FRANÇAIS, UN BOULET ?
PARMI LES DIFFICULTÉS NOUVELLES RENCONTRÉES PAR LES COACHS FRANÇAIS : LA CONCURRENCE ÉTRANGÈRE. ELLE EST PLUS EN PLUS RECHERCHÉE PAR LES PRÉSIDENTS.
Un chiffre, histoire de poser le contexte : cette saison, seulement 14 % des staffs sportifs de Top 14 sont composés d’entraîneurs français uniquement (à Clermont et à Toulouse, actuels premier et deuxième du championnat). C’est un fait, le prétendu meilleur championnat du monde attire les compétences des coachs de la planète entière et ne se prive pas de leur ouvrir les bras depuis plusieurs années. Ce chiffre était exactement le même il y a deux saisons. Certains n’avaient alors pas hésité à pousser un coup de gueule. « J’ose espérer que ce n’est qu’un cycle. Dans le rugby, on se copie beaucoup et certains ont eu des résultats. Alors, tout le monde s’est engouffré. C’est très dur à vivre », avait confessé sur Rugbyrama.fr l’ancien entraîneur des avants de Toulon et d’Agen Jean-Jacques Crenca à l’été 2017, alors qu’il était à la recherche d’un club. « On s’aperçoit qu’il y a beaucoup d’entraineurs étrangers, mais ce n’est pas pour ça que le rugby évolue en bien. À trop vouloir uniformiser et internationaliser, on perd un peu ce rugby qui faisait notre force. (...)Peutêtre qu’il faudrait que je change de nom et que j’en trouve un à consonance argentine, anglaise ou néo-zélandaise pour que cela marche mieux avec les mêmes qualités », avait-il ajouté, ironique.
L’OCCASION DE SE REMETTRE EN QUESTION
Les explications du phénomène ? Elles sont multiples. Il y a d’abord le fait que les staffs s’étoffent de plus en plus ces dernières années, avec des postes de spécialistes (touche, mêlée, défense, skills etc.) créés. Aussi, « il faut reconnaître que le rugby du Sud a pris de l’avance en termes de professionnalisation et ces entraîneurs étrangers ont amené de nouvelles habitudes de travail », avait constaté un autre coach au chômage, François Gelez, au même moment. Cela se traduit par la technologie mise au service du rugby comme les logiciels d’entraînements, d’analyse vidéo ou les GPS et « il faut savoir maitriser ces instruments. Surtout, savoir les interpréter pour les mettre en corrélation avec un vrai projet de jeu ». Les Néo-Zélanfais, notamment, s’illustreraient à ce niveau. Pour l’un de ces coaches étrangers, il existe une autre explication à l’intérêt que leur portent les patrons de clubs du Top 14 : « Souvent, les effectifs de notre championnat sont composés de joueurs de niveau international alors les présidents vont chercher des entraîneurs qui ont fait leurs preuves sur la scène internationale pour les diriger, analyse le manager d’Agen, l’Argentin Mauricio Reggiardo. À ce jour, c’est le cas de peu de Français finalement, même si une très belle génération émerge avec Mignoni, Collazo, Garbajosa, Urios, Arlettaz ou les deux Larent (Labit et Travers, N.D.L.R.). »
D’ailleurs, le président de Tech XV, le syndicat des entraîneurs français, ne se montre pas alarmiste : « Les clubs ont connu une mode, c’est vrai : ils ont pensé qu’il fallait ouvrir le rugby français à d’autres horizons, et aussi qu’il fallait s’adapter à des effectifs de plus en plus internationaux. Mais je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter outre mesure, nous a déclaré Alain Gaillard. J’ai l’impression que les clubs n’iront pas au bout de cette logique. Regardez le recrutement de Godignon et de Urios récemment. » L’arrivée des étrangers pourrait-elle, finalement, être une opportunité pour les Français ? « S’en plaindre serait une erreur, avait assuré François Gelez il y a dix-huit mois. Il faut s’en enrichir. Se scléroser et s’enfermer en disant qu’il ne faut que des entraîneurs français n’est pas la solution. C’est l’occasion de se remettre en question. »