Respect pour l’arbitre
Grand lecteur de Midi Olympique depuis de nombreuses années et passionné de rugby depuis ma plus tendre enfance, je vous suis avec intérêt et souscris à toutes vos analyses sur le désastre qu’endure ce sport si prompt pourtant à soulever les plus belles passions. Dans le paysage de notre rugby contemporain il est un point qui, de plus en plus, m’inquiète et auquel je voudrais que votre journal s’attache davantage. Il s’agit de la correction des joueurs envers l’arbitre. Combien de fois ai-je vu des joueurs tenter de faire pression sur l’arbitre - ce qui est considéré par certains comme de « bonne guerre », des joueurs discuter les décisions et des commentateurs (que l’on dit « bord du terrain » à la télé) presque systématiquement contredire les choix arbitraux… Tous ces comportements sont à bannir et j’aimerais plus de sévérité à l’encontre de ces attitudes par le corps arbitral ; qu’elles soient dénoncées par les journalistes qui aiment ce sport. Le rugby est difficile à arbitrer tant les règles sont complexes et les actions souvent confuses, sujettes à interprétation (ruck, en-avant, déblayage, horsjeu, etc) et c’est d’ailleurs l’honneur du rugby de pouvoir se dérouler dans le cadre strict de lois aussi précises. Aussi vais-je vous faire une proposition : serait-il possible de signaler les comportements exemplaires de certains joueurs dans leurs rapports aux arbitres ? Ne pourrait-on pas demander aux arbitres - sous couvert d’anonymat - de dresser un tableau des joueurs qui, à leurs yeux, respectent le plus les valeurs de ce sport. Il ne s’agit pas de dénonciation mais d’accorder un peu plus de poids et de visibilité aux joueurs qui respectent l’esprit de ce sport. Il serait bon que le rugby ne rejoigne pas le football, où les discussions avec l’arbitre prennent parfois un tour proprement inacceptable. La conquête du ballon, sa circulation, le jeu collectif requièrent des qualités physiques, d’intelligence et de technique avec lesquelles peu de sports peuvent rivaliser. Ces qualités ne méritent pas d’être dévoyées par des comportements qui lui portent atteinte […] Je sais malheureusement que le poids de l’argent dans les clubs, de plus en plus envahissant, attise les passions délétères. De grâce, faisons en sorte que le rugby ne verse pas dans le délire de la victoire « à tout prix ». Il n’y a que le supporter borné, rivé à la seule réussite de son club, qui s’accommode de cette dérive. Aimer le rugby, ce n’est pas seulement privilégier son club regarder les matchs des autres clubs sans autre passion que celle du jeu. Ce n’est pas sans émotion que je me rappelle certains publics applaudir une belle action ou la magnifique prestation d’une équipe adverse, comme en Irlande où l’on fait silence quand le buteur adverse tente de convertir une pénalité. Bref, il nous faut retrouver un rugby à l’image de celui que célébrait Jacques Verdier.
Je précise que je ne suis pas arbitre mais professeur de philosophie qui, toujours, a tenté de convaincre ses élèves et étudiants, parfois incrédules, des valeurs d’engagement et de solidarité de ce sport.
Marc-Vincent HOWLETT