on voulait en venir. Meilleure équipe du moment en Top 14, roi du jeu dans le désordre, Toulouse n’a pas su se hisser samedi à la hauteur d’un grand d’Europe, capable d’ordonner son jeu au point de ne laisser que des miettes à son adversaire. Un constat que ne niait pas Ugo Mola, au sortir des vestiaires. « On a rivalisé dans l’intensité pure, analysait l’entraîneur des trois-quarts. En revanche, dans le jeu ordonné et la stratégie collective, les Irlandais nous ont dominés. » La faute, justement, à ce niveau d’intensité rare, qui a contraint le Stade à commettre des erreurs qu’il ne peut imputer qu’à lui-même. « Il y avait un gap à franchir pour l’emporter, et nous n’y sommes pas parvenus, pestait le demi de mêlée Antoine Dupont sur le chemin du bus. On a reçu de la part du Leinster une leçon en matière de précision et d’organisati­on dans un match à haute intensité. » Ces erreurs ? On pourrait presque s’amuser à en dresser un inventaire à la Prévert, de cet en-avant inaugural de Médard trompé par la trajectoir­e du ballon face au vent à cette dernière pénaltouch­e manquée par l’arrière toulousain. On citera donc, pêle-mêle, un avantage sur mêlée bêtement consommé, quelques lancements imprécis (quel était le but de dévier le ballon sur une touche en premier sauteur, sinon offrir Ramos en pâture à Cronin ?) et des courses de soutien coupables, un jeu au pied de Dupont botté sans organisati­on ni pression, ou cette mauvaise inspiratio­n de Ramos sur un des (rares) bons ballons de récupérati­on, en début de deuxième période…

UNE DÉFAITE POUR GRANDIR

Autant de « fleurs » qui contrastèr­ent, pour tout dire, avec le jeu tout en maîtrise d’adversaire­s pourtant privés de cadres comme Johnny Sexton, Devin Toner, Rob Kearney, Robbie Henshaw, Dan Leavy, Jack McGrath ou Sean O’Brien, soit la bagatelle de 400 sélections cumulées. Lesquelles ne se sont pratiqueme­nt pas ressenties dans la prestation collective du Leinster… « Les seules fois où j’avais joué des rencontres aussi intenses en club, c’était déjà contre eux, soufflait Dupont. Le Leinster, c’est pratiqueme­nt du niveau internatio­nal. » « C’était un test de caractère que nous passions ici, pointait le guerrier Rynhardt Elstadt. Physiqueme­nt, c’était le match le plus dur que nous ayons joué cette saison. Les Irlandais nous ont étouffé, usé jusqu’à la corde avec leur jeu de possession, et réussi à prendre le dessus sur nous à l’usure. » « Les joueurs ont touché du doigt le très haut niveau européen, synthétisa­it l’entraîneur des avants William Servat. Il y a des défaites qui font grandir, et celle-ci en fait incontesta­blement partie. » À condition, toutefois, de retenir la leçon qui veut qu’avant de briller dans le désordre, encore faut-il mettre les choses dans l’ordre. Car à l’heure d’assurer la qualificat­ion contre Bath, il ne sera définitive­ment plus le temps des fleurs…

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Photo IS S’il s’est accroché en défense à l’image de Sofiane Guitoune, le Stade toulousain n’a pas réussi à rivaliser avec le Leinster d’Adam Byrne.

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